vendredi 1 août 2008

les FILMS de FIN du MONDE


LES FILMS DE FIN DU MONDE.



Introduction.




« C’est le châtiment ! Faites pénitence ! La fin des temps est venue ! » Tout tintinophile qui se respecte aura reconnu le début des propos de Philippulus le prophète, dans L’étoile mystérieuse, album d’Hergé paru en 1942. Le personnage ne verra pas sa prédiction réalisée, mais la Terre échappera de peu à la destruction promise par un aérolithe, à laquelle seuls deux astronomes et Tintin s’attendaient. Si Hergé a donné un ton parodique à cette histoire de fin du Monde manquée, d’aucuns y virent un contenu digne d’analyse, du fait même du contexte historique de parution de l’album.


Depuis les temps les plus reculés, toutes les civilisations, grandes ou petites, se sont interrogées sur leur origine et sur leur fin. La création du Monde, et sa possible destruction, font partie de tous les « récits fondateurs » recensés à la surface du globe. Thème essentiel du champ mythologique, il est aussi un passionnant reflet de la culture et de l’histoire des peuples qui l’expriment. Il allait donc de soi que le cinéma s’emparerait de cette source d’inspiration et en ferait un genre à part entière que nous tenterons ici de définir.


« Le film de fin du Monde » se situe à la croisée de plusieurs genres avec lesquels il ne se confond pas. Le cinéma de science-fiction d’abord (ou plutôt d’anticipation), arbre immense dont les films de fin du monde (FFM) constituent une bonne partie de la ramure. Il convient ici de rappeler l’abondante production littéraire en la matière, où le cinéma alla puiser son inspiration. Citons entre autres Herbert George Wells, véritable père fondateur de la SF, qui fit périr le Monde à maintes reprises et sous diverses formes dans ses romans et nouvelles : La machine à explorer le temps (1895), La guerre dans les airs (1908), ou Un rêve d’Armageddon (1909). Quelques auteurs français contemporains de Wells donnèrent aussi dans le genre pessimiste (ou fataliste), qu’il s’agisse de Jules Verne (L’éternel Adam, 1910), ou de Rosny Aîné (La mort de la Terre, 1912) Plus près de nous, on ne saurait oublier quelques best-sellers, comme ceux de Stephen King (Le Fléau -1978, Cellulaire-2006), ou l’œuvre abominablement réaliste de Cormac Mac Carthy, La route (2006) porté à l'écran trois ans plus tard.


« Les films catastrophe » ensuite, dans la mesure où la fin en question est particulièrement spectaculaire. Les FFM partagent avec ces derniers quelques lois communes : galerie de personnages représentatifs des différentes classes sociales (dominants et dominés, savants et militaires, etc…), ainsi que des caractères humains (les héros, les lâches, les salauds, etc…) ; dénonciation de l’aveuglement des « puissants » mus par leurs seuls intérêts à court terme, au détriment de la collectivité ; et enfin une bonne dose d’amour plus ou moins rédempteur. Il convient à ce sujet de se référer à l’excellent ouvrage d’Ignacio Ramonet, Propagandes silencieuses, qui en décortique finement les ressorts idéologiques, par le biais de l’Aventure du Poseidon (Ronald Neame, 1972)


Mais les FFM ne sauraient être confondus avec les films catastrophe, dans la mesure où ces derniers ont en général une portée assez limitée : naufrage de navire (l’aventure du Poseidon), incendie d’un gratte-ciel (la tour infernale), accident de circulation dans un tunnel (Daylight), éruption volcanique (le pic de Dante) ou séisme de grande ampleur (Tremblement de terre)…tout cela ne remet pas en jeu l’existence même de la planète ou de la civilisation, même si le message délivré par ces œuvres se veut universel. Il en est de même de ces films de météores, qui vinrent à quelques reprises percuter les écrans sans jamais détruire la Terre, tels Météores (1978), Deep Impact ou Armageddon (1997).


« Les films apocalyptiques », (la trilogie des Damien, Apocalypse 2000, La fin des temps et autres sombres histoires d’Antéchrist) à forte teneur religieuse, pourraient également s’y rattacher par les enjeux qu’ils supposent (la sauvegarde ou la damnation de l’humanité). Mais force est de constater que de « fin du Monde » il n’y a point, puisque, conformément aux visions de Saint Jean l’Evangéliste, le Mal est toujours vaincu. Satan et ses apôtres peuvent toujours se déchaîner, leurs plans diaboliques seront systématiquement tenus en échec.


Retiendront donc notre attention les films qui montrent une catastrophe d’ampleur mondiale, susceptible de changer radicalement l’ordre des choses, voire d’anéantir l’humanité. Les faits exposés pouvant se situer avant, pendant, et/ou après le cataclysme. La notion même de cataclysme n’étant d’ailleurs pas évidente, comme on le verra dans le cas de Soleil vert, le plus réaliste du lot.


Nous restreindrons notre champ d’étude à un pays qui a en quelque sorte sinon inventé, du moins fortement développé le genre : les Etats-Unis. Ces derniers représentent en effet le membre le plus éminent du club somme toute restreint des pays producteurs de FFM, dont font également partie la Grande-Bretagne et le Japon.


Nous ne prétendrons pas non plus nous livrer à une étude exhaustive du FFM états-unien, mais nous nous attacherons à analyser quelques œuvres emblématiques du genre et de son évolution, en suivant une progression essentiellement chronologique. Celle-ci nous a paru la plus adaptée à l’explication contextuelle des films retenus.














I. Les temps héroïques de la fin du Monde (des origines au début des années 1960)




Pourquoi les Etats-Unis ?




L’émergence des FFM aux Etats-Unis ne doit rien au hasard. Si l’héritage britannique apparaît comme un « cousinage » évident par la proximité culturelle et linguistique, qui permit entre autres la diffusion rapide des œuvres majeures de H.G. Wells, la cadre américain proprement dit était fortement propice au développement du genre.


Le cadre géoculturel apparaît ici prépondérant. Les Etats-Unis furent fondés par des pionniers de culture anglo-saxonne, imprégnés de puritanisme et de références bibliques. Les « pilgrim fathers » laissaient derrière eux un Monde oppressif et corrompu, pour partir à la conquête d’un autre, qu’ils entendaient modeler à leur guise selon les prescriptions divines, pour servir d’exemple et de modèle à la Terre entière. A ce nouveau peuple élu, Dieu offrirait aide et protection, à condition qu’il s’en montre digne. La destruction ne pouvait être qu’un châtiment du Créateur, et le début d’une nouvelle Création.


