samedi 21 mai 2022

A star is BORNE

 

Samedi 21 mai 2022.


Dans l’oeil du cyclone.


Étrange impression, depuis la réélection du Petit Prince, de vivre dans une sorte de bulle, un moment de calme avant la tempête. Comme une fin de règne avant la catastrophe. Cela tient beaucoup à ce climat d’entre-élections, où l’exécutif surjoue la montre afin de mettre toutes ses chances de son côté en vue de l’obtention de la majorité la plus large possible. Tous les records sont en effet battus dans le temps passé à choisir un nouveau Premier Ministre, puis un gouvernement. Certes, les enjeux sont considérables, et il est normal d’essayer d’éviter au mieux les erreurs de casting, dont Macron n’a pas été avare lors de son premier mandat.

Car la tempête approche, comme disait le petit Mexicain à Sarah Connor à la fin de Terminator 1. Disons-le tout net, je crois que la composition du gouvernement n’y changera pas grand-chose, tant le navire « France » apparaît de plus en plus incontrôlable, en tout cas par son peuple ou ses élus. Encalminé dans une fausse zone de calme, mais prenant déjà eau de toute part, il n’attend plus qu’un vrai gros de vent pour sombrer. A moins que, dans la tourmente et le chaos, un vrai capitaine n’émerge enfin…


A star is Borne.


L’annonce de la nomination d’Elizabeth Borne fut commentée comme il se doit, avec les flonflons que l’on sait : « enfin une femme Premier Ministre ! » (la 2e depuis Edith Cresson, en 1991), « un beau parcours de méritocratie républicaine », « pupille de la Nation », « une femme de dossier », « une femme de gauche », etc.

Que la dame ait de grandes capacités de travail, de la niaque et de l’ambition, c’est indéniable. Mais pour le reste ! Une Première Ministre, qui s’empresse de dédier son mandat à toutes les « petites filles », cela fait sans doute l’affaire des féministes au petit pied ; mais depuis le doux règne de Miss Maggie au Royaume-Uni, il est permis de douter des effets forcément positifs d’une telle évolution. Ceux qui ont pratiqué Mme Borne décrivent une femme aussi austère que sa face de carême le laisse deviner. Sèche, hautaine, intransigeante. La technocrate dans toute son horreur, qui jouera parfaitement le rôle de paratonnerre que le Petit Pince lui a attribué.

Je suis également aussi très agacé par cette manie qu’ont nos politiques de mettre en avant leur histoire familiale pour faire pleurer Margot ou renforcer leurs mérites personnels. La « pupille de la Nation », fille d’un héros de la Résistance, juif polonais déporté et rescapé des camps, cela devrait m’en boucher un coin ? Eh bien non. Mme Borne n’est pas son père, qui d’ailleurs n’est pas mort d’épuisement à sa descente du train, mais s’est suicidé en 1972, soit 27 ans après son retour de déportation. Lui et son épouse étaient à la tête d’une entreprise pharmaceutique. Etaient-ils ruinés à l’époque, à tel point que sans une bourse de la Nation, la jeune Elizabeth n’aurait jamais pu intégrer Polytechnique ? En tout cas, que l’on ne me fasse pas pleurer : mon grand-père maternel, membre de la résistance ferroviaire, a été tué en 1944, laissant une veuve et cinq enfants dans la misère, la vraie...l’assistance de la Nation et de la SNCF étaient aussi justifiée que bienvenue. Pas évident qu’il en soit de même pour cette dame, qui a essentiellement oeuvré à démolir les acquis sociaux de notre pays dans des officines où on a trouvé à l’employer dès sa sortie de Polytech.

Autant pour la femme de gauche ! Cette souris grise de Matignon fera par contre très bien le très sale boulot que l’on attend d’elle, quand il faudra faire face à la gigantesque crise économique qui monte à l’horizon.


Changement et continuité.


Hier fut donc enfin annoncée la composition de l’équipe Borne, commentée partout pour son « en même temps » cher au Petit Prince, à savoir le changement et la continuité.

