lundi 18 juillet 2016
Midnight Express, ou la ruse du
Grand Turc.
En apprenant ce
week-end la nouvelle d’une tentative de coup d’Etat militaire contre le régime
d’Erdogan, très vite mise en échec, j’ai d’abord pensé à un remake turc de l’attentat
du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler. Cette opération « Walkyrie »,
qui reposait sur un formidable coup de poker, avait malheureusement échoué elle
aussi, dans des circonstances comparables, telle que l’appel du « Grand
leader » à la nation pour faire barrage aux putschistes. Ceux-ci avaient d’autant
moins de chance de réussir que le régime disposait de bases solides, et que son
chef restait très populaire dans l’opinion. Remplacez le NSDAP par l’AKP,
Hitler par Erdogan, et les mêmes causes reproduiront les mêmes effets…et les
mêmes conséquences, avec une vague de purge sans précédent et de mise au pas accélérée
des institutions, allant bien au-delà des seuls auteurs du putsch manqué.
Mais très vite,
les doutes sont apparus…quelles étaient au juste les motivations des
putschistes ? Comment pouvaient-ils espérer réussir alors que l’AKP et ses
affidés avaient déjà infiltré toutes les structures de commandement du pays ?
Comment expliquer que les « masses » (ou plutôt les militants de l’AKP)
soient sorties aussi vite dans les rues pour faire face, avec autant de
détermination, aux militaires déployés ? En tout cas, la réaction du
pouvoir a été d’une rapidité foudroyante, avec une liste déjà préparée d’opposants
à boucler, de fonctionnaires à démettre, etc…Cette tentative de putsch apparaît
comme une divine surprise, une occasion en or pour Erdogan d’achever son rêve,
la restauration du Califat ottoman. A tel point que des opposants au régime,
qui avaient désapprouvé le coup d’Etat et se voient aujourd’hui menacés –y compris
de mort- commencent à crier au coup monté.
Ce ne serait pas
la première fois que le Grand Turc aurait recours aux coups tordus.
Finalement,
plutôt qu’un remake du 20 juillet 1944, il s’agirait d’une bonne vieille
reprise de l’incendie du Reichstag (27-28 février 1933), prétexte au
verrouillage total du pays par un pouvoir qui faisait mine jusque là de
respecter un semblant de légalité. En attendant, sans doute, une nuit des « Longs
couteaux » (juin 1934) au sein même de la mouvance islamiste, qui se
profile à l’horizon si l’on en croit les déclarations d’Erdogan accusant son
ancien allié, le prédicateur Fethullah Gülen d’être derrière le putsch manqué
(alors qu’il l’avait lui-même condamné !)
S’il reste
encore des esprits libres en Turquie, la tentation doit être forte de prendre
au plus vite « l’express de minuit ».
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