L’Amérique, par ses espaces immenses, ses richesses, mais aussi ses dangers (colères de la nature, indigènes hostiles, etc…) ne pouvait qu’exciter les imaginations et inciter à l’humilité. L’homme est bien peu de chose, et s’il doit compter avant tout sur lui-même, la Providence ne sera pas de trop pour l’aider à triompher des périls. Cette philosophie rustique, si elle encourage l’esprit d’entreprise, se méfie également de la corruption inhérente aux civilisations trop urbaines et repues.


Là encore, le message biblique est prégnant : la grande ville, c’est Babylone, la « grande prostituée ». La vie saine est à la campagne, chez les vrais descendants des pionniers qui n’ont pas perdu le sens des valeurs et la crainte de Dieu. Il faut donc s’attendre à une destruction des Cités et au renouveau des communautés rurales, pourtant apparemment condamnées par un « progrès » que les puritains réprouvent.


Les Etats-Unis furent également un des pays en pointe de la deuxième révolution industrielle, lors de la seconde moitié du XIXe siècle, donnant naissance à la production standardisée, au travail à la chaîne, à la consommation de masse et à la financiarisation de l’économie. Autant de bouleversements susceptibles de donner le vertige à une société confrontée de surcroît à une immigration massive. Après avoir combattu et vaincu les « sauvages », les Etats-Unis seraient-ils à leur tour dévorés par de nouveaux immigrants ? Ces préoccupations fortement teintées de racisme alimentèrent le « nativisme » de la première moitié du XXe siècle, dont l’écrivain Howard Phillips Lovecraft fut l’un des plus illustres représentants, par son goût de l’occulte et des civilisations perdues.


La première guerre mondiale et ses terribles ravages, révélèrent aux derniers naïfs que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Certes, les Etats-Unis furent largement épargnés par cette guerre, qui contribua à renforcer leur puissance dans le Monde, mais les malheurs de l’Europe ne constituaient-ils pas un avertissement divin lancé au « peuple élu » ? Dix ans plus tard, la Grande dépression venue de New York, la Babylone du Nouveau Monde, plongeait l’Amérique dans le marasme.


On ne sera donc pas surpris de constater que dans un tel contexte, il y eut une véritable prolifération de récits d’anticipation mettant en scène la fin du Monde, à la diffusion renforcée par la presse à grand tirage, et notamment les « pulps », magazines à bon marché représentatifs d’une culture de masse née Outre-Atlantique. Entre les deux guerres, ces magazines (tels Amazing stories, ou Famous fantastic mysteries…) permirent à la SF en général et aux histoires de fin du Monde en particulier de prendre leur essor. La littérature états-unienne commence alors à s’affranchir de son modèle britannique, avec des auteurs comme Edgar Rice Buroughs, Abraham Merritt, HP Lovecraft ou Francis Flagg. Retenons au passage deux récits emblématiques du genre qui nous intéresse.


D’abord Darkness and dawn ( « les ténèbres et l’aurore ») de George Allan England, écrit en 1912 et republié en 1940. Un couple miraculeusement rescapé d’un étrange cataclysme se réveille des siècles après celui-ci dans un New York en ruines. Il est grand, roux, fort et débrouillard. Elle est belle, blonde et courageuse. Ils rebâtiront le Monde, et, avec d’autres survivants, vaincront les hommes-singes dégénérés qui les menacent (« bâtards de nègres, de chiens et de singes »-sic !) pour fonder une société plus juste basée sur le socialisme.


Ensuite, beaucoup plus pessimiste, L’arrivée des glaces (1926) de G. Peyton Wertenbaker, narre la vie d’un homme qui s’est prêté à l’expérience de l’immortalité. Il voit disparaître tous ses proches, et sert de témoin à l’évolution du genre humain. La science progresse, mais les hommes ne s’améliorent pas, bien au contraire. Finalement, le retour à une ère glaciaire accentuée aura raison des prétentions humaines. Et si l’amour seul valait la peine d’exister ? Vouloir défier les règles de la Nature –et donc celles de Dieu- ne peut conduire qu’au malheur.


Le cinéma américain des années 1920-1930, quoique devenu un produit de consommation courante, ne s’intéressera pas à la « fin du monde ». Le seul film majeur traitant ce sujet, avant la seconde guerre mondiale, est (à ma connaissance) britannique : La vie future, de William Cameron Menzies, réalisé en 1936 d’après un roman de Wells, décrit la naissance d’une nouvelle civilisation après la destruction de la nôtre par ce qui ressemble fort à une guerre atomique, soit neuf ans avant Hiroshima ! Hollywood, à cette époque, cherche avant tout à divertir le public américain par des comédies, des drames historiques ou des films d’épouvante. A l’heure de la crise économique et des menaces de guerre, l’Américain moyen veut penser à autre chose qu’à la fin de son mode de vie.




Bombe atomique, guerre froide et « american way of life »




Après 1945, les Etats-Unis entrent dans une ère paradoxale. Ils sont devenus la première puissance mondiale, leur niveau de vie est le plus élevé de la planète, mais une peur sourde s’empare peu à peu de l’opinion publique. Le péril rouge d’abord, dénoncé sans relâche par la sénateur-prédicateur Joseph Mac Carthy. Le péril atomique enfin, surtout après que l’URSS, l’empire du fléau communiste, se soit procuré la bombe en 1949. En voulant jouer le rôle de « champion du Monde libre » face à l’ogre bolchevique, les Etats-Unis ont renoncé à l’isolationnisme et à l’insouciance. Ce qui se passe en Europe, en Chine ou en Corée les concerne aussi et peut les plonger dans l’abîme. Presse, télé et cinéma diffusent alors des publicités pour des abris anti-atomiques, ainsi que des recommandations officielles sur la conduite à tenir en cas d’attaque nucléaire.


Si les progrès de la science, alliés au « business », ont permis à un nombre grandissant d’Américains d’accéder à un certain confort matériel (automobile, réfrigérateur, télévision…), beaucoup se sentent encore exclus de l’ « american dream ». Tensions sociales et raciales, montée d’une nouvelle délinquance urbaine, méfiance aussi à l’égard d’un progrès qui risque d’étouffer ou de dénaturer l’homme…tout cela va nourrir une seconde vague créative en matière d’anticipation.


La réflexion sera l’œuvre d’une nouvelle génération d’auteurs de SF, qui feront de leur pays la Mecque du genre : Ray Bradbury, Richard Matheson, Theodore Sturgeon, Poul Anderson, Philip K. Dick, etc…Le divertissement grand public sera l’affaire d’Hollywood, dont les producteurs vont enfin investir massivement dans des films d’anticipation, et notamment de « fin du Monde », à la fois pour des raisons financières (exploiter un filon juteux, l’anxiété des masses et l’appétit pour le grand spectacle) et idéologiques (rappeler au bon peuple certaines « valeurs » que l’évolution des choses aurait pu lui faire perdre) C’est l’âge d’or des films d’invasion extra-terrestre à forte connotation anti-communiste et patriotique, mais aussi des premiers vrais films de « fin du monde ».














