jeudi 30 juin 2022

Pap Ndiaye, souverain poncif.

 

Mercredi 29 juin 2022


Pap Ndiaye, souverain poncif.


Enfin, notre nouveau ministre sort de son silence ! Il faut dire que les élections sont passées, avec les résultats que l’on sait. Il est temps pour les officiers du Petit Prince de pointer leur nez hors de la tranchée...mais pour faire quoi ?

Avant de faire, il faut souvent dire, et le Ministre de la Rééducation Nationale a donc envoyé à ses troupes (dont je suis, hélas) un message qu’il convient de commenter.


« Chères professeures, chers professeurs, »

Voilà qui commence bien. Ah, ce magnifique « professeures »  tout transpirant de féminisme moche ! Encore un effort, Votre Sainteté, et vous jonglerez sans peine avec les Saintes Ecritures Inclusives.


« Je suis heureux de vous écrire directement, avec la charge d’un ministère qui a structuré non seulement ma carrière mais façonné ma vie. Je le fais comme le professeur des universités que je suis, fils d’une professeure du second degré. La transmission familiale de ce métier est une histoire largement partagée, qui dit quelque chose de sa valeur. Elle dit ce qu’il contient de si singulièrement affectif et de si entraînant : la conscience d’une mission assez vaste pour conduire toute une vie et, au-delà, pour se poursuivre avec la génération suivante. »

Traduction : je suis des vôtres, chers collègues, un enfant de la craie et du tableau noir. Certes, à un bien plus haut niveau que la majorité d’entre vous, mais c’est normal, le patron c’est moi ! L’auteur de cette déclaration d’amour à l’enseignement public oublie seulement de mentionner quelques points de détail : son passage l’université de Virginie, où il fut embauché sur quota ethnique et « prit conscience » des questions raciales, ou le fait que ses enfants sont scolarisés à l’Ecole alsacienne, bahut privé réservé au gotha parisien (Najat, en son temps, y avait mis ses mouflets).


« Vous enseignez tous les jours aux enfants et aux adolescents de ce pays dans les écoles, collèges, lycées généraux, technologiques et professionnels. Dans vos classes, vous créez le rythme et les conditions d’une conversation singulière qui sera provisoirement suspendue dans quelques jours, lors des vacances d’été, mais dont le souvenir peut marquer leur vie comme il a marqué la mienne. Cet enseignement est tourné vers la connaissance. Vers l’estime de soi et des autres. Vers la possibilité pour chacun de tracer son chemin. »

On se croirait dans Les Choristes. Sur le fond, une belle enfilade de lieux communs. Nous échappons quand même à la métaphore du semeur de graines...ouf !



« Vous leur parlez à l’âge où l’on cherche des repères, des convictions, alors que notre époque est souvent en défaut de les offrir. Nous traversons une période de suspicion dans le bien commun de notre République. Parce que dans l’enceinte de l’école plusieurs générations se côtoient, parce qu’à travers vous l’État y rencontre tous les jours les citoyens et futurs citoyens, nous avons une mission décisive. La variété de vos disciplines, qui reflètent la complexité de l’expérience humaine, peut élever un abri contre les préjugés de toutes sortes. Votre parole, qui tient compte des vulnérabilités de la jeunesse tout en préparant chaque élève à sa vie future, peut enrayer les replis qui sont consolateurs en apparence, dévastateurs en réalité. Collectivement, nous pouvons faire en sorte que de jeunes esprits ne soient pas attirés par le ressentiment et le pessimisme. Nous avons pour tâche de leur parler d’autres avenirs. »  

Là, on rentre enfin dans le dur. Le but suprême de notre mission : être les gardiens du temple républicain face aux idéologies nauséabondes qui envahissent l’école comme le reste de la société. Garde-à-vous, grognards et hussards noirs ! Va falloir redresser les jeunes esprits, non mais !

« Ma discipline, l’histoire, m’enseigne aussi combien l’institution scolaire a pu se transformer depuis les débuts de notre République et qu’il nous échoit de la faire évoluer. »

Ça tombe bien, Votre Sainteté, votre discipline est aussi la mienne ! Et côté évolution, j’en ai vu passer...Apparemment, c’est pas fini, et compte tenu des idées du bonhomme, on peut craindre le pire J’épargne au lecteur le passage convenu sur les effets de la politique sanitaire, sans intérêt aucun, pour aller aux « directions stratégiques » (voilà qui sonne encore bien martial) de notre bon Ministre :

« Le premier axe est celui de la lutte contre les inégalités sociales. Alors qu’elle promet de traiter à égalité tous les élèves, nous savons que l’École peine à donner à tous les mêmes chances de réussir. Cette promesse non tenue fait de l’ombre à nos actes. Elle entrave le développement économique de notre pays, elle nourrit la défiance à l’égard des institutions républicaines. Et elle nous meurtrit, parce que nous sommes dans ce métier pour donner la possibilité à chaque jeune de s’épanouir, et non en laisser sur le bord de la route. Nous allons renforcer ce qui existe déjà, innover quand il le faut, pour que les inégalités de naissance soient mieux combattues par l’École. Il est de ma responsabilité de prendre en charge le drame de l’injustice que nourrit notre système scolaire en ne permettant pas suffisamment aux plus pauvres d’espérer transformer leur condition sociale. »

