dimanche 30 mai 2021

Biélorussie, Etats-Unis, deux poids deux mesures

 

dimanche 30 mai 2021

 

            Biélorussie, Etats-Unis, deux poids deux mesures.

 

C’est LA grande affaire diplomatique du moment : un avion de la compagnie Ryanair faisant la liaison Athènes/Vilnius est détourné par l’aviation biélorusse et contraint de se poser à Minsk sous prétexte d’alerte à la bombe. Motif bidon, puisque la vraie cible est l’opposant au régime de Loukachenko, Roman Protassevitch, qui voyageait à bord et se retrouve coffré, ainsi que sa compagne. Coup dégueu s’il en est, aussitôt dénoncé par la « communauté internationale » (comprenez les occidentaux), et qui sert de motif à une réunion extraordinaire de l’OTAN, la Russie étant pointée du doigt, une fois de plus.

Nos bons médias s’en sont fait les relais indignés : « jamais on a vu ça ! », « grave atteinte au droit international »…n’en jetez plus. Je n’ai pas dû être le seul, mais je me suis assez vite remémoré (par la grâce, entre autre, du film d’Oliver Stone rediffusé il y a peu) un autre épisode de coup tordu aérien datant de 2013.

Rappelons-nous : cette année-là, les Etats-Unis cherchent par tous les moyens à capturer « leur » dissident, Edward Snowden, ancien analyste de la CIA ayant décidé, à ses risques et périls, de révéler au monde entier les saloperies de son employeur. Les grands pays démocratiques occidentaux ayant refusé de lui accorder le droit d’asile (le nôtre en tête, toujours très tatillon pour les vrais réfugiés politiques, les faux entrant comme ils veulent et par milliers), Snowden avait fini par trouver refuge en Russie. En Amérique latine, des régimes alors plutôt anti-yankee, comme la Bolivie d’Evo Morales, ont par contre accepté de le recevoir. Lorsque Morales se rend en voyage officiel à Moscou, les crânes d’œufs de la CIA se mettent à chauffer : et si ce salopard de Snowden profitait de l’immunité diplomatique pour se planquer dans l’avion bolivien lors du trajet retour ?

Ni une ni deux, on lance l’opération : les pays de l’UE que l’appareil de Morales devait survoler lui refusent carrément la traversée de leur espace aérien. Le petit avion devant à tout prix faire escale, faute d’autonomie suffisante, il se pose à Vienne. Et tombe dans l’embuscade qui lui est tendue : l’avion est immobilisé sur le tarmac, fouillé de fond en comble par les flics autrichiens épaulés par l’antenne locale de la CIA. Bloqué pendant treize heures, Morales braille comme un veau. Tout le monde s’en fout en Occident. Pas de bol, Snowden n’est pas à bord. Le président bolivien reçoit de vagues excuses, et repart chez lui (on aura sa peau plus tard, politiquement parlant, mais c’est une autre histoire).

J’ai eu beau scruter les grands médias français aux heures de grande écoute, pas un rappel de cet épisode extraordinaire, et pour le coup « sans précédent », lui aussi. C’est Russia Today qui s’en est fait l’écho, ainsi que Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, ce qui était de bonne guerre, et donc aussitôt balayé d’un revers de main par des journalistes comme Anne Dastakian dans Marianne, dont la ligne anti-Poutine est sans faille. « Simple incident diplomatique », dit-elle en substance. Elle aurait pu ajouter : « et ne concernant qu’un petit pays pauvre et anti-américain ». Car qu’aurait-on entendu si la même mésaventure avait été infligée, mettons par les Russes ou les Chinois, à François Hollande ou Angela Merkel ? Oui, mais Snowden, lui, aurait eu droit à un procès en bonne et due forme, peut-on rétorquer. Encore heureux !

 

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