Un archétype conservateur : « Le Choc des Mondes ».




En 1951, alors que la guerre froide est à son paroxysme, et que les Etats-Unis n’ont pas été loin d’employer l’arme nucléaire en Corée, sort sur les écrans le premier grand film de fin du Monde hollywoodien.


Le Choc des Mondes ( when worlds collide) fut produit par George Pal et réalisé par Rudolph Maté, sans aucun grand acteur, mais pourvu de quelques moyens qui lui valurent un Oscar pour ses effets spéciaux. George Pal s’imposait ainsi comme LE producteur de films de SF outre-atlantique, lançant la même année La Guerre des Mondes (d’après l’œuvre de Wells) Son Choc des Mondes fit sensation et entra dans la catégorie des « films culte », auquel les Simpson rendirent il y a quelques années un hommage désopilant. Au-delà des qualités ou des défauts formels de l’œuvre, nous nous attacherons ici à en décrypter le message idéologique, qui saute à vrai dire aux yeux.


Le film s’ouvre sur une citation biblique tirée de la Genèse :


« Et Dieu regarda la Terre et la trouva corrompue… » S’ensuit le message du Créateur à Noé, lui annonçant son intention de détruire l’Humanité. Le ton est donné : c’est à une transposition du mythe de l’Arche de Noé (d’après un roman d’Edwin Balmer et Philip Wyle, datant de 1932) que s’est attelé l’auteur.


L’histoire est particulièrement simple et dramatique. Un groupe d’astronomes repère dans l’espace l’approche dangereuse de deux planètes. L’une, géante et rouge, baptisée Bellus (douze fois notre planète) ; l’autre, à peu près de la taille de la Terre et probablement habitable, nommée Zyra.


D’après les savants, dirigés par le génial et humaniste professeur Hendron, Zyra frôlera d’abord la Terre, ce qui déclenchera moult séismes, éruptions volcaniques et raz-de-marée, suivie de Bellus qui détruira complètement notre pauvre Monde. Et nous avons dix mois pour trouver une solution !


L’ONU est alertée, mais Hendron y essuie les sarcasmes des politiciens et d’autres hommes de science « raisonnables », qui l’accusent de vouloir causer la panique à des fins de notoriété personnelle. Son projet audacieux (construire une flotte de fusées pour transférer sur Zyra un certain nombre de rescapés) ne bénéficiera d’aucun fonds public. Il lui faudra donc faire appel à quelques mécènes privés, dont l’irascible milliardaire Stanley Stanton, pour construire en toute hâte, au sommet d’une montagne, un vaisseau géant (genre V1 amélioré). Le passage de Zyra cause les dégâts annoncés, mais le chantier peut se poursuivre dans la fièvre du compte à rebours. « Le temps est la seule chose que l’on ne peut se permettre de gaspiller ! » rappellent un peu partout des écriteaux. Nous ne sommes pas dans la patrie de Taylor pour rien.


Entretemps se noue une idylle entre l’aviateur David Randall, associé au projet, et Jane Hendron, la fille du professeur. Randall, avec l’aide de son rival en amour, sauve un petit garçon de l’inondation et font en sorte de l’adjoindre aux quarante-quatre élus tirés au sort parmi les membres de l’équipe, qui partiront pour Zyra. Ceux-ci embarqueront avec eux des animaux utiles, des outils et un choix de livres techniques et de documents indispensables : encyclopédies, traités d’agronomie, sans oublier la Sainte Bible (en tête des ouvrages montrés)


Finalement, quelques minutes à peine avant le désastre, et malgré une émeute déclenchée par ceux que le tirage au sort a sacrifiés, la fusée et ses occupants (vêtus d’une curieuse tenue de marin pêcheur –hommage prophétique à une profession menacée ?) décolle et parvient à atteindre Zyra, qui se révèlera propice à la vie. Le film s’achève ainsi sur le « happy end » de rigueur, avec nouvelle citation biblique pour faire bon poids.


De fait, si la religion est omniprésente dans le film, (le décor peint de la planète Zyra


qui rappelle les représentations les plus naïves du paradis, le petit garçon sauvé des eaux tel Moïse, etc…) ce dernier contient bien d’autres symboles et archétypes. Bellus (du latin « bellum », la guerre), la géante rouge, incarne à la fois le péril communiste et la guerre mondiale. Zyra ( en hébreu : « brillance du matin », ou « aube radieuse », ce que montre le décor de la dernière scène du film) c’est la Terre promise, destinée à un nouveau peuple élu trié par la main des hommes comme par l’intention divine.


Les vingt couples sélectionnés par Hendron et son état-major sont des jeunes blancs, qualifiés dans des domaines techniques « utiles », sains et dynamiques. Pas de jazzman noir, de danseur latino ou de poète chinois dans le Nouveau monde –d’ailleurs on ne voit nulle part dans le film d’Américains de couleur. Randall, le héros, prêt à laisser sa place à d’autres, mérite quant à lui de partir. Mais seule une ruse de son rival, très chevaleresque en l’occurrence, le convaincra d’embarquer avec sa belle, naturellement qualifiée elle aussi pour le voyage. Quant au milliardaire Stanton, qui n’a financé le projet que pour sauver sa peau et ne perd pas une occasion de montrer sa noirceur spirituelle, il sera puni de manière sublime par le professeur Hendron, qui le contraint au dernier moment à rester sur Terre avec lui : « Le nouveau Monde n’est pas pour nous, mais pour les jeunes ! » Terrorisé, Stanton en oublie sa paralysie des jambes et se lève de son fauteuil roulant pour assister au départ précipité du vaisseau spatial. On aura compris que les handicapés vindicatifs et mesquins, même fortunés, n’ont pas vocation à être sauvés eux non plus.


Le Choc des Mondes ne prétend pas à la vraisemblance. La catastrophe décrite constitue une aberration astronomique (ces deux planètes errantes –dont l’une habitable !- n’ont aucune chance d’exister) Il s’agit là d’un conte moral, véhiculant l’ensemble des valeurs conservatrices d’une certaine Amérique blanche, celle de la « Bible belt » et des pionniers, hostile au matérialisme capitaliste ou communiste, à la fois sombre et optimiste. Le courage et la générosité ne s’achètent pas, mais seront toujours récompensés, dans ce monde ou dans un autre.




Défense et illustration des valeurs américaines : quand George Pal et Ray Milland affrontent les barbares.




La décennie 1950 fut particulièrement fertile en films de SF. Dix ans après Le choc des Mondes, dans une ambiance un peu moins hystérique, mais néanmoins inquiète (le « gentil » Khrouchtchev pouvant quand même faire peur avec ses missiles et ses coups de godasse sur les tables de l’ONU), deux autres FFM viennent ajouter leur pierre à la défense des valeurs occidentales.


