dimanche 15 mai 2022

Ukraine, t'es trop belle !

 

Dimanche 15 mai 2022.


Comment ne pas être Ukrainien ?


Il y a encore quelques mois, le grand public occidental ne savait pas grand-chose de l’Ukraine. Depuis que le Grand Méchant Poutine s’en est pris à elle, nos « élites » et nos bons médias se chargent d’en faire la promotion. Son drapeau est partout, à tel point que l’on va bientôt croire qu’Ikéa a choisi le jaune et le bleu de son enseigne par amour pour la patrie de Zelensky.

Passons rapidement sur les aspects géopolitiques : terre de liberté, de tolérance et de respect des droits de l’Homme, havre d’honnêteté et de courage dans un monde slave barbare et gangrené par la corruption, l’Ukraine est aussi un pays de héros et de génies militaires, qui tient en respect l’ours russe et ne tardera guère à le traquer jusque dans sa tanière moscovite. C’est aussi le seul pays au monde où des guerriers portant des tatouages nazis peuvent s’exhiber sans susciter de commentaires indignés sur le « retour de la bête immonde ». Voilà juste un peu de folklore somme toute sympathique.

Le président Zelensky, mélange subtil de Churchill et de Dalaï-Lama des steppes, est omniprésent sur nos écrans par la magie des visioconférences. Quel bonheur d’écouter ses profondes analyses, ses précieux avertissements, y compris dans des enceintes aussi prestigieuses que Sciences Po Paris ! Depuis Greta Thunberg, on n’avait jamais vu déployée un telle puissance intellectuelle.

L’Ukraine est aussi une grande puissance économique, le grenier du Monde. Que l’on touche à sa terre noire sacrée, et aussitôt viennent à manquer dans nos magasins français l’huile, les pâtes, la farine et même la moutarde de Dijon. Quand Kiev éternue, l’Occident se mouche...respect !

Enfin, comme on l’a vu hier soir, l’Ukraine est aussi un pays de merveilleux artistes dont certains viennent, évidemment, de remporter le concours Eurovision de la chanson. J’espère que l’Ukraine compte aussi quelques cyclistes, car il serait bienvenu que l’un de ceux-là gagne le prochain Tour de France.

Il va donc de soi que la candidature de l’Ukraine à l’Union Européenne doit être accueillie avec enthousiasme par tous les « vrais Européens » ! Je propose même que le siège de l’UE soit installé à Kiev dès que possible. Avec un peu de chance, un bon missile russe, et boum !


La Finlande et la Suède dans l’OTAN ?


Mais bien sûr, quelle bonne idée de jeter ainsi de l’huile sur le feu ! Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires Etrangères, peut ainsi dire à son peuple que « l’Occident nous déclare la guerre ». Le plan démoniaque des stratèges de Washington s’exécute pour l’heure point par point.


La réforme des institutions européennes.


C’est le grand projet de notre Petit Prince, qu’il aimerait lancer avant son départ du trône européen en juillet prochain. Donner plus de pouvoirs aux états, aux peuples ? Faire une vraie Europe sociale, protégeant ses intérêt stratégiques contre tous ses ennemis  ? Mais non, soyons sérieux. Deux idées émergent :

- Mettre fin au principe d’unanimité au sein du Conseil Européen, remplacé par la décision à la majorité qualifiée, qui donne plus de poids aux grands pays qu’aux petits. Ainsi, finis les blocages idiots de mauvais coucheurs comme Viktor Orban. Quel grand progrès ! Nous passerons ainsi du Saint Empire de l’Impuissance à l’Empire austro-hongrois, qui tiendra la dragée haute à ses minorités turbulentes et enfin matées. Mais un Empire à la botte des Américains, de la Californie au Dniepr.

- Créer une Europe élargie, « maison commune » façon Gorbatchev, nouveau cercle des poètes disparus, qui permettrait d’ajouter au club tous ceux qui n’y sont pas encore. Suivez mon regard vers Kiev !

Juste un truc, mon Prince : il y a déjà un machin comme ça, fondé en 1975 lors de la Conférence d’Helsinki, qui s’appelle aujourd’hui OSCE. Même la Russie en fait partie, ce qui est une très bonne chose si l’on se dit « européen ». Mais c’est peut-être ça, le problème ?


Sexion d’Assaut se reforme.


Étonnamment, dans nos sociétés si promptes à traquer les évocations complaisantes « des heures les plus sombres de notre Histoire », la reformation du fameux groupe de rap-hip-hop machin chose, avec le même nom sulfureux, ne suscite aucun commentaire critique. Il est vrai qu’il s’agit de Noirs, auxquels tout est pardonné, tout est accordé depuis la mort accidentelle du délinquant George Floyd. Imagine-t-on un groupe de Blancs prendre pour nom « Sexion de Sécurité » ou « Ersatz Groupé » ? Et que font nos amies féministes ? Associer ainsi le mot « sexe » (redevenu un gros mot depuis la nouvelle vague puritaine) et « assaut », c’est ni plus ni moins une apologie du viol !


