samedi 18 juin 2011

Jacques, le bac, l'arnaque...

samedi 18 juin 2011

            Jack is back.

Quelle découverte ! Jacques Chirac déteste Nicolas Sarkozy, et souhaite le voir battu en 2012. On comprend que la clique au pouvoir soit choquée : le deal entre le « Vieux » et le jeune loup était pourtant clair. Pas de bâtons dans les roues en 2007, et en échange prolongation d’une certaine mansuétude dans les poursuites judiciaires qui pendaient au nez de « Super-menteur ». Mais hélas, les fameuses poursuites ont d’ores et déjà commencé. Même ralenties, au point que Jacquot peut espérer défunter avant qu’elles n’aboutissent, elles ne peuvent qu’occasionner des désagréments à l’homme aux mille casseroles que nous regrettons presque tous après cinq ans de sarkozysme. Donc, Jacques se lâche, et flingue avant d’y passer selon sa bonne vieille habitude : après Chaban, Giscard, Balladur, le petit Nicolas repasse dans son collimateur. Vas-y, Jacques, attaque !

            Bac philo pour les nuls.

2e sujet de composition pour la série S : « La culture dénature-t-elle l’homme ? »
Pour sûr, et aussi vrai que la nature le déculture. Le corrigé détaillé est disponible auprès de M. Luc Ferry, qui a beaucoup de temps libre et pas mal de sous pour le dédommager de son ennui.

            Formatage des esprits et nivellement par le bas : demandez le nouveau programme d’Histoire-géo de 1ere !

 Il m’a fallu dix jours pour m’en remettre et ruminer ma rage. Dix jours écoulés depuis un stage de formation aux nouveaux programmes pondus par le Ministère, sous la houlette de charmants inspecteurs chargés de nous prêcher la bonne parole.
La grand’messe commença par ce terrible constat : « Notre discipline est menacée, car elle demande beaucoup de travail aux élèves pour des résultats peu payants : la moyenne au bac se situe entre 8 et 12. » Traduction : faut noter plus large (=plus haut), vous faites baisser les statistiques et c’est pas bon pour la propagande officielle. Puis nos commissaires politiques enfoncèrent le clou : « Par ailleurs, vos élèves s’ennuient : ils trouvent que le lycée ne fait que répéter ce qu’ils ont déjà vu au collège… » Car il est bien connu que les braves petits qui nous arrivent en Seconde ont encore la tête toute pleine du programme de quatre années de collège, dont on ne dira jamais assez combien ils sont génialement conçus. « Si, si, ils s’en souviennent ! » affirma l’inspecteur devant la mine dubitative de ses ouailles, dont l’expérience de terrain est tenue pour nulle et non avenue. Nous eûmes ainsi en avant première une belle illustration du 2e sujet de philo de série S tombé cette année : « Peut-on avoir raison contre les faits ? » Bien sûr que oui, et si les faits sont têtus, on les ignore.
Bref, si l’Histoire-géo disparaît des enseignements obligatoires de la série S en Terminale, ce n’est absolument pas pour des raisons budgétaires (une heure d’enseignement en moins sur le cycle 1ere-terminale). C’est de votre faute, vilains profs méchants ! Et vous l’avez échappé belle, en plus, car il paraît qu’à Bordeaux aurait circulé une pétition d’élèves demandant la suppression totale de l’Histoire géo en série S. Quel(s) établissement(s) ? Combien de signatures ? Nous n’en saurons rien. Pendant plusieurs semaines, début 2010, de nombreux lycées furent bloqués par des élèves rejetant le projet de la énième réforme. Le Ministère, à tort ou à raison, n’en tint pas compte. Une malheureuse pétition circule : branle-bas de combat ! Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage…
Vint ensuite la présentation des programmes en eux-mêmes.
            Démentiel pour la partie Histoire (de 1850 à nos jours), où l’enjeu consiste à faire passer en une année ce que l’on faisait autrefois en deux. Infaisable ? Mais non ! Il suffit de survoler les questions, d’adopter une approche à la fois thématique et peu exigeante : les élèves doivent passer plus de temps à réfléchir qu’à ingurgiter des connaissances (Esprits d’Allègre et Meirieu, sortez de ce corps d’inspection !). Ainsi, l’histoire politique de la France se limitera à quelques moments forts : l’enracinement de la IIIe république, les débuts de la IVe, et la fondation de la Ve. Exeunt le Second Empire, Vichy, ou l’usure du système politique actuel. Les élèves de S en resteront là, et tant mieux pour le roman national.
            Passons rapidement sur la Géographie et son approche thématico-scalaire conçue par des Bac + 12 et qu’il nous faudra faire avaler à des Bac -2. Haro sur la vieille géo à « tiroirs » (milieux, sociétés, aménagements…) qui ennuyait paraît-il abominablement nos élèves. Nos inspecteurs en sont visiblement restés à l’époque où l’on faisait apprendre par cœur aux gamins la production annuelle de patates en Russie, ou la structure géologique du bassin parisien. Gloire à la nouvelle géo, toute en redondances et en problématiques savantes, pleine d’un « développement durable » dont nos gamins sont gavés depuis l’école primaire.
            Pour le contenu général, l’idée est simple : pas de polémiques.
-La question sur la laïcité s’arrêtera aux années 1990, sans aborder la montée du communautarisme.
-L’étude des totalitarismes se limitera à l’Allemagne nazie et l’URSS, deux systèmes morts et enterrés. Pas question d’évoquer la Chine et ses mutations : on ne se fâche pas avec un bon client.
-La question de l’identité européenne, et les débats sur la légitimité de l’actuelle UE passent à la trappe.
-L’échelle nationale et étatique n’est plus opérante : l’horizon mental de l’homme moderne doit être résolument fixés sur la région, et sa nécessaire adaptation à la mondialisation.
            Ainsi se dessine le portrait idéal du jeune « citoyen » : déculturé, dénationalisé, malléable et politiquement correct.
            Reste le futur bac anticipé de la série S en fin de Première : une épreuve « light », avec une sous-composition (pas de définition du sujet, pas de problématique, pas de grandes parties avec sous-parties, conclusion réduite à peu de choses), des questions sur documents dont les réponses tiendront au plus sur une page, des schémas et croquis à gogo, mais ultrasimples. Et bien sûr, consigne absolue : soyez généreux dans la notation !
            Nous sortîmes de là écoeurés, désabusés comme jamais, et sans avoir osé ruer dans les brancards. Avec huit jours d’avance, nous avons vérifié la thèse de Pascal tirée de ses Pensées, dont un extrait a été donné au bac : « L’Homme n’est que déguisement, mensonge et hypocrisie. » Le système marche sur la tête, mais bien fol est celui qui le dénonce.
J’aurais infiniment préféré que l’on nous dise franchement : « l’objectif, c’est 80% d’une classe d’âge au bac, 50% en licence. La quantité avant la qualité. Z’avez compris ? Rompez ! »

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