En 1960, George Pal réalise lui-même une adaptation de l’œuvre magistrale d’H.G. Wells, La Machine à explorer le temps. Dans ce roman de 1895, le voyageur temporel imaginé par Wells se lance dans une exploration du futur, et notamment en l’an de grâce 802701. Il y découvre une sorte de jardin d’Eden habité par les Eloïs, un peuple charmant mais passablement débile sur le plan intellectuel, dont l’essentiel du temps est passé à jouer, manger et dormir dans de vastes bâtiments en ruine. Mais comment de tels feignants peuvent-ils fabriquer eux-mêmes leurs beaux vêtements et leur nourriture ? Le héros finira par découvrir l’horrible vérité : un autre peuple, plus intelligent mais hideux, vivant dans des galeries souterraines (les « Morlocks ») entretient les mignons Eloïs, qui constituent en fait leur garde-manger ! Après avoir dû arracher à ces monstres la machine temporelle qu’ils lui ont dérobée, le voyageur poursuit son voyage dans le futur, pour assister à la mort lente de notre planète et de son soleil. Il revient enfin à son époque pour narrer ses aventures à des amis, avant de repartir dans le temps et ne plus en revenir. Le roman de Wells, très pessimiste, est en fait une dénonciation des dérives de la société industrielle et de l’exploitation du prolétariat par une minorité jouisseuse. Les Eloïs sont les descendants dégénérés des bourgeois, finalement victimes de leurs anciens serviteurs relégués dans les bas-fonds. Les ravissants imbéciles contre les bêtes industrieuses, en somme. La seule chose positive dans tout ceci est l’amourette (fort platonique) entre le voyageur et la jeune éloï Weena :


« […] lorsque l’intelligence et la force eurent disparu, la gratitude et une tendresse mutuelle survécurent encore dans le cœur de l’homme et de la femme. »


George Pal fut assez peu fidèle au roman, y introduisant des ingrédients et une « morale » dignes de son époque. Le voyageur, interprété par Rod Taylor (un acteur viril de série B, qui joua entre autres dans les Oiseaux d’Hitchcock), cherche en fait à fuir la guerre qui menace son Monde victorien (le film se situant au départ en 1900, il s’agit de la guerre des Boers, dont on peut se demander en quoi elle empêchait de dormir un bourgeois londonien). Au fil de sauts temporels successifs, il constate avec horreur que l’humanité ne fait que progresser dans le bellicisme : première guerre mondiale, deuxième, puis troisième, qui dévaste tout. Il arrive lui aussi en 802701, pour trouver un Monde comparable à celui du roman. Mais point de lutte des classes pour expliquer la divergence de l’humanité en deux sous-espèces :


« Lorsque la guerre atomique fut terminée, certains humains décidèrent de revenir vivre à la lumière de soleil, tandis que les autres choisirent de rester terrés dans les ténèbres… »


Voilà qui change la perspective, plus conforme à l’éthique protestante. Les affreux Morlocks ne doivent donc leur état effroyable qu’à leur seul choix. Quant aux gentils Eloïs, la venue du voyageur va être pour eux l’occasion de se ressaisir après de trop longs siècles de décadence. Ils auront droit à quelques vigoureux sermons, puis à une bonne leçon de résistance contre les Morlocks. Galvanisés par le héros, ils mettent le feu à la Cité souterraine des monstres, puis se préparent à reconstruire une vraie civilisation. Le message est donc clair : pas de fatalité, et le monde appartient à qui sait s’en rendre maître.


Deux ans plus tard, c’est dans un autre registre que s’inscrit le film de Ray Milland, Panique année zéro. Après la guerre atomique, un paisible père de famille, incarnation de la « middle class » américaine, doit se débrouiller pour survivre avec les siens dans un monde dévasté. En l’absence de toute force publique, les repères de la civilisation se brouillent, et notre homme redécouvre les principes du « struggle for life » constitutifs d’une certaine mentalité américaine. Pour sauver sa femme et sa fille du viol, ou ses biens du pillage, le père tranquille sort les flingues et nettoie les « bad guys ». Barbarie ou retour aux fondamentaux ?




Où l’Amérique se prend à douter…




A la charnière des présidences Eisenhower et Kennedy, un certain nombre d’auteurs « libéraux » (comprenez « progressistes », donc classés à gauche selon les normes françaises) commencent à réinvestir les studios. Nombreux au temps de Roosevelt, mis en quarantaine par le Mac Carthysme, ces scénaristes et réalisateurs peuvent à nouveau créer au grand jour dans un sens différent de ce que nous avons vu jusque là.


En 1959, deux films caractéristiques de cette nouvelle vague viennent alimenter la famille des FFM. Sur le thème de la guerre atomique, Le dernier rivage de Stanley Kramer, constitua une adaptation assez fidèle du roman britannique écrit par Neville Shute. Gregory Peck, acteur connu pour ses opinions « libérales », y incarne un officier de la marine américaine réfugié en Australie avec son équipage. Pas de retour au pays pour les p’tits gars, car un conflit nucléaire a dévasté tout l’hémisphère nord. Mais leur havre ne représente qu’un bref répit : les nuages radioactifs descendent vers le Sud, et toutes les populations jusqu’ici épargnées sont condamnées à une mort lente…ou au suicide. Le film, qui choisit d’éviter le spectaculaire pour s’intéresser aux derniers moments de quelques hommes et femmes, se montre à la fois profondément réaliste et humain. Mais la morale n’en est pas moins présente et se révèle clairement pacifiste, notamment dans les propos tenus par un scientifique joué par Fred Astaire :


« Qui a jamais cru que nous pourrions maintenir la paix en organisant notre défense avec des armes que toute utilisation rend suicidaires ! »


La même année, c’est au problème racial que s’attaque Ranald Mac Dougall, avec Le Monde, la Chair et le Diable. Tandis que dans les rues du monde réel se multiplient les actions du Mouvement pour les droits civiques de Martin Luther King, le film met en scène trois survivants de l’holocauste nucléaire. Deux hommes pour une femme…c’est déjà gênant, mais si l’un des deux types est noir, cela peut encore compliquer les choses. Construit comme un huis clos, bâti sur un suspense psychologique, l’œuvre de Mac Dougall se veut là encore humaniste. Le « problème noir » commence alors à investir les films hollywoodiens, et nous le retrouverons maintes fois dans notre étude des FFM.


Ceux-ci vont connaître, au cours de la période 1960-1970, un véritable « revival » lié largement à la vague contestataire qui va déferler sur les Etats-Unis.












II. La fin du Monde comme terrain contestataire (du milieu des années 1960 au début des années 1970)




Une Amérique en pleine crise morale.