Tout sauf Mélenchon ?


Cela semble être la tendance du moment dans les médias libéraux, alliés pour une fois aux conservateurs et aux nationalistes dans la même détestation de l’affreux Méluche. Mais résumons d’abord la situation politique.

Comme il a déjà été dit, le paysage politique français apparaît morcelé en trois gros blocs :

- un bloc élitaire, gestionnaire, libéral, européiste et atlantiste, à peu près uni sous la tutelle de Macron. Super-parti de notables (LREM, puis Renaissance), il est l’incarnation d’un système à bout de souffle mais disposant de très gros moyens, contrôlant à peu près toutes les grandes sphères du pouvoir. Les cadres apatrides, les bobos friqués et les vieux qui doivent tout à ce système forment sa base électorale. Celle-ci n’est pas majoritaire, mais le mode de scrutin aux élections législatives peut lui donner les sièges nécessaires si ses adversaires restent désunis.

- le bloc patriotique, conservateur ou nationaliste, c’est selon, n’en est justement pas un (de bloc). Le RN, ou plutôt sa cheftaine humiliée par les attaques de Zemmour pendant et après la présidentielle, refuse la main tendue par celui-ci et son mouvement Reconquête. A eux deux, sans parler des scories de la même mouvance, ils pèsent assez lourd en termes de voix et de militants, avec un vrai vote populaire. Mais ils partent à la bataille désunis, manquant de cadres compétents, sans relais efficaces dans les sphères du pouvoir évoquées plus haut (médias, grandes entreprises, administration, etc). Voilà pourquoi le système ne voit pas de vraie menace de ce côté. Après avoir joué la peur du fascisme pendant l’entre-deux-tours, les chiens de garde s’acharnent maintenant sur le troisième bloc.

- le bloc gauchiste, incarné par Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis. L’exploit de Méluche est d’avoir enfin réussi l’union de ce qui reste de la gauche et des Verts dans une même alliance, la NUPES (Nouvelles Union Populaire Ecologique et Sociale), quitte à déclencher la rupture et le départ de certaines figures du PS, refusant la décision de leurs propres instances. Belle opération, même s’il ne s’agit que d’une manœuvre électorale sans lendemain, qui s’inspire un peu de celle de Jospin (autre fameux Trotskyste lui aussi) en 1997. Contrairement aux vilains « d’extrême-droite », la NUPES bénéficie de nombreux appuis dans le monde de la culture, de l’université et des médias. Sa force de frappe dans la rue (antifas et Black Blocs, alliés encombrants mais redoutables) et les réseaux sociaux (ou seuls les « patriotes » les combattent efficacement) est impressionnante.

Mais la base sociologique de la NUPES, qui fait momentanément sa force, constitue aussi sa faiblesse : conglomérat de jeunes de banlieue issus de l’immigration travaillés par l’islamo-délinquance, écolos-bobos dingues, féministes folles, gauchistes hors-sol...tout cela produit une pénible impression de barnum idéologique où il est aisé de mettre le pire en relief : haine de la France, laxisme en matière d’immigration et de sécurité, jeunisme délirant, autoritarisme d’un chef devenu le gourou des haineux de « gauche ». La lecture de la presse libérale donne toutefois le ton quant à ce qui effraie réellement nos élites   : une sortie déguisée de l’UE à laquelle la France cesserait d’obéir (mais à propos de quoi ?) ; une politique économique trop dépensière, alors qu’une ère de vaches très maigres se prépare (mais à qui la faute, d’ailleurs, messieurs les faux libéraux du « quoiqu’il en coûte » et du sacrifice de l’industrie française ?); une trop grande complaisance envers la Russie, et une volonté de sortir de l’OTAN (là, par contre, ça me parle!)

Mais comme cela ne suffit pas, il faut aussi taper en-dessous de la ceinture, et la NUPES est ici desservie par ses propres troupes, comme le sulfureux Taha Bouhafs, militant indigéniste notoire parachuté en terre communiste au grand dam de l’élue locale, et qui a dû se retirer après des révélations pénibles sur son comportement envers les femmes. D’ici au 12 juin, je parie qu’on en apprendra bien d’autres si les sondages sont trop favorables à la clique mélenchonienne.

Conclusion : hélas, trois fois hélas, nous sommes bien partis pour remanger du libéralisme autoritaire sauce Macron. Une sauce encore sucrée jusqu’à la mi-juin, et qui tournera au vinaigre ensuite : serrage de vis budgétaire et fiscal, retour probable à la dictature sanitaire en septembre pour étouffer la grogne sociale, etc...Nous verrons bien, et comme disait Hercule Poirot : « Aie confiance en Dieu et garde ta poudre au sec. » Pour Dieu, je ne sais pas. Mais la poudre, elle, a souvent fait ses preuves !



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