mercredi 27 février 2013
Alles Klar, Herr Kommissar ?
Hier soir sur
France Info, le commissaire européen Michel Barnier s’est livré à un magnifique
numéro de langue de bois européo-compatible. La tâche était rude, il est vrai,
car il s’agissait de commenter les résultats des dernières élections
législatives italiennes. Au-delà du retour spectaculaire de Berlusconi (29%
pour un méga-pourri démago de son espèce, c’est assez hallucinant), de la
percée du comico-politique Bepe Grillo (25%), c’est la raclée infligée à la
liste de Mario Monti qui saute aux yeux (10%). Le père la Rigueur adoubé par
les hautes instances européennes, envoyé en mission dans son propre pays pour
en faire un succédané d’Allemagne, récolte les fruits de sa politique
d’austérité. Le Gauleiter parachuté s’est pris une beigne, mais qu’en
retient-on dans les grands médias, dont le Reichskommissar Barnier se fait
l’écho ?
1) L’Italie
est dans l’impasse : il faudra que les Italiens revotent, comme les Grecs,
pour désigner une majorité qui « rassure les marchés » et
obéisse aux directives de Bruxelles.
2) Que
les vainqueurs de ces élections sont tous d’affreux populistes irresponsables.
3) Qu’en
fait, au fond de leur cœur, les Italiens sont des « Européens
convaincus », qui savent très bien qu’ils devront souffrir, pour l’UE
certes, mais aussi dans leur propre intérêt.
4) Que
les Italiens sont incapables de se gouverner par eux-mêmes, comme le soulignait
une journaliste sur LCP, en citant…Mussolini !
Et dire qu’on reprochait à
l’Autriche-Hongrie d’être une prison des peuples !
Enculage de mouches
C’est le titre
grossier d’un article qui vaut bien mieux, publié par une blogueuse du Monde.fr. Celle-ci ose un parallèle
intéressant entre la polémique sur la viande frelatée (qui s’étend au monde
entier, preuve de l’éclatante réussite de l’autocontrôle des entreprises
privées) et du débat sur la réforme des rythmes scolaires lancée par Vincent
Peillon. Alors que l’on s’empoigne toujours sur la semaine de 4 jours et demi,
voilà que le vaillant ministre reprend le projet abandonné par son prédécesseur
d’une diminution des congés d’été, avec un étalement sur deux zones, voire
trois, histoire de rire un peu. Est-ce bien là l’essentiel ? s’interroge
la blogueuse, qui estime que cela reviendrait, dans l’affaire des lasagnes au
cheval, à ergoter sans fin sur la taille et le calibre des hachoirs à viande…autrement
dit, à perdre de vue les problèmes de fond pour se noyer dans les détails.
La dame ne va
pas plus loin dans sa comparaison, et c’est bien dommage, car il y a d’autres
points communs entre l’état pitoyable dans notre système éducatif et le
fonctionnement de l’industrie agroalimentaire. Dans les deux cas, on se soucie
bien peu de la qualité de la matière 1ere, on pratique la méthode des flux
tendus (« zéro stock-zéro délai » : passage quasi automatique
dans la classe supérieure, réduction maximum des redoublements), et on arnaque
le consommateur avec un étiquetage mensonger (diplômes au rabais).
De fait, M.
Peillon ne sait pas par quel bout commencer l’immense chantier de la refonte de
notre système éducatif. Le choix d’attaquer par les rythmes scolaires est-il
une bourde, ou le résultat d’un savant calcul ? Car la question des congés
d’été, si l’on applique la réduction et le zonage, implique forcément que l’on
revoie celle des examens nationaux, notamment ce monstre sacré et somme toute
désuet qu’est le bac. De fait, il faudrait soit régionaliser le « machin »,
soit le transformer en contrôle continu –ce qui est déjà en cours de façon
insidieuse. Mais quid de l’immense décalage entre les prétentions savantes affichées
par le Ministère et les réalités médiocres du terrain ? Peillon a reconnu
que le fameux niveau des élèves avait bel et bien baissé…mais en se gardant
bien d’en pointer les causes. Petit détail : la fameuse baisse a commencé
après 1997, date à laquelle le sinistre Allègre a débuté son office, avec le
soutien d’une camarilla de pédagogos genre Mérieu, dont les épigones font
encore des ravages rue de Grenelle. Certes, on peut aussi incriminer les évolutions
d’une société gangrenée par le tout-numérique et la culture zapping, au point
que des fous furieux envisagent de ne plus apprendre à écrire aux gosses
autrement que sur clavier, ce qui constituerait une effroyable régression
neurologique et un risque énorme de dépendance envers des gadgets dévoreurs d’énergie
et de ressources. Mais la responsabilité d’une certaine gauche
libéralo-libertaire dans l’effondrement de l’instruction publique est
écrasante. Vincent Peillon aura-t-il le courage de l’admettre, et d’en tirer
les conséquences ?
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