dimanche 2 février 2014
Langues régionales : un combat
douteux.
Mon parcours
personnel m’a amené à vivre dans bien des régions de notre beau pays : la
Réunion, les Pays de Loire (département de la Sarthe), la Martinique, le Béarn
et le Pays Basque, où j’ai fini par me sentir chez moi. Ma sœur habite en
région lyonnaise, mon frère à Strasbourg. Ma mère est native du Pas-de-Calais,
mon père de Moselle. Autant de territoires ayant une indéniable richesse
culturelle, des particularismes attachants, mais je me suis toujours senti en France,
dans mon pays, parce que tout le monde y parlait la même langue, et manifestait
globalement le même sentiment d’appartenance.
Depuis les
années 70 monte un vent « identitaire », religieux, ethnique et
culturel, dont le régionalisme militant est une des nombreuses manifestations.
Ce courant hostile à l’ « Etat jaobin », centralisateur et
niveleur, recrute à gauche comme à droite, et a trouvé à Bruxelles suffisamment
d’appuis pour faire voter cette fameuse charte européenne des langues
régionales, que d’aucuns tentent aujourd’hui de faire entrer en force dans
notre constitution.
Dans un
excellent article paru dans le dernier Marianne,
Anne-Marie le Pourhiet, professeur de droit public, règle leur compte à ces
tenants du « multiculturalisme » dont les délires nous mèneraient
tout droit à une « reféodalisation » de la société française.
J’y souscris
tout à fait, et apporte ici la contradiction aux habituels arguments des
régionalistes qui se répandent un peu partout en ce moment :
-« Apprendre
une langue régionale n’empêche pas de s’ouvrir à l’universel » :
évidemment non ! Mais là n’est pas le problème.
-« Apprendre une langue régionale facilite l’apprentissage
d’autres langues » : cela reste à démontrer. Si, effectivement,
les gamins qui apprennent très tôt à la maison ou à l’école tel ou tel parler
local peuvent se montrer un peu meilleurs que la moyenne en langues, cela tient
sans doute à d’autres facteurs tels que le milieu social et la culture des
parents. Les familles « régionalistes militantes » sont en général d’un
assez haut niveau d’études, ou tout au moins très impliquées dans l’éducation
de leurs mômes. Ceci explique largement cela.
-« Après des décennies d’oppression culturelle,
l’Etat jacobin doit permettre aux identités régionales de s’exprimer
pleinement. » Assez de conneries ! La mise en place de l’enseignement
systématique du français, au XIXe siècle (et pas seulement à partir de Jules
Ferry) n’a absolument pas été vécu comme une mesure oppressive. Les familles
rurales ont au contraire vivement approuvé cette mesure, qui permettait aux
enfants du peuple de maîtriser d’accéder à la langue des élites nationales et d’espérer
une ascension sociale, jusqu’ici réservée aux élites locales. Personne, à part
les allumés du Félibrige, tendance Mistral ou Maurras, ne s’est élevé contre
cette « uniformisation », qui d’ailleurs ne s’est réalisée pleinement
qu’après les deux guerres mondiales, avec les progrès des médias modernes et d’une
culture de masse en partie étrangère aux traditions locales. Ce n’est donc pas
à l’Etat qu’il faut s’en prendre, mais à la loi du marché et la « mondialisation
culturelle ».
De fait, le
régionalisme a déjà réussi un retour en force avec les lois de décentralisation
de 1982-83, et la récupération politico-économique, à forte teneur folklorique,
du phénomène. L’esprit de clocher, toujours vivace en France, a nourri ce
phénomène qui se manifeste entre autres par la multiplication de panneaux bilingues
aux quatres coins du pays, ou la mise en place d’options « langue
régionale » dans un certain nombre d’établissements scolaires.
Mais ce ne sera
jamais assez pour les régionalistes enragés, qui exigent que tous les textes
officiels soient rédigés dans leur langue favorite, et que les pouvoirs
publics dépensent encore plus pour valoriser celle-ci.
-« Il faut agir, car les langues régionales
sont menacées de disparition. » Comme les ours des Pyrénées, les
lamentins des Antilles ou le phoque moine en Bretagne ? Eh oui, car pour
ces gens-là, les langues sont des entités vivantes, comme les végétaux, les
animaux et les humains. Hélas, la vie suppose aussi la mort, et c’est dans l’ordre
des choses : nous ne savons plus rien des dialectes sûrement fort riches
parlés par nos ancêtres cro-magnons, ou même des langues gauloises dont il ne
reste que des toponymes et quelques termes ici ou là. Salopards de Romains
centralisateurs !
Entendons-nous
bien : je ne suis pas partisan d’une uniformité culturelle absolue, mais
je pense que l’échelon national est le plus adapté, en France, entre les « petites
patries » et le grand large mondialisé à la sauce anglo-saxonne. N’en
déplaise aux adeptes du « glocal » (« penser global, agir local »)
et aux diafoirus de Bruxelles obnubilés par leurs « Eurorégions »,
destinées à faire voler en éclats les Etats-nations pour mieux faire éclore « l’homo
européanus » qu’ils appellent de leurs vœux, tel Frankenstein au pied de
sa créature encore inerte.
L’argent public
doit être avant tout consacré au maintien du sentiment national, ce qui passe
par une priorité accordée à l’apprentissage du français, dont tout le monde s’accorde
aujourd’hui à reconnaître qu’il a été fortement sacrifié depuis les années 1960
à toutes sortes de gadgets éducatifs.
Une bonne
maîtrise de la langue nationale reste, aujourd’hui comme hier, le principal
moteur de l’ascension sociale. L’Etat n’a pas, en ces temps difficiles, à
gaspiller des moyens dans la promotion de l’occitan, du breton, de l’alsacien,
du corse ou du créole, surtout si les militants de ces mêmes langues sont par
ailleurs ses ennemis les plus implacables. Leur donner plus de fric, des locaux
ou des moyens « légaux » d’exercer leur emprise ne les calmera
jamais, comme le démontre l’exemple de la Catalogne, du Pays basque espagnol,
ou de la Flandre belge.
Au final, c’est
aux citoyens de trancher, par référendum, s’ils veulent maintenir une
République unitaire ou tenter l’expérience du fédéralisme.
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