Bon sang, Macron aurait-il recruté un socialiste ? Attention à l’effet trompe-l’oeil : alors qu’un vrai socialiste envisagerait des réformes économiques et sociales de fond, concernant la société elle-même, Ndiaye et ses amis libéraux pensent que c’est à l’école de réduire les inégalités par je ne sais quels dispositifs « innovants ». Quand on fait le bilan de toutes les réformes déjà faites en ce sens, il y a de quoi avoir des doutes. Les enfants de cadre d’aujourd’hui font plus de fautes de français que les gosses de chômeurs et peu qualifiés de 1987. Ces derniers, de nos jours, en font deux fois plus qu’à l’époque. C’est sans doute cela, la lutte contre les inégalités : un nivellement par le bas où l’on creuse toujours plus profond. Sauf pour les enfants de ministres ou de PDG, mis à l’abri dans des écoles privées (voir plus haut).

« Le deuxième axe est l’accent mis sur les savoirs fondamentaux. Le socle de notre École est de garantir à tous nos élèves la maîtrise des savoirs fondamentaux, ces savoirs nécessaires pour aller vers le monde. La priorité continuera d’être donnée au français et aux mathématiques : dans les enseignements dispensés à nos élèves jusqu’à la fin de la sixième ; dans la formation de nos professeurs des écoles à travers la poursuite des plans français et mathématiques et le lancement l’année prochaine d’un plan maternelle ; dans l’évaluation enfin des acquis des élèves. »

Ah, les « savoirs fondamentaux », les « plans français et mathématiques », le « socle » ! Que des nouveautés, dont on nous bassine depuis vingt ans. Il faut vraiment être novice dans la carrière, ou avoir la mémoire d’une huître, pour sentir là-dedans un peu d’air frais. Idem pour l’évaluation des acquis des élèves, dont on connaît toute la rigueur dans le système actuel. Quant à la formation des enseignants, elle est souvent si minable que votre serviteur préfère infiniment se former tout seul. Et pitié, halte aux « plans » foireux, prétentieux, dignes des pires heures de l’URSS ! Sauf que l’une des rares réussites de l’URSS fut justement son système éducatif, qui n’avait pas grand-chose d’innovant d’ailleurs, mais reposait sur des principes de bon sens que votre Ministère a abandonné depuis des lustres : donner à tous accès à l’instruction, priorité aux savoirs, repérage et sélection des talents dans toutes les discplines, sanctions sévères pour les fauteurs de troubles. Le système offrait aussi à tous un emploi, que l’on ne pouvait certes pas souvent choisir.

« Au lycée, vous le savez, j’ai décidé dès cette rentrée d’introduire les mathématiques dans le tronc commun en classe de première générale pour donner à tous les élèves un socle commun de connaissances et de compétences en mathématiques utiles à leur vie sociale et professionnelle.Dans l’esprit de donner en partage des savoirs qui permettent d’autres savoirs, il est de même indispensable de promouvoir la lecture. Elle est le meilleur moyen pour chacun d’aller au-delà de lui-même, d’aller à son rythme le plus loin possible. »

Dites-donc, Votre Sainteté, sauf votre respect, vous ne manquez pas d’un certain culot ! La décision - toute bordélique dans ses conséquences d’ailleurs – de rétablir les maths dans le tronc commun du lycée n’a pas été prise par vous, mais par votre prédécesseur, et claironné par le Petit Prince lui-même. Idem pour la promotion de la lecture. Seriez-vous atteint d’une forme aigüe de « Cancel Culture » ? Ou de melonite sévère ? A moins que, horrible soupçon, vous ayez repris bêtement un texte pondu par d’autres et pour un autre ?


 « Le troisième axe est le bien-être des élèves. Le préalable à une politique d’exigence et de justice sociale doit être de préserver dans l’école le bien-être des enfants et des adolescents, qui n’est pas antithétique de l’effort et du travail. Dans l’enceinte de l’école laïque, chaque enfant doit pouvoir se sentir accueilli, préservé des discours dévalorisants, encouragé. Je veux y veiller. Je serai très attentif aux élèves en situation de handicap, à la continuité de leurs parcours et à améliorer le statut de nos personnels qui au quotidien les accompagnent dans l’école et dont le temps de travail partiel est trop souvent subi.

