mercredi 19 décembre 2012
Depardieu, nouveau Dreyfus de la
droite libérale.
La triste
affaire Depardieu a pris une tournure de drame national, un peu comme en son temps
l’affaire Dreyfus –en infiniment plus grave pour cette dernière quand même !
Il y a 118 ans,
une banale affaire d’espionnage et d’intox mal ficelée, dont devait faire les
frais un innocent capitaine, avait fini en affrontement médiatique, politique
et institutionnel, mettant notre pays au bord de la guerre civile. A l’époque,
la Nation, l’Armée et l’Honneur étaient des sujets sensibles.
Aujourd’hui, un
acteur gavé de fric est montré du doigt parce qu’il veut échapper au fisc en se
planquant chez les Belges. Le fait, banal en lui-même (et pas nouveau :
depuis Alain Delon, Michel Polnareff et Florent Pagny, les exilés fiscaux ne se
comptent plus), est exploité médiatiquement parce que choquant dans le contexte
actuel. La France va mal économiquement et moralement, les inégalités se
creusent, les Français sont sommés de se serrer la ceinture sans espoir de voir
les choses s’améliorer avant longtemps. Les seuls à ne pas être contraints à
jouer le jeu sont les plus fortunés : leurs moyens et leurs relations leur
permettent soit de fuir à l’étranger (Depardieu, Bernard Arnault, Johnny,
Tsonga…), soit de faire pression sur le gouvernement pour obtenir cadeaux
fiscaux et mesures libérales en échange de leur « coopération »
(Medef, banques et industriels en peau de lapin façon Carlos Ghosn).
Il a fallu que
le Premier Ministre s’en prenne à Depardieu en qualifiant son attitude de « minable »,
et que l’incriminé réplique dans la presse en jouant les victimes, pour que
cette médiocre histoire (« minable » est bien le mot juste) prenne
une résonance politique.
Il y a 118 ans,
la gauche française avait pris le parti de Dreyfus par antimilitarisme ;
aujourd’hui la droite prend celui de Depardieu par antifiscalisme. Dreyfus en
son temps avait fini par perdre toute dimension humaine dans les débats, transformé
en figure allégorique : martyr pur et parfait pour ses partisans, ou
monstre sémitique pour ses adversaires. Depardieu, « monstre sacré » avant
le début de l’affaire –contrairement à l’obscur petit capitaine juif- défrayait
déjà la chronique par ses frasques alcoolisées et ses amitiés politiques
discutables (Fidel Castro, dictateurs d’Asie centrale, Sarkozy…). Mais il est
aujourd’hui transfiguré lui aussi : profiteur gras, décadent et amoral
pour la gauche anticapitaliste ; artiste et homme d’affaire dynamique,
symbole de la « qualité France », opprimé par le fisc pour la droite
libérale.
Et mon avis
là-dedans ? Dégonflons vite la baudruche : cette affaire est nulle, à
l’image d’un acteur surestimé, n’ayant rien produit de valable depuis Cyrano de Bergerac (1990 !). Elle
offre à bon compte un « voile de gauche » à un gouvernement qui n’a
rien à refuser aux marchés, et une utile diversion à une droite engluée dans
ses conflits de leadership (le « Yalta » récemment conclu entre Copé
et Fillon n’effacera jamais les dernières déchirures).
Quand
la Cour des Comptes se mêle de politique éducative.
Les magistrats
de la rue Cambon passent volontiers pour des sages, avant tout préoccupés de la
bonne utilisation des deniers publics. Qu’ils se penchent sur la gestion –à vrai
dire assez catastrophique- de l’usine à gaz qu’est devenue l’éducation
nationale, est aussi légitime que nécessaire. Mais les bras m’en sont tombés à
la lecture d’un article du Monde.fr
faisant état des conclusions d’un dernier rapport de la Cour sur cette
question.
Passons
rapidement sur la tarte à la crème de la suppression des redoublements,
présentée par tous les spécialistes autoproclamés comme l’alpha et l’oméga d’une
politique éducative moderne. Elle a surtout pour vertu, rappelons-le pour les
naïfs, de faire des économies (plus vite un gosse circule dans les tuyaux de l’usine,
moins il coûte cher) et de casser le principal indicateur d’échec du système.
Les « sages »
vont en effet bien plus loin, en préconisant, en matière d’orientation, que l’ultime
décision revienne dans tous les cas aux familles ou à l’élève majeur. C’est
déjà le cas à partir de la 1ere, où le conseil de classe ne joue plus qu’un
rôle de « conseil », justement. Il faudrait étendre cette règle en
amont, au moins jusqu’en troisième. L’argumentation est hallucinante : si
l’élève est en échec, et que l’on pense qu’il ne pourra pas s’en sortir dans la
filière demandée, cela ne peut être de sa faute : c’est l’éducation
nationale qui aura échoué à le mettre à niveau. Donc, s’il veut aller en filière
scientifique avec 2/20 en maths, il doit pouvoir y aller. Et s’il est avéré qu’il
n’a pas fourni les efforts nécessaires ? Bah, c’est que le « système »
n’a pas réussi à intéresser ce pauvre petit. Soit dit en passant, on y est déjà :
il est possible à des gamins ayant 1/20 en maths et 5/20 en français en fin de
3e de passer en 2de générale.
On retrouve ici
la même démagogie lamentable que pour les fameux « décrocheurs », ces
150 000 glandeurs qui sortent du système éducatif chaque année et qu’il
faut à tout prix sauver malgré eux. Des victimes, on vous dit ! Suffit de
changer de méthodes pédagogiques, d’avoir des profs modernes et motivés, d’utiliser
des gadgets informatiques et youpi ! Dans l’île aux enfants, ce sera
toujours le printemps ! 1968 encore et toujours.
Et pendant ce
temps-là, la France dégringole toujours dans les classements internationaux. Tandis
que les pays asiatiques (où le respect du savoir, l’autorité du maître, l’humilité de l’élève, l’effort,
restent des valeurs fondamentales) occupent désormais les premières places.
Nous avons
presque touché le fond de la piscine : en suivant les conseils des experts
pédagogiques de la Cour des Comptes, nous pourrons enfin creuser.
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