Dimanche
19 mars 2017
La Complaisance
envers le Grand Turc, une tradition française ?
Les dernières péripéties diplomatiques
entre le gouvernement turc et certains pays de l’Union européenne ont fait l’objet
de bien des polémiques. En refusant de laisser des ministres d’Erdogan faire
campagne chez eux, en vue du prochain référendum qui donnera les pleins-pouvoirs
au Pacha de l’AKP, les dirigeants néerlandais, allemands, autrichiens, danois
et suédois se sont vus frappés par les foudres d’Ankara. Tout en nuance, le
nouveau maître du Bosphore a traités ces mêmes dirigeants de « nazis »,
et a promis diverses sanctions. De son côté, le gouvernement français a laissé
un meeting se tenir à Metz, permettant ainsi aux représentants de la dictature néo-ottomane
de venir haranguer leurs nombreux compatriotes, dont le vote pourrait être
décisif. Aussitôt, des grincheux de gauche comme de droite se sont fait
entendre, reprochant à Ayrault et Hollande d’être, une fois de plus, des
dégonflés et pire encore, des « traîtres à la solidarité européenne ».
Une fois n’est pas coutume, je n’entrerai
pas dans le débat –même si je n’en pense pas moins- et tenterai plutôt de
prendre du recul. Ne peut-on pas voir dans tout cela la perpétuation d’une
tendance lourde de notre géopolitique européenne ?
Car c’est à un autre François, 1er
roi du nom, que l’on doit notre diplomatie turcophile depuis le XVIe siècle. Il
s’agissait à l’époque, avant tout, de s’allier avec la seule puissance capable
de tenir en respect le Saint Empire Romain germanique de Charles Quint, qui
constituait alors notre principal rival en Europe. La France, déjà, ménageait
la chèvre et le chou dans les querelles religieuses internes à la chrétienté,
entre protestants et catholiques, et n’hésitait pas à se rapprocher d’une
puissance musulmane et conquérante, dont les armées menaçaient Vienne. Quand Louis
XIV, au XVIIe siècle, tranchera le nœud gordien du protestantisme en affirmant
la foi catholique du royaume de France, il ne renonça pas à l’alliance
ottomane. Il renforça même les liens avec la Sublime Porte, pour des raisons
stratégiques et commerciales, se posant aussi comme protectrice attitrée des
Chrétiens du Levant. Depuis, rien de bien nouveau sous le soleil (à part l’abandon
des dits chrétiens, du moins par l’Etat)
La France a regardé passer les
régimes depuis la chute de l’empire Ottoman, avec la placidité de la vache
devant les trains. Dictatures militaires laïques ? Super, ce sont des
régimes forts qui s’inspirent de notre laïcité ! Période d’ouverture
démocratique ? Génial, ils nous ressemblent tellement ! Repli
réactionnaire et intégriste ? Pas grave, c’est de l’islamisme modéré !
Le contexte général actuel est
certes différent de celui des XVIe-XVIIe siècles, mais des analogies demeurent :
la Turquie d’Erdogan affirme des ambitions géopolitiques sans précédent depuis
la 1ere GM. Elle dispose en Europe germanique d’une avant-garde nombreuse, sous
la forme d’une diaspora qu’elle entend contrôler. Elle peut faire chanter l’Europe
en la menaçant de laisser filer chez elle des centaines de milliers de
migrants, janissaires sans armes qui viendront bouleverser un échiquier
culturel et politique fragilisé. Les plus déterminés à résister sont les
peuples chrétiens d’Europe centrale et balkanique, tels les Hongrois, qui eux n’ont
rien oublié du passé. Le Nouveau Saint-Empire que constitue l’UE sous
domination allemande, après avoir fait preuve d’une complaisance relative, se
réveille face à la menace et retrouve un chouïa de dignité, qui n’est pas sans
rapport avec les échéances électorales et la montée du national-populisme. La France,
quant à elle, compte ses sous (contrats en Turquie) et ne veut fâcher personne.
Enfin une bonne occasion de damer le pion à Berlin ! Sauf changement en
profondeur de notre diplomatie, il est peu probable de voir notre pays
participer à une future contre-offensive. La Bataille de Lépante du XXI siècle,
si elle a lieu, se fera sans nous…comme en 1571 !
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