Le lieu partagé de l’école doit aussi permettre à toutes les personnalités de s’épanouir et bannir toute parole d’intolérance. Cet esprit de vigilance, d’écoute, doit aussi concerner les actes et les paroles de discriminations, de haine raciste, antisémite, de violence sexiste ou sexuelle. Le bien-être des élèves nécessite que l’école soit un lieu sans préjugés, sans paroles et sans actes d’intimidation, un lieu laïque également. Il nécessite aussi d’améliorer la qualité de ce temps et de ce lieu communs en développant l’éducation artistique et culturelle et la pratique sportive. »


Et une bonne dose de « care », de « bienveillance » et de pensée bisounours. Politiquement correct oblige, on fera la chasse au racisme, à l’intolérance, au sexisme. L’école Ndiaye sera inclusive ou ne sera pas. Mais avec quels moyens, Votre Sainteté, notamment concernant l’accueil des handicapés, ou les pratiques culturelles et sportives suplémentaires que vous nous faites miroiter ? Et permettez-moi de douter de votre universalisme affiché, à moins que vous ayez totalement rompu avec le CRAN, dont vous avez été membre fondateur en 2005.


« Le quatrième axe est la question écologique. Elle se pose de manière urgente et cruciale. Le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse doit engager, dans toutes ses dimensions, une mobilisation forte sur le sujet. Cela inclut une refonte de nos actions avec les collectivités territoriales sur le bâti scolaire. Cela suppose aussi de renforcer, dans les programmes scolaires, l’enseignement sur le sujet. Je saisirai à ce sujet le Conseil supérieur des programmes. »


Esprit de Greta, sors de ce corps ! Encore une fois, notre bon Pape enfonce une porte ouverte. Cela fait des plombes que l’écologie, voire l’écologisme, a envahi les programmes scolaires dans toutes les disciplines. En avons-nous mangé, du développement durable, puis du réchauffement climatique ! C’est la nouvelle doxa de notre Occident repu, et nos jeunes cerveaux en sont tellement farcis, au détriment du reste, que cela en devient écoeurant et donne envie de rouler en 4x4 diesel avec clim et toit ouvrant pour chasser des espèces protégées depuis sa bagnole. Quant aux effets concrets d’une telle obsession, soit ils sont nuls (cf le comportement de pas mal de jeunes en matière de déchets dans leur vie quotidienne), soit carrément négatifs (cf les éoliennes, les panneaux solaires et les véhicules électriques, fausses bonnes idées si on les applique à grande échelle au détriment du reste.) Pour ce qui est du bâti scolaire, excellente idée... envisagez-vous de faire des travaux dans tous les bahuts qui en ont besoin ? Mais, j’oubliais, Votre Sainteté, que cela reste du ressort des collectivités locales. Cele ne coûte rien de leur dire quoi faire.


« Rien ne se fera sans les professeurs. Notre dernier axe, et principal vecteur de l’ensemble de ces politiques, c’est bien sûr la revalorisation du métier d’enseignant. La baisse continue depuis plusieurs années de l’attractivité des concours de recrutement est un signal d’alarme, la preuve d’une crise qui concerne les conditions de travail, la dynamique et les évolutions de carrière, la représentation sociale du métier et aussi une situation économique qui n’est plus à la hauteur des efforts exigés.

 La prochaine rentrée intervient dans un contexte délicat de tensions à propos du recrutement. Des mesures ont été prises pour y remédier et répondre aux enjeux les plus immédiats. Mais de façon plus structurelle, ce sont le statut de nos professeurs dans la société, l’autorité du savoir et leur rôle irremplaçable dans l’instruction et l’élévation de nos élèves qui doivent être réaffirmés avec force. Cette reconnaissance symbolique est primordiale. Elle implique de consacrer un effort particulier et significatif à la hausse des rémunérations si l’on veut créer un « choc d’attractivité », attirer et conserver nos jeunes collègues.

Cet investissement est essentiel : mieux rémunérer les professeurs, mais aussi – et je relie volontairement ces deux objectifs – mieux les former tout au long de leur carrière dans l’intérêt supérieur de la réussite de nos élèves. »


Ah, enfin la question des profs ! Sa Sainteté passe en revue à peu près tout ce qui ne va pas. Reste à voir comment le Grand Trésorier va financer tout ça avec la crise que l’on se prend dans la tronche. En ce qui me concerne, je ne me fais aucune illusion.



« Mesdames et Messieurs les professeurs, chères et chers collègues, je salue votre implication dans l’exercice d’un métier dont nous dépendons tous, je salue vos compétences au service de nos élèves. Ma considération, mon estime, vous sont acquises. Je ne pourrai réussir ma mission sans votre soutien. Je mesure ma responsabilité devant vous, pour que nous réussissions ensemble à rendre l’école plus juste, plus efficace, plus écologique. Je vous remercie chaleureusement et vous souhaite des vacances heureuses. »

Salut à vous aussi, Votre Sainteté, et rendez-vous en septembre, si vous êtes encore là. Quant à votre considération et votre estime, je vous laisse deviner ce que vous pouvez en faire.

 


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