vendredi 16 décembre 2016

L'Académie des neuf, Macron et Alep

vendredi 16 décembre 2016

            Plan 9 From Outer Left.

Ed Wood était un spécialiste du nanar de génie, et je m’excuse auprès de son âme en repos de lui avoir emprunté le titre d’une de ses œuvres. Car le plan à neuf dont il est question ici n’est autre que la Primaire de la Gauche. Heu, encore pardon (à la gauche cette fois)…de la Belle Alliance Populaire (arrêtez de vous marrer, là-bas, au fond !)
Car ils sont neuf, pas un de moins, pour se lancer dans la grande aventure. Comme dans un film d’Ed Wood, le scénario est confus, les acteurs jouent mal, les effets spéciaux sont minables, et tout transpire la faillite imminente de la production…mais qu’est-ce qu’on se marre ! D’abord par la distribution, un vrai barnum :
-Deux frères ennemis : Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, censés incarner la gauche du Parti dans des tendances différentes. Le premier comme vestige de la génération « touche pas à mon pote », le second comme un nouveau Chevènement, la prétention en plus et les scrupules en moins.
-Le caïd que tout le monde veut dézinguer : Manuel Valls, qui essaie péniblement de faire oublier ce qu’il a fait tout en prétendant assumer son bilan. Après avoir joué pendant deux ans les Clemenceau au petit pied, il est difficile de se faire passer pour Jaurès. Sa campagne a débuté laborieusement, et tout le monde ironise sur son brusque désamour pour le 49.3, un calibre qu’il pourtant bien fait fumer quand il était aux manettes.
-Le traître qui déboule au dernier moment : Vincent Peillon, le « serpent » de Hollande, lâché dans l’arène pour mordre le caïd.
-L’idéologue de gauche qui n’a aucune chance : Gérard Filoche, qui croit encore au modèle social français.
-Les opportunistes qui vont à la gamelle, avec des vestes tellement retournées qu’elles craquent de tout côté, comme dirait Dutronc : François de Rugy, le Vert pâle, et Jean-Luc Bennhamias, le transfuge multicarte.
-Les figurants de service : Sylvia Pinel, parce qu’il fallait bien une femme et quelqu’un pour représenter le satellite radical de gauche ; Fabien Verdier, jeune apparatchik qui semble être entré là parce qu’il y a vu de la lumière.
Emballant, non ? Et on va se régaler, avec trois débats avant le premier tour, et un autre après, entre les deux finalistes ! Si avec ça, il se trouve encore des gens pour s’intéresser aux vraies présidentielles, ça sera un miracle.

            Macron se casse la voix.

Tout le monde s’est moqué du semi-éclatement des cordes vocales du leader du mouvement « En marche » en fin de meeting, mais il n’empêche…Le petit jeune bien comme il faut, le champion du libéralisme moderne a fait salle comble, et son mouvement gagne sans cesse des adeptes. La fenêtre centriste étant restée libre depuis l’échec de Juppé et le non-engagement de Bayrou, il aurait bien tort de ne pas en profiter. Et bien raison de ne pas se mêler de la pantalonnade citée plus haut.

            Alepomanie et russophobie.

Il y a trente ans, on nous bassinait avec le martyre de Beyrouth. Il y a vingt ans, c’était Sarajevo. Aujourd’hui, c’est Alep. Les villes changent, mais les médias aux ordres et les intellos inféodés à la bien-pensance dominante font toujours preuve de la même hémiplégie mentale.
Les martyrs, les victimes, les héros, ne peuvent être que d’un seul côté de la ville : en 1982, à Beyrouth, les « gentils » étaient à l’ouest (en gros, les musulmans sunnites et chiites, et les Palestiniens), et les « méchants » à l’est (les affreux Chrétiens, soutenus par les non moins horribles Israéliens, accusés de bombarder à tort et à travers, ou de causer des « génocides »…). En 1992, seuls les vilains Serbes étaient montrés du doigt, par  opposition à des  Bosniaques musulmans et des Croates parés de toutes les vertus. En 2016, comme nous le savons tous, les méchants sont l’armée de Bachar, ses alliés chiites et russes. Les gentils sont les sympathiques rebelles shootés au salafisme, armés par l’Arabie Saoudite, la Turquie, les Ricains et leurs valets.
Aujourd’hui, la chute de la partie Est d’Alep, enfin tombée aux mains des forces d’Assad, est vécue par certains comme un drame absolu : « Ci-gît Alep », titre Libération, tandis qu’Anne Hidalgo fait éteindre la Tour Eiffel (symbole d’une éclipse du cerveau en Occident ?) et que même une émission parodique populaire telle que C’est Canteloup, sur TF1, y va de son commentaire pleurnichard. On croit rêver ! Car que se passe-t-il sur le terrain, pendant que les zozos se lamentent à Paris ?
La fin des combats, que l’on croyait souhaitée par tous ces bons apôtres de l’humanité souffrante, est maintenant considérée comme une tragédie. On nous annonçait, il y a peu, que le pire était à venir. Je ne sais plus quelle andouille a même osé comparer les quartiers rebelles assiégés au ghetto de Varsovie. Finalement, les ignobles bourreaux qui constituent l’armée d’Assad ont accepté d’évacuer les civils, ainsi que les derniers combattants rebelles…avec leurs armes !
Deux questions :
-Y aurait-il eu la même mobilisation humanitaire, si c’était les partisans d’Assad qui s’étaient retrouvés encerclés dans une partie de Damas, ou à Tartous ou Lattaquié ?
-Que signifie cette étonnante contre-offensive de Daesh, qui est parvenu à reprendre Palmyre (dont apparemment nos bonnes âmes se foutent éperdument) ? Tout cela alors même que l’Etat islamique doit faire face à une vaste offensive en Irak ?
Damas et Moscou ont la réponse à la dernière question, et je les crois volontiers. C’est délibérément que la coalition orchestrée par les Etats-Unis a suspendu son attaque sur Mossoul, afin de permettre aux barbus de briser l’encerclement au Sud-ouest, et de faire ainsi diversion dans l’espoir de sauver les autres barbus, ceux d’Alep-Est.
Paranoïa ?  Pas aussi grave que celle des russophobes, qui nous bombardent aussi lourdement qu’un Sukhoï sur le thème : « Poutine est partout ! » La CIA et Obama en viennent même à accuser Poutine d’avoir truqué les élections américaines pour permettre la victoire de Trump.

J’ai d’autres scoops de la même eau : la victoire de Fillon aux primaires, le Brexit, la remontée annoncée des taux d’intérêt, le réchauffement planétaire, la grippe hivernale, les frelons asiatiques, bon sang mais c’est Poutine !

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