lundi 25 avril 2022
Le Promeneur du Champ-de-Mars
Que retenir de
la pénible soirée d’hier ? Vite écourtée, en ce qui me concerne, pour
regarder un film bourrin d’avant l’ère woke, issue de la fabrique de Luc
Besson. J’ai attendu ce matin pour récolter des infos avec un peu de recul, en
m’épargnant les interminables commentaires des uns et des autres.
D’abord les chiffres (contestés
par certains grincheux, mais ça devient une habitude) : -l’abstention d’abord :
28%, soit le taux le plus élevé aux présidentielles depuis 1969 (31%), en
progrès depuis 2017 (25,4%). Inutile de s’étendre là-dessus, les causes sont
évidentes : entre ceux qui ne voulaient ni de Macron, ni de Le Pen, ou
ceux qui ne croient plus en un jeu politique pipé, ce chiffre pourrait même
être bien plus élevé !
-le succès tout
relatif du Petit Prince : 58% des suffrages exprimés (41% des inscrits)
contre 42% à Marine Le Pen (qui n’était pas une adversaire bien redoutable, et a
dû subir un tir de barrage permanent pendant 15 jours de la part de tout ce qui
a un peu d’influence dans ce pays), ou 30% des inscrits. A comparer avec les
18% de Jean-Marie en 2002, ou les 33% de fifille en 2017. Avec un peu plus de
talent, de punch et de réseaux bien placés, la candidate des patriotes pouvait
l’emporter. A méditer pour le futur…je compte sur toi, Jordan ! Remarquable
enfin, le très bon score de Marine en Outre-Mer, tordant ainsi le cou aux
accusations de racisme usées jusqu’à la corde.
Ensuite les images et les symboles.
Ne pouvant pas
nous refaire le coup de la Pyramide du Louvre de 2017, le Prince réélu a
réquisitionné un autre haut lieu de la capitale, la Tour Eiffel et le
Champ-de-Mars. Oubliant sans doute l’adage qu’aussi haut que soit le trône, on
ne pète jamais plus haut que son cul.
L’emplacement était bien préparé en
vue d’une victoire annoncée, mais fut péniblement rempli par environ 3000
personnes et 1200 journalistes dont la moitié de correspondants étrangers. Pas de
marche solitaire cette fois, mais un cortège assez ridicule composé de Manu et
Brigitte se tenant la main, accompagnés d’enfants (« nous, on ne peut pas
en avoir, mais nous agissons pour la jeunesse ») dont la première rangée a
été aménagée selon les normes de la bien-pensance wokiste : stricte
parité, et une Noire pour le clin d’œil à la « diversité ». Manquait
plus qu’un handicapé, mais ça aurait porté la poisse. Ce défilé aura eu au
moins le mérite de nous faire rire et de déchaîner la verve des humoristes du
Net (le joueur de flûte de Hamelin !)
La musique mérite aussi quelques
mots : l’Hymne à la Joie de
Beethoven pour le défilé, histoire d’être en phase avec les nombreux drapeaux
de l’UE décorant le site. Macron ne manque jamais de nous rappeler qu’il n’est
que le chef de rayon du supermarché européen. La souris grise de Bruxelles,
Ursula Von der Leyen, n’a d’ailleurs pas manqué de le féliciter : « Ach,
tu auras ta prime de fin d’année, mein Schatz ! » Un DJ s’escrima
ensuite aux platines, avec le pénible et prévisible One More time de Daft Punk, ou le plus inattendu mais bienvenu (par
effet comique involontaire) The Wall des
Pink Floyd, dont le « we don’t
need no education » résume assez bien ce qu’a été la politique éducative
du Petit Prince et de son ministre Blanquer.
Et
enfin le discours.
Le triomphe du « en
même temps » bien sûr, car on ne se refait pas. Bravo à ceux qui m’ont toujours
soutenu (généreux donateurs de la France qui gagne), merci à ceux qui ont voté
pour moi, même s’ils ne peuvent pas me blairer (les cocus, au balcon !),
et main tendue à ceux qui n’ont pas voté pour moi (je gouvernerai aussi pour
vous, tas de réacs et de grincheux, car j’ai appris à aimer les Français, non
mais !)
Ceci dit, compte
tenu de la réalité des faits, le Petit Prince ne peut effectivement pas, en
principe, partir sur un quinquennat identique au précédent. S’il lui reste un
brin de lucidité, il sait parfaitement qu’il a bénéficié d’un incroyable
concours de circonstances qui l’a dispensé de faire un vrai bilan de son
premier mandat. Il n’y aura cette fois aucun état de grâce, et il lui reste à
obtenir une majorité qui tienne la route pour les cinq ans à venir.
Reste à savoir ce que notre Prince
des Nuées et des Girouettes prendra comme cap. Un libéralo-progressisme à l’américaine
(ce que laisse craindre ses embrassades avec une femme voilée entre les
deux tours : « vous portez le voile et vous êtes féministe ? J’ai
envie de vous faire la bise ! »), histoire de rafler les électeurs
issus de minorités de plus en plus nombreuses, ou un néo-conservatisme passant
par une alliance plus à droite (retour au Macron de 2018, qui se déclarait gêné
par le voile islamique dans la rue) ?
Tout dépendra, aussi, des
combinaisons stratégiques des différents états-majors en vue des législatives
et des postes à pourvoir au gouvernement. Quant au bon peuple, histoire de le
faire tenir tranquille, il suffira de ressortir le carnet de chèques de temps à
autre, tout en lui faisant peur à coups de Covid, de péril russe et de
menace climatique, avec une pincée de terrorisme et d’épouvantail fasciste pour
épicer le tout. Servir réchauffé de préférence, les couillons n’y voient que du
feu.
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