A partir du milieu des années 1960, un vent se lève sur les campus états-uniens qui va secouer le pays tout entier, ainsi que la plupart des pays développés. Un souffle contestataire, sur fond de guerre du Vietnam, va brasser de nombreux thèmes dont s’emparent les intellectuels progressistes qui tiennent alors le haut du pavé universitaire et artistique.


Inégalités raciales sur la sellette, remise en cause de l’autorité sous toutes ses formes, pacifisme, féminisme, sexualité, écologie, religion : c’est le grand chambardement moral, relayé sur le terrain par une prolifération de groupes gauchistes et/ou identitaires ( genre « black power ), mais aussi de sectes orientalisantes donnant dans le « new age ». On brûle son soutien-gorge comme d’autres la bannière étoilée. « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi… » Et s’il crevait, tout simplement, ce foutu Monde pourri ? C’est ce que le cinéma de l’époque va s’efforcer d’imaginer, avec le renfort musclé d’acteurs de renom, tel Charlton Heston, qui sympathisait alors avec le parti démocrate.




« Comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe atomique »




C’est le titre complet du film de Stanley Kubrick, plus connu sous le nom incomplet de Dr Folamour, sorti en 1964, et qui contient en quelques mots provocateurs tout l’esprit d’une génération ironique et désinvolte. Kubrick dynamita le genre déjà bien établi du FFM en évitant le larmoiement de rigueur jusque là chez les protagonistes de la catastrophe. De fait, son film décrit le déclenchement d’une guerre nucléaire entre les deux superpuissances sur le mode d’une tragicomédie absurde et grinçante. Un général américain complètement paranoïaque envoie de son propre chef une escadrille de bombardiers attaquer l’URSS. Toutes les autorités ayant échoué à arrêter l’offensive, les premières bombes sont larguées, avec sur l’une d’elle l’un des aviateurs déjantés de l’escadrille coiffé d’un chapeau de cow-boy. L’œuvre se termine sur une série d’explosions atomiques, avec la chanson de Vera Lynn We’ll meet again en fond sonore.


La même année, un autre film traitant plus sérieusement du même thème, Point limite, de Sidney Lumet (avec Henry Fonda), dénonçait là encore la logique de la doctrine « MAD » (Mutual Assured Destruction) en vigueur au Pentagone et à Moscou. Toutefois, cette œuvre ne saurait être rangée dans la famille des FFM, puisqu’un « gentleman agreement » entre la Maison blanche et le Kremlin permet de limiter le conflit à la destruction de quelques villes. Ouf, nous voilà rassurés ! Mais l’on sent que la crise des missiles de Cuba en a impressionné plus d’un…




Y a pas que la bombe dans la vie, y a les bacilles aussi…




L’excellent roman de Richard Matheson, Je suis une légende, paru en 1954, eut droit dix ans plus tard à la première (en noir et blanc) de ses trois adaptations cinématographiques (1964, 1971 et 2007), réalisée par Sidney Salkow. Celle-ci fut, jusqu’à nos jours, la plus fidèle à l’œuvre de Matheson –qui s’estima malgré tout trahi, ce que nous essaierons de comprendre. Cela nous permet en tout cas d’en rappeler l’intrigue.


A la suite d’une guerre bactériologique (dans le roman), ou d’une erreur de laboratoire (dans le film), un abominable bacille a anéanti l’espèce humaine. Toute ? Non…il reste encore un « miraculé », un scientifique du nom de Robert Neville (Morgan dans le film), qui vit seul dans sa maison au cœur d’une ville fantôme. Pas tout à fait seul, car d’autres humains ont survécu au bacille, au prix d’une abjecte mutation qui les a transformés en vampires. Comme les monstres de la légende, ils se nourrissent de sang ou de chair humaine, dorment le jour et sortent la nuit. Parmi leur passe-temps préféré, faire le siège de la baraque du malheureux Neville-Morgan où ce dernier se retranche chaque soir. Fort heureusement pour lui, les morts-vivants sont assez débiles, et même lents (dans le film), ce qui lui permet de leur tenir tête. Le jour, entre deux raids de ravitaillement, notre héros s’efforce de nettoyer la ville en liquidant (par l’épieu ou la lumière du soleil) les vampires endormis dans leurs cachettes.


Rongé par la solitude et l’angoisse, notre héros retrouve un moment l’espoir en découvrant, en plein jour, une jeune femme qu’il convainc de venir s’installer chez lui. Manque de chance, il ne tarde pas à réaliser que la donzelle est elle aussi une mutante, appartenant à un groupe plus évolué que les autres, envoyée en mission de reconnaissance auprès de celui que son peuple considère comme un monstre. Dès lors, le sort de Neville-Morgan apparaît scellé : il sera contraint au suicide dans le roman, abattu par les mutants dans le film.


Réflexion habile et prenante sur la peur, la solitude et l’anormalité, le roman de Matheson a souffert dans cette première version d’une réalisation assez plate, et des affres d’une coproduction italo-américaine mal fagotée. Ainsi l’histoire, censée se dérouler aux Etats-Unis, a-t-elle été filmée dans la banlieue de Rome, ce qui se voit beaucoup ! L’ensemble apparaît également comme un film d’épouvante assez classique, tels qu’en produisaient à l’époque en série les studios britanniques de la « Hammer », ou ses avatars transalpins. La composition hallucinée de Vincent Price (dans le rôle de Neville-Morgan) ne sauve pas le film. Néanmoins, l’œuvre ne fut pas perdue pour tout le monde, et le talentueux George Romero en reprit quatre ans plus tard bien des plans pour son film culte La nuit des morts vivants. Il créa ainsi, avec ses suites, un genre à part entière, bien qu’apparenté aux FFM. (Voir à ce sujet l’excellent article de Sébastien Bouché : « les films de morts-vivants »)




Chassez la religion, elle revient au galop…




En 1971, c’est Boris Sagal qui reprend l’œuvre de Matheson avec Le Survivant (The Omega man), pour lui tordre encore plus franchement le cou. Une guerre bactériologique, déclenchée par l’URSS et la Chine (bel « hommage » à la diplomatie triangulaire de Kissinger) a dévasté la planète. Cette fois, les infectés survivants ne se transforment pas en vampires, mais en albinos à la peau marquée par des cicatrices suppurantes. Dans Los Angeles déserté, Robert Neville, incarné par Charlton Heston, leur livre une véritable guerre depuis sa maison-forteresse abritant un impressionnant arsenal, trahissant le goût immodéré de l’acteur pour les armes à feu.


