samedi 5 décembre 2020

Mort d'un Président

 

samedi 5 décembre 2020

 

            Mort d’un Président.

 

Le vieux VGE était tellement momifié qu’on le croyait immortel. Et pourtant non !  Fauché dans la fleur de ses 94 ans, l’ancien plus jeune président élu de Ve République (avant notre petit Prince) aura quand même eu le plaisir d’enterrer son vieil ennemi Chirac avant de casser sa pipe. Tout le monde y est allé de son hommage, Macron en tête tant il se reconnaît dans cet ancêtre du centrisme de choc, soulignant les côtés positifs de son bilan : doit de vote à 18 ans, légalisation de l’avortement, divorce par consentement mutuel, poursuite du programme nucléaire lancé par Pompidou, TGV, et bien sûr l’Europe, l’Europe, l’Europe !

Il a fallu que j’aille faire un tour sur CNews, la chaîne maudite des bien-pensants (sur laquelle Le Canard Enchaîné s’acharne avec constance depuis quelques semaines, confirmant ainsi ma conviction que la liberté d’expression est une notion à géométrie variable pour les « progressistes ») pour entendre un autre son de cloche et une analyse plus fine de ce que nous devons à VGE. Un grand dé-constructeur, en fait, s’employant, sous les ors de la monarchie républicaine post-gaulliste, à faire entrer la France dans la modernité libérale, européiste et mondialiste, sacrifiant la démocratie au gouvernement des juges. Et auquel on doit, entre autres, d’avoir cédé aux sirènes du regroupement familial pour les familles des immigrés mis au chômage, point de départ de la transformation de nos banlieues populaires en vastes colonies de peuplement maghrébino-africaines.

Mais, comme disait VGE lui-même, sa mort m’a quand même « fait quelque chose » à titre personnel, bien plus que celle de Maradona. Il est vrai que j’ai toujours trouvé la politique infiniment plus passionnante que le foot. Je dois à Giscard mes premiers souvenirs politiques. C’était en 1974, à la Réunion. J’allais sur mes 5 ans, et je me rappelle ces images en noir et blanc évoquant la victoire du « Kennedy français » (titre volé à ce pauvre Lecanuet), les discussions dans la cour d’école (incroyable, les gosses parlaient de ça : un autre monde !)…Mes parents avaient voté Mitterrand, mais je préférais Giscard, qui me paraissait plus séduisant que la vieille star cabossée du socialisme en reconstruction. Socialisme auquel évidemment je n’entendais que couic à cette époque, et qui aura finalement été vaincu et digéré par le « libéralisme social avancé » du play-boy de Chamalières.

Quelques années plus tard (vers 1977 ou 1978), je pris ma plus belle plume pour écrire à l’Elysée, sous les yeux amusés et attendris de mes parents. J’avais été scandalisé par un reportage sur la chasse à la baleine diffusé à la télé, et souhaitais interpeller le Président à ce sujet. J’eus une belle réponse dans une enveloppe à en-tête, rédigé par un quelconque secrétaire, m’assurant que la souffrance animale et la défense des espèces sauvages étaient une préoccupation majeure du Chef de l’Etat, et que la France avait signé tous pleins d’accords internationaux sur cette question. J’étais tout fier et rassuré ! Et je déplore encore aujourd’hui que ce précieux document ait disparu des archives familiales.

Je suis resté plus ou moins giscardien jusqu’en 1980-81. Et là, après l’Affaire des Diamants qui ne m’avait pas bouleversé outre-mesure, arriva ce numéro spécial du Canard Enchaîné descendant en flammes les petitesses du grand homme, et notamment sa passion pour la chasse ! L’ami des animaux que j’étais toujours fut ulcéré d’apprendre les excès de celui dont le Secrétariat m’avait fait croire qu’il était mon héros. Le saligaud descendait des éléphants, flinguait des ours en Pologne en pleine hibernation, et aurait même voulu se payer un gorille ! Et c’est là, pour approfondir mon argumentaire de cour de récré (car oui, les collégiens de 1980 parlaient politique !) que j’ai vraiment plongé dans le grand bain, suivi la campagne avec passion, le débat-revanche de Mitterrand (ah, la phrase sur « l’homme du passé » contre « l’homme du passif », qui vengeait le « vous n’avez pas le monopole du cœur » !) et la victoire de la gauche en mai et juin 1981. C’est à cette époque que je me suis mis à faire imitations, dont la sienne, trop facile…Et c’est à VGE que je dois ensuite, par ricochets, mon bref engagement au MJS puis mon entrée à Sciences Po.

Donc, oui, M. Giscard d’Estaing, merci et au-revoir là-haut !

 

Polémique sécuritaire.

 

Ce gouvernement est maudit. Toujours empêtré dans sa gestion confuse de la crise sanitaire qui tourne au comique involontaire (j’ai cru que cette histoire de stations de ski ouvertes sans remontées mécaniques était une blague du Gorafi, avant de réaliser que c’était bien une annonce officielle !), voilà l’exécutif secoué par cette réforme controversée de la sécurité publique, qui rappelle les malheurs de la loi Sécurité-Liberté de Peyrefitte au temps du giscardisme finissant. Une bonne partie des médias bien-pensants est vent debout, la gauche se remobilise sur ses fondamentaux politiquement corrects, avec le concours d’images providentielles de violences policières (pardon, « illégitimes »). Et la majorité elle-même renâcle, obligeant le gouvernement à faire marche arrière sous la pression d’un Petit Prince furieux qu’on vienne lui gâcher sa rencontre avec les jeunes sur « Brut », le média branchouille de la nouvelle gauche. Macron y a fait la preuve de sa capacité à se soumettre à l’air du temps, passé ses récents coups de menton contre la « cancel culture ». Vous avez été choqué par le tabassage de Michel Zecler, que l’on essaie aujourd’hui de transformer en George Floyd français ? Eh bien envoyez vos suggestions de grandes figures noires à statufier d’urgence pour aider la République à être plus inclusive ! Si possible, je suggère qu’il s’agisse en priorité de femmes obèses, musulmanes, homosexuelles, transgenres et handicapées.

Blague à part, le front commun que les Français de tout bord était censés constituer face à l’ennemi islamiste, après la mort de Samuel Paty, a volé en éclats. Par la stupidité et la brutalité de quelques flics, dans une affaire par ailleurs fort trouble. Par la bêtise d’un gouvernement, qui tombe dans le piège de la fièvre législative sans se soucier de faire appliquer les lois existantes, rappelant les pires moments de l’ère sarkozyenne. Par l’exaspération générale d’une société à laquelle on ne fait plus vivre que l’enfer capitaliste enrobé d’argent public, sans les plaisirs qui le rendaient supportables.

Sale temps derrière ma fenêtre, sale temps pour la France. « Jeanne, au secours ! » comme dirait un célèbre borgne.

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