mercredi 20 juin 2018

Oradour, village abandonné. Aquarius rime-t-il avec Exodus ?


mercredi 20 juin 2018

            Village abandonné.

Au cas où j’aurais eu eu tort, je m’étais promis de le reconnaître dans cette chronique. Mais j’ai hélas eu raison. Il y a dix jours, Oradour-sur-Glane commémorait le massacre du 10 juin 1944. Pas de Macron à l’horizon, alors qu’il avait promis, l’an dernier, de revenir, après s’être rendu sur place avant la date anniversaire pour faire un grand discours de récupération politique. Mais je prends le pari pour l’an prochain : il y a les élections européennes ! Ce sera le moment ou jamais de fustiger la haine de l’Autre, le nationalisme, et gnagnagna….surtout si le FN est haut dans les sondages.

            Aquarius, Exodus, même combat ?

L’odyssée de l’Aquarius a donc trouvé son terme à Valence, à la suite de péripéties diplomatiques qui ont permis aux médias dominants de se livrer, comme d’habitude, à une propagande immigrationniste éhontée. Nous apprenons ainsi que le peuple espagnol, d’une générosité à faire rougir les vilains égoïstes que nous sommes, serait ainsi prêts à accueillir beaucoup de pauvres « exilés », comme dirait Yann Moix. Sur quels chiffres sérieux se fonde cette affirmation ? Aucun. Juste des micros trottoirs bien filtrés et des éditoriaux tirés de la presse bien-pensante, généralement proche du PSOE qui vient de reconquérir le pouvoir après un coup de force parlementaire.
Lorsque l’Aquarius a commencé à défrayer la chronique, je me suis dit : « Avec un nom pareil, il va se trouver quelqu’un dans la sphère pro-migrants pour faire un parallèle avec l’Exodus. » Et ça n’a pas loupé !
Parmi les récupérateurs de l’Histoire, médaille d’or à Nicole Bacharan, politologue franco-américaine, chercheuse associée à la Fondation Nationale des Sciences Politiques. Drapée dans le lin blanc de la morale universelle, Madame Bacharan affrontait sur CNews, il y a quelques jours, le démon du Souverainisme incarné en Sébastien Chenu, député FN. C’est à cette occasion qu’elle s’est jetée à l’eau –c’est le cas de le dire-, en invoquant les mânes des passagers de l’Exodus (1947) et du Saint Louis (1939). Voilà qui en jette ! Mais qui surtout en dit long sur l’inculture, ou l’immense mauvaise foi, de ceux qui prétendent appartenir à l’élite intellectuelle de l’Occident. Poids des mots, choc des clichés, néant analytique.
Puisqu’il s’agit de comparer des bateaux et des migrants, alors comparons…mais comparons bien. D’abord en rappelant les faits.
Pendant l’été 1939, le paquebot Saint Louis quitte l’Allemagne pour Cuba. A son bord, de nombreux passagers juifs fuyant les persécutions antisémites. Ils ont dû laisser derrière eux tous leurs biens, confisqués par le IIIe Reich.  Peu de pays à l’époque accordent des visas aux Juifs allemands. Cuba, qui devait les accueillir, leur claque finalement la porte au nez, tout comme d’autres pays, dont les Etats-Unis. Les réfugiés-exilés, car il s’agit bien de cela à l’époque, trouveront à Anvers une étape provisoire, avant d’être rattrapés par les hordes nazies en 1940. La majorité d’entre eux sera exterminée.
En 1947, l’Exodus est un navire affrété par la Haganah, l’armée clandestine juive en Palestine. Rempli de rescapés de la Shoah, le rafiot est finalement intercepté par la marine britannique, qui s’efforce à l’époque d’empêcher toute immigration juive en Palestine pour complaire aux Arabes. Les occupants de l’Exodus seront renvoyés dans des camps de transit en Allemagne, ce qui scandalisera l’opinion occidentale et fera grandement avancer la cause sioniste.
On constatera d’emblée que ces deux exemples dramatiques cités par Nicole Bacharan offrent de grandes différences entre eux. D’un côté des passagers « ordinaires », ayant payé leur billet, cherchant simplement à sauver leur vie là où ils le peuvent, sans arrière-pensée politique. De l’autre, des militants de la cause sioniste, ou tout au moins des gens récupérés par celle-ci, cherchant à réaliser le projet d’un Etat juif en Palestine…et qui ne risquent plus leur peau, sauf à se rendre, justement, dans cette Palestine déjà touchée par l’affrontement judéo-arabe.
Les points communs ? Les migrants juifs, dans les deux cas, sont des deux sexes et de tous les âges. Ils sont de culture européenne, disposant d’un certain niveau de qualification et de capacités d’adaptation qui les rendent intégrables un peu partout. Et ils fuient un antisémitisme virulent (même après la fin de la 2e Guerre mondiale).
Rien de tout cela avec les passagers de l’Aquarius : 90% au moins de migrants économiques, provenant d’Afrique noire ou du Maghreb, en grande majorité des jeunes hommes peu qualifiés, n’ayant aucune envie de s’assimiler, mais de profiter du « mirage occidental ». Ils disposent par ailleurs, contrairement aux Juifs des années 1930-40, d’une couverture médiatique extrêmement favorable et de l’appui de nombreuses ONG jouant à l’envi d’un sentiment de culpabilité qui accable les Européens, sommés de se laisser envahir au nom de leurs propres valeurs.
« Mais quand même, on ne peut pas les rejeter ! Ah, les vilains populistes haineux, etc… »
Un collègue fort sympathique, très représentatif de la bien-pensance de gauche, m’a cité avec gourmandise ce qu’il croyait être un argument qui tue, pêché je ne sais où : « Les Italiens devraient se souvenir qu’à une certaine époque, ils étaient bien contents de pouvoir émigrer en Tunisie ou en Libye ! » Il est resté coi quand je lui ai rétorqué : « Et les Tunisiens et les Libyens de l’époque –coloniale, rappelons-le- ils étaient contents de les voir débarquer, les Italiens ? » Et pour revenir à l’Exodus, même si je peux avoir de la sympathie pour la cause sioniste et admirer ce qu’a pu construire l’Etat d’ Israël, il est quand même évident que les Arabes de Palestine ne pouvaient pas approuver de voir leur pays envahi par des centaines de milliers de Juifs européens.
Les peuples d’Europe doivent-ils être traités, par leurs propres dirigeants, comme des colonisés n’ayant pas leur mot à dire ? Ces peuples, comme tous les peuples de la Terre, sont libres d’accepter ou non, ceux qui manifestent le désir de s’installer chez eux.  Cela s’appelle la Souveraineté, un mot qui rime plus sûrement avec Liberté qu’Aquarius avec Exodus.

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