Il faut dire que ces mutants, quoique non dégénérés intellectuellement, ont juré sa perte. Regroupés dans une sorte de secte de moines en robe noire appelée « la Famille », dirigée par un ancien journaliste de télé surnommé « frère Mathias », ces mutants se savent à terme condamnés par la maladie. Mais avant de disparaître, ils entendent éradiquer ce qu’ils considèrent comme les responsables de leur malheur : la civilisation technologique, la science et la culture d’un passé révolu et condamné par la Providence. Ils agissent donc en véritables obscurantistes médiévaux, brûlant les livres, saccageant les musées et les bibliothèques. Mais leur refus d’utiliser des armes modernes les rend fort vulnérables face à la puissance de feu de Neville.


Tout malin et bien équipé qu’il est, ce dernier manque de peu de finir au bûcher, et ne sera sauvé que par l’intervention inattendue d’un couple de survivants encore « normaux », un jeune étudiant en médecine et une femme noire, Lisa. Ses sauveurs ont fondé un refuge dans la montagne, où ils hébergent un petit groupe d’enfants et d’adolescents infectés, mais n’ayant pas encore développé la maladie. Neville, qui a testé sur lui-même un vaccin expérimental, entreprend alors de sauver ces jeunes gens à l’aide d’un sérum extrait de son propre sang. Trahi par Lisa, qui a dégénéré à son tour et rejoint « frère Mathias », il sera tué par celui-ci, mais pourra remettre avant sa mort un flacon de sérum au jeune médecin. L’humanité est donc sauvée…


Si le film sent bon les années 70 par son montage et son accompagnement musical, au point d’apparaître franchement kitsch, il contient une véritable mine d’infos sur les hantises et les bouleversements de l’époque. Le pacifisme et l’esprit baba-cool apparaissent à maintes reprises, notamment lorsque Neville visionne pour lui seul, dans une salle de cinéma, le film Woodstock.


« Un film comme on fera jamais plus », ricane-t-il. Lorsqu’un jeune hippie, sur l’écran, débite d’une voix pâteuse : « Mais où on va, si on peut plus sortir dans la rue sans avoir peur ? », il réplique : « ouais, t’as bien raison mon vieux… » Autant d’ironie que l’on peut prendre à double sens, compte tenu du contexte dans lequel se débat le héros.


La révolution sexuelle saute aux yeux avec le personnage de Lisa, fille déterminée et agressive, qui couche avec Neville…et apparaît nue, mon Dieu ! Par ailleurs, sa couleur de peau ajoute à la transgression, en liaison avec une question raciale qui surgit à maintes reprises dans les dialogues. Ainsi l’un des acolytes de Mathias, frère Zacharie, noir devenu albinos, désigne-t-il la forteresse de Neville comme le « paradis des Blancs ». Quant on sait que Rosalind Cash (qui joue Lisa) fut aussi l’une des premières actrices noires célèbres ayant fait ses débuts dans les films de la « blaxploitation » (les films destinés à un public noir), on peut se demander si on n’a pas là un film militant…mais dans quel sens ? Entre Zacharie le mutant assassin, ou Lisa la traîtresse, le « black power » n’en sort pas grandi. Quant à Neville-Heston, il en prend aussi pour son grade :


« Ils se demandent s’ils peuvent vous faire confiance, après vous avoir vu tirailler n’importe où ! »


ironise Lisa lorsque le héros constate que les enfants de la montagne ont peur de lui. Un peu plus loin, le petit frère de la jeune femme, bien que sauvé par Neville, enfonce le clou :


« Des fois, vous me faites plus peur que frère Mathias ! » confie-t-il au futur président de la National Rifle Association.


Reste évidemment la question religieuse, absolument omniprésente. Dès le titre original, The Omega man, nous voilà prévenus. L’alpha et l’oméga, le commencement et la fin, c’est le Christ en personne réincarné en Neville. Jésus Christ super star, héros des hippies et des révolutionnaires barbus de l’ère contestataire. L’une des enfants du film lui demande d’ailleurs, lorsqu’elle apprend qu’il va peut-être les sauver : « Est-ce que c’est vous, Dieu ? » Par le sacrifice de sa vie et le don de son sang, Jésus-Neville sauvera le genre humain, pardonnera à la pécheresse Lisa (Marie-Madeleine) et confiera à ses disciples dirigés par le jeune médecin (mélange de Pierre et de Joseph d’Arimathie) le soin de rebâtir un Monde meilleur. Le plan final montrant Neville en posture de crucifié ne laisse place à aucun doute.


Quant à la secte de frère Mathias, elle est intéressante à plus d’un titre. D’abord par son nom même, « la Famille », qui fut également celui du groupe fondé par Charles Manson, lequel massacra la femme et les amis de Roman Polanski en 1969 au nom d’un idéal mystique. Mathias, interprété par le méphistophélique Anthony Zerbe, est un exemple typique de ces gourous qui fleurissent à l’époque et répandent des doctrines fumeuses à fort relents apocalyptiques. Son discours anti-scientifique fait également allusion à l’obscurantisme religieux en général, qui peut également être imputé aux églises mieux établies.


Bref, Le Survivant est tout sauf un navet sans intérêt. Il terrorisa les gosses des années 70 (dont l’auteur de ces lignes), et devint à son tour un film culte dont certaines idées furent reprises dans d’autres œuvres du genre, comme 28 jours plus tard, film britannique de Danny Boyle, en 2002.


Nous verrons à la fin de cette étude la énième mouture du roman de Matheson, sortie en 2007.


Mais d’autres mutants, possibles successeurs de l’humanité, pointent leur museau dans les salles obscures de la fin des années 1960.






« La planète des Singes », monument contestataire de la période 1967-1973.




Au cœur de la période de crise morale que traversent les Etats-Unis, une véritable saga de cinq longs métrages va occuper les écrans, inspirée au départ du roman de Pierre Boulle, La Planète des singes. Bénéficiant d’assez gros moyens et du concours de réalisateurs chevronnés, elle comporte les titres suivants, tous produits par la Fox et Arthur P. Jacobs :


-La Planète des singes (1967), de Franklin J. Schaffner,.


-Le Secret de la planète des singes (1970), de Ted Post.


-Les évadés de la planète des singes (1971), de Don Taylor.


-La conquête de la planète des singes (1972), de Jack Lee Thompson.


-La bataille de la planète des singes (1973), du même auteur.


A cela s’ajoute une série télé diffusée entre 1974 et 1975, reprenant les maquillages simiesques mis au point par John Chambers ainsi que certains acteurs des longs métrages précédents, tels Roddy Mac Dowall ou James Franciscus, mais dont l’intrigue s’éloigne sensiblement de la version cinéma.


Comme c’est souvent le cas, le premier opus de la saga est de loin le meilleur, par une adaptation infidèle mais très réussie de l’œuvre du Français Pierre Boulle. Les masques de John Chambers, fabuleux pour l’époque, y furent certes pour quelque chose, mais la réalisation de Schaffner est en tout point remarquable. Les décors naturels grandioses du lac Powell, ceux très « new age » de la Cité des singes (on croirait la maison de Barbapapa avant la lettre !), une musique étrange, des cadrages déroutants et surtout une histoire solide servie par des bons acteurs.


