jeudi 13 mai 2010

Tintin au pays du politiquement correct.

Ce matin sur France Info, Patrick Lozès, du CRAN (le lobby noir français), est reparti à la charge sur l’affaire Tintin au Congo. Rappelons que cette BD d’Hergé, datant de 1930, dresse un tableau de l’Afrique, des Africains et de la colonisation belge peu susceptible d’enchanter les adeptes du politiquement correct et du sanglot de l’homme blanc.
Disons-le tout net, cette chasse aux sorcières orchestrée depuis quelques années au sein du patrimoine culturel européen, visant à satisfaire tel ou tel groupe de pression me hérisse le poil. Mais M. Lozès m’a agréablement surpris, en ne demandant que l’addition d’une préface à l’album incriminé, afin de replacer l’œuvre dans son contexte et d’expliquer les clichés racistes et paternalistes qu’il contient.
Après tout, pourquoi pas ? Ce type de préface est très fréquent dans de nombreux ouvrages. Cela vaut mieux qu’une censure pure et simple. Par ailleurs, pourquoi refuserait-on au lobby noir ce que l’on a accordé aux lobbies communiste et juif concernant le même Hergé ?
Le premier album de Tintin, paru en 1929, Tintin au pays des Soviets, disparut des librairies entre 1944 et les années 1970, et ne fut d’abord republié que dans la collection des Archives Hergé, avec toutes les explications de rigueur sur le contexte historique de l’album. La réédition sous format d’origine n’eut lieu que dans les années 1980, alors que l’effondrait le prestige de l’URSS et du communisme en Occident. Cette longue mise au piquet ne peut s’expliquer par la seule médiocrité de l’œuvre (scénario bâclé, dessin approximatif), mais bien par le poids considérable de la mouvance communiste dans le monde intellectuel et artistique de l’après-guerre en France et en Belgique. Ce que dénonçait Hergé dans Tintin au Pays des Soviets était pourtant beaucoup plus proche de la réalité que sa vision de l’Afrique coloniale un an plus tard.
Autre exemple : L’Etoile mystérieuse (1942), au contenu ouvertement antisémite et antiaméricain, a fait l’objet d’une censure majeure après-guerre. Qui oserait réclamer aujourd’hui, avec le CRIF à l’affût, une reparution de la version d’origine, où deux Juifs au nez crochu se réjouissent d’une éventuelle fin du Monde qui leur permettrait de ne pas rembourser leurs dettes ?
Avec la Loi Gayssot de 1990, sous sommes entrés dans une spirale communautariste et victimaire dont il convient de tirer les leçons et de limiter les dégâts. En l’occurrence, on ne peut se permettre le « deux poids-deux mesures ».
Pour finir, une anecdote tirée de l’excellente biographie d’Hergé écrite par Pierre Assouline en 1995. Dans les années 1960, l’auteur de Tintin avait reçu un groupe d’étudiants zaïrois (de l’ex-Congo belge) avec une certaine appréhension. Il n’était pas très fier des préjugés qui étaient les siens trente ans plus tôt, et envisageait même une refonte totale de l’album. Mais les étudiants l’avaient rassuré : Tintin au Congo les avait bien fait rire ! Les Blancs voyaient donc les Africains comme ça ? C’était trop ridicule pour être pris au sérieux, un peu comme un Français intelligent peut s’amuser des caricatures que l’on fait de son peuple aux Etats-Unis ou ailleurs.
C’était il y a cinquante ans, et ces étudiants africains « victimes du colonialisme » témoignaient d’une intelligence, d’un humour et d’une hauteur de vue qui n’ont plus cours aujourd’hui. Tintin, au pays du politiquement correct, doit montrer ses papiers ou finir au bûcher.

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