samedi 2 novembre 2013
La stratégie du Cheval de Troie.
Depuis l’Iliade,
tout le monde connaît la vieille ruse employée par les Grecs pour vaincre la
cité de Troie. Les Romains en ont même fait un proverbe : « Je me
méfie des Grecs, surtout lorsqu’il me font un présent. » Les Grecs d’aujourd’hui,
qui sont-ils ? Un peu tout le monde, dira-t-on par facilité…Mais les
meilleurs pratiquants de cette ruse de guerre sont incontestablement nos « amis
américains ». Comme le fait remarquer Pascal Gauchon, dans une interview
accordée à la Nouvelle Revue d’Histoire (Hors-série
n°7 sur « la puissance de la Mer », automne-hiver 2013), les
Etats-Unis se considèrent depuis longtemps comme les « héritiers »
des puissances antiques : Rome bien sûr, mais surtout Athènes, son modèle
démocratique et sa thalassocratie, à laquelle les Américains ont ajouté une
ouranocratie (la maîtrise du Ciel). Cela se traduit également dans la culture
populaire de ce pays qui, après avoir créé ses propres héros mythiques (les « super-héros »
des « comics »), s’approprie purement et simplement ceux des mythes
gréco-romains, avec notamment la saga Percy
Jackson, romans à succès de Rick Riordan adaptés au cinéma.
Mais revenons à
notre funeste canasson. Le cadeau empoisonné est une spécialité américaine au
effets dévastateurs, utilisée à maintes reprises depuis la fin de la Seconde
Guerre Mondiale.
En 1947, le Plan
Marshall, à vrai dire difficile à refuser dans l’état où était l’Europe, va
arrimer pour longtemps –jusqu’à aujourd’hui- l’Europe occidentale à la sphère
américaine, par une invasion « généreuse » de marchandises, de
produits culturels et de modes de pensée. La fameuse « coca-colonisation »
dénoncée par le PCF et une partie de la droite de l’époque.
En 1974, l’entrée
du Royaume-Uni, cousin et allié inconditionnel des States, dans la CEE, va
torpiller sérieusement la construction européenne, la réduisant à un projet
cafouilleux de « grand marché » condamné à s’étendre sans jamais
pouvoir bâtir une vraie politique de puissance. Car Washington a toujours
vivement encouragé les « élargissements » successifs de la CEE, puis
de l’UE, en poussant divers pions: le Royaume-Uni bien sûr, auquel De Gaulle s’opposa
jusqu’au bout, puis la Grèce en 1981 (membre de l’OTAN), les ex-satellites de l’URSS en
2004, en attendant la Turquie. Ce n’est plus un cheval, mais une écurie, qui a ainsi
intégré l’UE et fait basculer son centre de gravité vers l’Est, favorisant de
la sorte le réveil d’un néo-impérialisme allemand et la dislocation du couple
que l’Allemagne formait avec la France.
Le grand
chantier en cours, le « grand marché transatlantique » destiné à
faire fusionner l’UE et l’ALENA, son pendant américain, nécessitait lui aussi
son bourrin de bois. C’est chose faite depuis peu avec l’accord UE-Canada, qui
va nous permettre d’envoyer du roquefort chez nos cousins en échange de bœuf aux
hormones, entre autres cochonneries. Il suffira aux Etats-Unis de faire passer
leur camelote par le territoire de leur gentil voisin et partenaire, et l’affaire
sera pliée. Bien joué !
La méthode s’applique aussi aux
entreprises, comme le relate le Canard
Enchaîné de cette semaine, qui évoque les malheurs de Peugeot, depuis que ce
constructeur automobile français a eu la mauvaise idée de faire entrer General
Motors Company dans son capital. 7%, ce n’était pas beaucoup, mais ce fut
suffisant pour imposer à la « marque au lion » de retirer ses billes
d’Iran (un très gros client, dont Peugeot aurait bien besoin en ces temps
difficiles), alors même que Daewoo, associé coréen de GMC, s’apprête à inonder
le pays des mollahs de ses propres bagnoles à la faveur du réchauffement diplomatique
entre Washington et Téhéran.
Mais les ruades
du canasson GMC ne s’arrêtent pas là : il a en effet réussi à faire
capoter le projet de construction commune d’une petite voiture entre Opel et
Peugeot –Opel est en effet aux mains de GMC depuis l’avant guerre- qui aurait
entraîné des créations d’emplois en France, et freine des quatre fers devant l’entrée
d’un constructeur chinois dans le capital de Peugeot à hauteur massive de 30%.
Racisme anti-jaune ? Non, stratégie toujours…Le Chinois en question,
Dongfeng, est en effet concurrent sur le marché de l’Empire du Milieu du géant
Saic, partenaire de GMC. Au fait, comment se fait-il que le lion français se
soit ainsi couché devant un cheval ? Le malicieux bourrin avait promis d’aider
le fauve à pénétrer le marché brésilien, si, si. Et puis finalement, rien.
Parle-t-on de
tout ceci dans les gros titres de la presse ? Non. Il vaut mieux s’épancher
sur le scandale des écoutes, c’est tellement plus vendeur. Et de rigoler sur le
fait que Hollande serait quasiment le seul chef d’Etat européen à ne pas avoir
été espionné par la NSA. Mais quel intérêt pour un maître de poser des micros
dans la niche de son chien ?
C’était quoi le
proverbe, déjà ? « Méfie-toi des Grecs… »
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