Croyant débarquer sur une planète de la constellation d’Orion, l’équipage d’un vaisseau spatial américain amerrit en catastrophe sur les eaux d’un lac. Venus de 1970, leur trajet à travers l’espace-temps les a amenés en l’an 3978 du calendrier terrestre. Ils découvrent un monde cauchemardesque, où les humains vivent à l’état de bêtes traquées par des singes doués d’intelligence.


Seul Taylor, le commandant du groupe (Charlton Heston) s’en sortira, grâce à l’aide d’un couple de sympathiques chimpanzés, Zira (Kim Hunter) et son fiancé Cornelius (Roddy Mac Dowall) Il échappe à la vindicte de l’orang-outan Zaïus (James Whitmore) en se réfugiant dans une « zone interdite » en compagnie de la belle Nova (Linda Harrison), humaine sauvage qui joue les belles plantes muettes pendant tout le film. Mais il découvre à la fin ce dont il aurait pu se douter quelques peu, les singes parlant parfaitement l’anglais ne devant pas courir la galaxie : il est en fait retourné sur terre, par une aberration du continuum spatio-temporel, plus de 2000 ans après son départ.


Devant les vestiges à demi enfouis de la statue de la Liberté, Taylor s’exclame :


« Ce monde de cauchemar, c’est la Terre. Les criminels ! Ils les ont fait sauter, leurs bombes ! Les fous ! Je vous hais ! Soyez maudits jusqu’à la fin des siècles ! »


Le film est farci d’allusions contestataires typiques de l’époque. A peine arrivé sur le sol du nouveau Monde, l’un des astronautes ne trouve rien de plus pressé que de planter un drapeau américain, ce qui fait éclater de rire Taylor. Ce dernier, bien plus tard, lance au turbulent neveu de Zira, qui se plaint de l’attitude des « vieux » : « Tu as raison, petit anarchiste…il ne faut jamais faire confiance à quelqu’un de plus de trente ans ! » Ce qui n’est pas forcément juste, car les propos du vieux Zaïus, gardien borné de la tradition simienne, se révéleront fort sages :


« Autrefois, dit-il à Taylor, la zone interdite [un désert hostile dont les singes se sont défendus l’accès] était un paradis. Les hommes avec leur esprit destructeur en ont fait un désert ! »


Dans l’épisode suivant, Taylor est capturé par des humains « évolués » dissimulés dans les ruines de New York enfouies sous la zone interdite. Il s’agit d’affreux mutants dotés de pouvoirs psychiques, adorateurs dégénérés d’une super bombe capable de détruire toute la Terre. Un autre astronaute, Brent, venu à son aide, ne pourra pas faire grand-chose d’autre que de participer à une lutte sans espoir contre ces mêmes humains et une armée de gorilles partis conquérir ce dernier refuge d’une humanité décadente. Totalement désespéré, Taylor fait exploser lui-même la super bombe.


Encore plus noir que le précédent, ce deuxième opus est à connotation clairement pacifiste, comme le montre une manifestation de chimpanzés qui tente de s’opposer au départ de l’expédition guerrière des gorilles : allusion évidente aux démonstrations étudiantes contre la guerre du Vietnam.


Mais la fin est quasiment nihiliste : les singes ne valant pas mieux que les humains, autant tout faire sauter !


Tout ? Non, car nous ne serions pas aux Etats-Unis, pays de tous les possibles. Dans le troisième épisode, on apprend que Zira, Cornélius et un autre singe du nom de Milo ont réussi à s’échapper à bord du deuxième vaisseau, celui de Brent. Par une nouvelle aberration du continuum espace-temps (décidément une vraie passoire, comme dirait Gotlib), le simiesque trio est reparti dans le passé, en 1971. Au passage, ces sautes temporelles ont dû perturber les scénaristes, qui ont fait passer l’époque d’origine des singes de 3978 à 3955 –et ce dès le second épisode…c’est du détail, mais ça gâche un peu l’ambiance. Après leur amerrissage au large de la côte californienne, nos trois chimpanzés sont arrêtés et enfermés dans un laboratoire d’études animalières dépendant de l’armée. Ce séjour est fatal à Milo, étranglé par un autre singe (en fait un bonhomme affreusement mal déguisé : John Chambers devait être en vacances), et finit par les obliger à révéler leur véritable nature de primates évolués. D’abord traités avec égards, Zira et Cornélius suscitent rapidement la suspicion auprès des autorités, dès lors qu’elles apprennent ce qui est advenu de l’humanité dans le futur.


Et si la « révolution simienne » prenait naissance avec ce couple venu du « monde d’après » ?


Lorsque Zira annonce qu’elle est enceinte, la décision est prise de la faire avorter et de stériliser le couple. Mais des amis scientifiques les aident à s’enfuir et à cacher leur enfant dans le cirque d’Armando. De là, les deux singes repartent avec un autre petit chimpanzé, tandis que leur fils est confié à une guenon ordinaire. Le vilain agent fédéral qui est à leurs trousses finit par les retrouver et les tue, non sans périr à son tour de la main de Cornélius. Le film s’achève sur un plan prometteur :


dans les bras de sa mère adoptive, l’enfant de Zira prononce ses premiers mots : « maman…maman »


Sans doute le meilleur après le premier de la série, Les évadés de la planète de singes est particulièrement efficace, renversant la perspective en plaçant les singes en position de victimes d’une raison d’Etat inhumaine. La fin, particulièrement poignante, aura fait pleurer plus d’un spectateur. Votre serviteur s’est fait encore avoir au dernier visionnage !


Les deux autres opus, plus platement réalisés par le tâcheron Jack Lee Thompson, ne manquent pas pour autant d’intérêt. Reprenant la symbolique du « Roi caché » et des éléments bibliques, il fait de la saga des singes une métaphore des luttes raciales aux Etats-Unis.


La conquête de la planète des singes se déroule en 1990. Les Etats-Unis se sont transformés en un Etat policier, où les singes sont utilisés comme esclaves pour faire les sales boulots des humains.


César, le fils de Zira et Cornélius, horrifié par les brutalités subies par ses semblables, décide de lutter pour leur libération. Mélange de Moïse, de Spartacus et de Martin Luther King, César remporte une première manche à la tête d’une armée de primates. Chose significative, le seul officier humain à le comprendre et à sympathiser avec lui est noir !


