samedi 29 janvier 2011
Le supplice de Guaino.
Tel Régulus aux mains de Carthaginois, le malheureux conseiller spécial de Notre Génial Conducator a passé un sale quart d’heure entre les pattes de journalistes de France Inter lundi dernier. C’était presque trop facile de le torturer sur la Tunisie, avec la bourde d’Alliot-Marie, ou le rappel des propos de son patron qui se voulait le « président des droits de l’homme » en 2007. Le pauvre Guaino a multiplié les contorsions verbales (une politique réaliste, ce n’est pas de la « realpolitik »), les excuses bidon (si MAM a proposé son aide au régime de Ben Ali le 11 janvier, c’était juste pour éviter qu’il y ait trop de sang versé). Très drôle, ou lamentable, c’est selon. Entre deux éclats de rire, je me suis demandé ce que j’aurais bien pu répliquer à sa place. Et réflexion faite, voilà ce que j’aurais répondu :
« Ben oui, c’est vrai, cette révolution nous a pris de court, et pour tout dire nous emmerde. Ben Ali était un dictateur corrompu, mais il n’a pas fait que du mal à son pays (l’éducation, le droit des femmes, le développement…). Un peu comme notre défunt ex-copain Saddam Hussein, en moins dément et moins meurtrier. C’est bien beau, le peuple en colère et la fuite des tyrans, mais nous sommes maintenant dans le brouillard. Qui va tenir la boutique ? En attendant, les accords franco-tunisiens tiennent toujours, et c’est bien là l’essentiel. »
Où sont passées les gazelles ?
Vous avez sûrement remarqué que toutes les couvertures de magazine consacrées à la « Révolution de Jasmin » ont usé de la même symbolique : une jeune femme tunisienne, juchée sur les épaules de ses camarades, levant le bras ou le poing. Depuis mai 68 et sa célèbre inconnue, la pasionaria blonde que l’on voit sur tous les photos d’époque, c’est devenu un gimmick journalistique, réminiscence de l’allégorie de Delacroix (« la liberté guidant le peuple »). L’ennui, c’est que la ficelle est usée et lassante, et l’envers du décor bien moins joli. La blonde de 68 était une étudiante étrangère de passage à Paris, et qui n’a vait pas bien compris ce qu’elle faisait là. Mais au moins, c’était une vraie photo prise sur le vif, pas une mise en scène comme celle du combattant républicain « tombé les armes à la main » sur le cliché fameux de Robert Capa qui a fini par symboliser toute la Guerre d’Espagne.
Et la Tunisie, dans tout ça ? Sur toutes les images des mouvements de foule, vous pouvez chercher les filles. Des mecs, partout des mecs. Et une nana, des fois, qui surnage, dans ce pays que l’on dit si avancé au sein du monde arabe. Mais quand on en trouve une, pas voilée, vite, on la hisse sur les épaules des innombrables jeunes messieurs présents, et clic ! De l’art d’illustrer un évènement en fonction de ses fantasmes.
L’Internationale des pourris.
Quelle grande organisation internationale peut se flatter de compter en son sein des personnalités aussi recommandables, honnêtes et soucieuses des droits de l’homme, que Laurent Gbagbo, Hosni Moubarak, ou le chef druze allié du Hezbollah Walid Joumblatt ? Un indice : Ben Ali vient juste d’en être exclu (c’est normal, il a perdu le pouvoir). Je vous aide encore : Dominique Strauss-Kahn en fait partie. Ségolène Royal en est vice-présidente cette année. Oui, vous avez deviné : l’Internationale socialiste. Jaurès, réveille toi !
Pèlerinage et fleurs du Mal.
Ils se bousculent là-bas, ils veulent tous en être du côté de la gauche morale : Besancenot, Eva Joly, en attendant Serge Moati et probablement Delanoë (sauf que lui, ce doit être pour vérifier si sa villa de Bizerte a échappé aux pillages). La Tunisie, après Cuba, va devenir un « must » du tourisme politique. En lui souhaitant de ne pas tourner au goulag méditerranéen. Déjà, ce surnom cucul de révolution du Jasmin, ça ne sent pas si bon que ça. Depuis la révolution des Œillets au Portugal en 1974, c’est un tic de journalistes (comme la fille sur les épaules des manifestants), et surtout un truc médiatique la plupart du temps concocté dans des officines proches de la CIA : la révolution « orange » en Ukraine, celle des roses en Géorgie, ou celle des coquelicots en Asie centrale. Quand on sait le rôle actif, mais ô combien intelligent, joué par les services secrets américains dans la chute de Ben Ali, on peut se permettre d’être moins emballé que certains chroniqueurs. Néanmoins, il faut le reconnaître, les Tunisiens nous donnent un peu envie, à nous Français, d’en faire autant avec nos « maîtres ». Qu’est-ce qu’on attend, d’ailleurs ?
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