samedi 15 avril 2023

Crise politique, crise totale.

 

Samedi 15 avril 2023


Crise politique, crise totale


Que pouvait-on attendre du Conseil Constitutionnel ? La vénérable institution apparaissait comme le dernier espoir légal des opposants à la réforme des retraites, qui escomptaient un retoquage partiel, total, ou tout au moins l’acceptation de la mise en œuvre d’un référendum d’initiative partagée (RIP).

La réponse est tombée hier soir, dans une ambiance de tension sans précédent depuis 1968, avec barrières anti-émeutes et manifs sauvages aux alentours de la rue de Montpensier : la réforme passe, et tout particulièrement le fameux totem des 64 ans qui a tant enflammé les esprits. Les seules mesures intelligentes contenues dans le texte gouvernemental, surnommées les « cavaliers sociaux », notamment concernant l’emploi des seniors, sont par contre retoquées. Parmi les cavaliers qui ont mordu la poussière, la retraite anticipée pour les policiers...pas bien malin pour des « sages », que de taper sur le museau des chiens de garde chargés de vous protéger !

Quant au fameux RIP si bien nommé, qu’il repose en paix, puisqu’il est lui aussi envoyé ad patres. C’était pourtant le meilleur moyen de vérifier l’état réel de l’opinion sur ce sujet.

Le Conseil Constitutionnel a donc été encore plus antisocial que ce gouvernement pourtant aux ordres des marchés financiers, des fonds de pension américains et de la commission de Bruxelles. Personnellement, je n’attendais rien de cette institution vérolée, composée de gens nommés par le pouvoir et plus ou moins gangrenée par les conflits d’intérêt. Le CC a donné toute la mesure de sa partialité et de sa soumission au moment de la crise covidienne, en acceptant sans sourciller de s’asseoir sur la devise de la République pour valider des mesures liberticides et discriminatoires.

Il faudrait sans doute réformer en profondeur cette « cour suprême » à la française, sur la base d’un tirage au sort, tous les cinq ans (en même temps qu’une mandature présidentielle et législative), au sein d’un corps de professeurs émérites de droit constitutionnel. Une telle procédure serait infiniment préférable au système actuel, ou à une élection de plus qui donnerait à la chose une dimension trop politicienne.

Mais Elizabeth Borne a beau faire semblant de croire que « personne n’est humilié », Emmanuel Macron a beau prétendre que d’autres chantiers urgents nous attendent et qu’il convient de tourner la page, la rage dans ce pays est telle que nous ne sommes pas sortis de l’auberge malgré la promulgation immédiate de la loi. La crise de nos institutions est désormais évidente aux yeux de tous, sauf de ceux qui préfèrent s’aveugler parce qu’ils en bénéficient encore.

Crise de souveraineté (symbolisé par cette visite grotesque du Petit Prince en Chine, en compagnie de sa patronne germano-bruxelloise), crise de légitimité, crise d’autorité, crise politique, crise économique, crise sociale, crise de civilisation : jamais la France, malgré sa richesse relative (qui repose en grande partie sur le surendettement : le char de l’État navigue sur un volcan de 3000 milliards d’euros de dettes) n’a été aussi mal en point. Car si la défaite de 1940 fut un cataclysme, notre pays et son peuple avaient les ressources morales pour remonter la pente et repartir sur des bases plus saines qu’auparavant. Même la situation du royaume de France en 1788 était moins dramatique.

Ce qui fait encore illusion est le confort dans lequel la plupart des Français vivent au quotidien, le pain, les jeux et la Sécu. Nous voulons en profiter le plus longtemps possible, quitte à laisser les choses se déglinguer autour de nous, ou laisser les plus radicaux s’enflammer à notre place en espérant un hypothétique redressement, incarné par un « homme providentiel », un « sauveur » que l’on imagine bien évidemment proche de ses propres idées. Bonaparte ? Clemenceau ? De Gaulle ? Mais la France est-elle encore capable de produire des hommes de cette trempe ? Et plus encore de les suivre ?


Aucun commentaire: