samedi
1er février 2014
Convergence
franco-allemande et enjeux européens.
Oublions pour un temps les débats futiles entretenus
pour brouiller les esprits, telle que cette polémique stupide autour de la
théorie du genre, qui est à l’Occident décadent ce que les empoignades sur le
sexe des anges était à Byzance, alors que le Turc grondait sous ses murailles.
Le Centre du documentation du lycée où je travaille
reçoit en ce moment une exposition soutenue par l’Office national des anciens
combattants, ayant pour thème « les signes de la Collaboration et de la Résistance ».
Remarquable exposition, dont un des panneaux m’a fortement interpellé par ses
résonances actuelles. Photo tirée d’une autre expo de 1942, à la gloire de « l’Europe
nouvelle » en construction sous l’égide de nos bons maîtres allemands,
suivant le vieux principe avant/après :
-Avant : une Europe découpée par des frontières
en forme de murailles, comme autant de petites nations médiocres et dressées
les unes contre les autres.
-Après : une Europe sans frontières, avec de
grands axes lumineux reliant Gibraltar au Cap Nord, Brest à Moscou.
Dans cette Europe idéale, un seul modèle : l’Allemagne,
qui attribue à chaque pays/région une tâche spécifique, le « Grand Reich »
s’attribuant celle de centre industriel, politique et monétaire.
Ce magnifique projet unitaire est aujourd’hui en
passe d’aboutir, par la grâce des divers traités européens qui se sont succédé
depuis 1992. Le « nouveau Reich » abrite sur son territoire le siège
de la monnaie unique, gouvernée selon les desiderata
de la 1ere puissance industrielle du continent. Cette politique monétaire,
comme l’analyse implacablement Philippe Villin dans le dernier Marianne et son passionnant dossier « Faut-il
sortir de l’Euro ? » (n°876), a eu pour effet d’appauvrir les pays du
sud –France comprise-, de détruire les concurrents industriels de l’Allemagne et
de faire de celle-ci le moteur unique de l’économie européenne.
La vocation de la France dans cette nouvelle Europe ?
A priori, la même qu’en 1942 : fournir des denrées agricoles et des
produits de luxe, ou servir de réservoir de main d’œuvre si nos dirigeants
consentent enfin, comme l’exigent le Medef et les économistes libéraux, à faire
sauter les derniers verrous du modèle social français. Nos chômeurs pourraient
par exemple, en guise d’indemnités, aller bosser en Allemagne, comme le fit le
regretté Cavanna dans le cadre du STO [remarque au passage : les
commentaires ayant accompagné l’annonce du décès de cette grande figure de Charlie Hebdo mentionnent tous son livre
Les Ritals, en oubliant sa suite, Les Russkoffs, infiniment plus
intéressante…ou mieux encore : La
Bible selon Cavanna, très difficile à trouver et qui vaudrait aujourd’hui à
son auteur d’être traîné en justice par un paquet d’associations]. De fait, la
terrible concurrence que nous fait subir l’Allemagne dans le domaine agricole,
avec ses élevages et abattoirs géants où s’échinent des employés bon marché
venus de l’Est –comme en 1942 !- réduit encore plus le créneau que nous
pourrions occuper dans ce Reich d’un nouveau genre.
Comme au temps de Vichy, nos dirigeants se
soumettent les uns après les autres, tout en agitant la carte d’un
pseudo-patriotisme. Sarkozy en son temps, Hollande aujourd’hui, applaudi par
les médias d’Outre-Rhin, tandis que nos chroniqueurs eurobéats saluent cette
nouvelle convergence franco-allemande : la France se convertirait à la
rigueur germanique sauce Hartz, tandis que l’Allemagne mettrait un peu de social
dans son amère bibine libérale, par la grâce d’un SPD revenu aux affaires dans
le gouvernement d’union nationale de Frau Merkel. Et Bernard Guetta, europhile
enragé, de se pâmer tout en se félicitant du refroidissement des relations avec
la Grande-Bretagne rongée par l’ « europhobie » ! Perfide
Albion, ennemie de la Grande Europe…comme en 42.
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