Pour la continuité, à savoir les grands ministères régaliens, on prend les mêmes et on recommence : Le Maire à l’économie, Darmanin à l’Intérieur, Dupont-Moretti à la justice (pour le coup, c’est assez étonnant, avec les casseroles que le bougre traîne derrière lui...aurait-il des dossiers compromettants sous la main ?). Les fidèles pas trop nazes du petit Prince montent en grade par ailleurs. Notons l’arrivée de Catherine Colonna à un ministère des Affaires Etrangères qui devient aussi celui de « l’Europe ». Beau symbole d’un abandon inavoué de toute indépendance diplomatique de notre pays, désormais enchaîné à Bruxelles, et donc à Washington.

Pour le changement, deux personnes émergent du lot : Pap N’Diaye et Rima Abdul Malak. Cette dernière reçoit la culture, le précédent l’Éducation Nationale et la Jeunesse. Une franco-libanaise (à l’origine du « passe culture ») et un métis franco-sénégalais musulman à de tels postes relève une fois de plus d’un calcul très politique de la part de notre Machiavel élyséen.

Celui-ci, qui a outrageusement courtisé l’électorat issu de l’immigration non-européenne et entend bien poursuivre ainsi, dans la ligne des préconisations du think tank « Terra Nova », donne ainsi des gages symboliques en laissant l’Éducation et la Culture de notre pays à des gens censés (même si c’est en réalité de très loin) appartenir à cette catégorie socio-ethnique. C’est d’ailleurs ce que Pap N’Diaye lui-même a répercuté dans son discours d’entrée en fonction, en se présentant comme un exemple d’intégration réussie et de méritocratie républicaine, ce qui dément, de fait, le fameux « racisme systémique » dont ses amis racialistes nous rebattent les oreilles. A ce sujet d’ailleurs, une étude récente de l’INSEE remet en question les idées reçues : l’ascenseur social fonctionne encore en France, notamment  pour les jeunes issus de l’immigration habitant dans les banlieues des grandes villes. Le clivage est en réalité géographique : l’élévation sociale est plus forte en Ile-de-France qu’ailleurs. Les vrais perdants sont les habitants, jeunes et moins jeunes, de la France périphérique, encore majoritairement peuplée de Français de souche européenne. Il est vrai que ceux-là ne comptent pas, ou ne comptent plus, aux yeux de nos élites. Parler des « jeunes », aujourd’hui, renvoie de manière subliminale aux Africains et aux Maghrébins. Dans la tête de nos dirigeants, à Paris, comme à Bruxelles, les jeunes de souche européenne sont  déjà plus ou moins remplacés.

La nomination de Pap N’Diaye a suscité bien des commentaires. Universitaire de bon niveau, celui-ci a fait en partie carrière aux Etats-Unis grâce aux quotas ethniques avant devenir le directeur du Musée de l’Histoire de l’Immigration. Il est connu pour sa gentillesse et son sens de l’écoute. Mais ses opinions proches d’un certain indigénisme (il est membre fondateur du CRAN), qui ont infecté des revues de référence comme L’Histoire, dont il a intégré le comité de rédaction, peuvent susciter de légitimes inquiétudes quant à l’orientation des programmes de l’Ed’Nat’, déjà largement contaminée par un wokisme rampant. Pour ma part, j’attends de lui, quelles que soient ses idées, qu’il soit enfin un bon gestionnaire du mammouth, et prenne les choses en main avec intelligence et cohérence. S’il pouvait revenir sur les pires aberrations de la réforme Blanquer, ce serait déjà bon à prendre.

Mais le veut-il, et si oui, le pourra-t-il ? Sa nomination est avant tout un coup  politique, destiné à amadouer les profs gauchistes, un chiffon rouge pour la droite identitaire que l’on espère bien voir s’exciter, et couper court à toute critique éventuelle par la sempiternelle parade : « vous l’attaquez parce qu’il est noir ! ». Cela fait longtemps d’ailleurs que, malgré son énorme coût budgétaire, l’Éducation Nationale n’est plus un chantier vraiment sérieux, nécessitant de la réflexion et un esprit de long terme, ainsi qu’une vraie consultation non biaisée des acteurs de terrain. C’est une épouvantable machinerie, une garderie ruineuse de plus en plus ingérable, où aucun politicien ambitieux n’a envie de s’enliser. Il faut être un universitaire un peu naïf pour accepter cette mission suicide. Le fantôme du général Mangin a dû inspirer Macron avec sa « force noire ». Notre Petit Prince a trouvé son tirailleur sénégalais...

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