Dans l’épisode final, César et ses compagnons (singes et humains) ont trouvé refuge dans les bois, loin des villes dévastées par une guerre atomique. Il doit faire face à une double menace : d’une part Aldo, le chef des gorilles, conteste son autorité et veut faire des humains ses esclaves…ou les anéantir. D’autre part, des humains venus de la ville en ruines la plus proche veulent écraser militairement la petite communauté qu’il vient de créer. La bataille est inévitable, mais César vaincra finalement tous ses adversaires. Convaincu par son ami noir que le Mal n’est pas plus du côté des humains que des singes (Aldo ayant tué le fils de César, et celui-ci s’étant vengé en éliminant le gorille), le chimpanzé réorganise une société plus égalitaire. La scène finale annonce de ce fait un futur différent de celui découvert par le malheureux Taylor.


Alors que les tensions raciales sont encore vives aux Etats-Unis, après la liquidation du mouvement des « black panthers », le message du film se veut celui de la réconciliation et de la tolérance. Un plaidoyer politiquement correct avant l’heure, en quelque sorte, mais dont l’optimisme tranche avec un autre film de fin du monde sorti la même année.




« Soleil vert », ou comment devenir écolo en à peine plus d’une heure et demi.




En 1973, Richard Fleischer porte à l’écran le roman de Harry Harrison Make room, make room ! sous le titre original de Soylent green (mal traduit en français par Soleil vert) Dans un générique remarquable, nous voyons défiler de plus en plus vite les « progrès » de l’industrie et de la science, du XIXe siècle à nos jours, en un ballet de plus en plus angoissant. Surproduction, gaspillage, pollution, surpopulation…sans s’en rendre compte, l’humanité se jette dans une impasse, là où débute l’histoire, à savoir New York en 2022. La pénurie générale des ressources conduit la majeure partie des gens à vivre en clochards et en mendiants dans des rues et des immeubles surpeuplés. Une minorité de privilégiés a encore accès à un certain confort dans des quartiers protégés, où des appartements de luxe sont loués avec des filles d’agrément appelées « mobiliers ». Une chaleur accablante règne toute l’année, et le dernier arbre de New York ne survit que sous une tente à air conditionné. Pour le plus grand nombre, la seule nourriture accessible se présente sous la forme de galettes à base de protéines végétales, dont le fameux « Soylent green », mélange de soja et de lentilles. Dans ce monde merveilleux où ce qui reste de la « middle classe » doit pédaler pour avoir du courant lorsque la centrale électrique tombe en panne, une seule échappatoire possible : le suicide assisté. Des centres d’euthanasie volontaire accueillent ceux qui n’en peuvent plus. Avec beaucoup de gentillesse, on vous y endort en douceur au son de votre musique préférée, en vous projetant sur grand écran des images idylliques du « monde d’avant ».


L’assassinat du président de la firme produisant le « Soylent green » va amener le policier Thorn (le décidément incontournable Charlton Heston) à découvrir l’horrible vérité : les fameuses galettes sont en fait le produit du recyclage de corps humains. Traqué par les tueurs de la firme, réfugié dans une église, Thorn est secouru par ses collègues à qui il hurle :


« Nous sommes tous devenus cannibales ! » Et c’est ainsi que se clôt, sur l’air du Printemps de Vivaldi, le film le plus désespéré et le plus réaliste du genre FFM.


Soleil vert, s’il a assez mal vieilli sur bien des points, marque l’entrée de l’écologie au cinéma en reprenant les thèses malthusiennes du Club de Rome, qui préconisait en 1972 la croissance zéro pour éviter un désastre économique et environnemental majeur. Aujourd’hui, la crise des matières premières a redonné à cette œuvre tout son intérêt. Des études récentes montrent que cette « fin du monde » là ne relève plus de l’alarmisme, mais du dangereusement vraisemblable (cf Geneviève Férone, 2030, le krach écologique, paru chez Grasset en 2008) Une mort à petit feu que des mouvements comme « Greenpeace », créé à Vancouver deux ans avant la sortie du film veulent conjurer par tous les moyens, notamment médiatiques. On peut parier que Soleil vert a éveillé bien des vocations écologistes !




A partir de 1973, et jusqu’au début des années 1980, la crise économique et la digestion du syndrome vietnamien ouvre une nouvelle phase de l’Histoire états-unienne. Les mesures de discrimination positive étouffent pour un temps les revendications noires, tandis que les hippies se changent peu à peu en yuppies (« Young urban professionals », convertis aux joies du capitalisme rénové dans sa forme) La vague contestataire agonise, tandis que la « majorité morale » reprend le pouvoir et porte Ronald Reagan à la Maison blanche. Le temps de la haine de soi, et donc d’une certaine idée de la fin du monde, semble révolu. Mais en a-t-on pour autant fini avec le genre ?




III. Grandeur et décadence de la fin du Monde (du milieu des années 1970 à nos jours)




Une décennie de « no future » (1975-1985)




La décennie de crise qui s’ouvre en 1974, avec ses chocs pétroliers, la montée du chômage et l’explosion de la délinquance, aurait pu constituer un terreau de choix pour une nouvelle génération de films de fin du monde. Venu de Grande-Bretagne, le mouvement punk et son « no future » va effectivement influencer la création cinématographique, mais sans pour autant apporter grand-chose au genre qui nous intéresse.


De fait, les vrais FFM de la période sont assez peu nombreux et de qualité souvent médiocre, à l’exception du premier Terminator (1984) dont nous reparlerons plus loin. Citons en vrac New York ne répond plus (1975), L’âge de cristal (1976) et les trois Mad Max (1979,1982 et 1985), films australiens mais à participation américaine. Dans ce dernier cas comme pour le premier, la fin du monde n’est qu’un prétexte à mettre en scène certains fantasmes de l’époque et attirer vers les salles obscures des ados peu exigeants sur le fond des œuvres proposées.


Il s’agit là surtout de la naissance d’un nouveau sous-genre, le cinéma « néo-barbare », qui a fait l’objet d’un autre très bon article de Sébastien Bouché. En gros, il s’agit surtout de montrer des loubards plus ou moins motorisés se tapant dessus dans un monde déglingué et pourri. Pour s’en sortir dans un monde de brutes, il faut être le plus brutal…parfaite illustration des principes ultra-libéraux en plein essor à l’époque dans les pays anglo-saxons, qui trouvera chez les jeunes désabusé de la « bof génération » un écho certain. Au mieux pourra-t-on y voir un recyclage des principes westerniens : des méchants, des sauvages et des justiciers implacables.


Le retour des tensions Est-ouest, ou « guerre fraîche », entre 1979 et 1985, ne suscitera aucune reprise du genre FFM aux Etats-unis. A l’exception d’un téléfilm, The day after (1983), qui fit l’objet d’une diffusion sur grand écran en Europe, où les pacifistes faisaient alors campagne dans le contexte de la crise des euromissiles. Mais cette oeuvrette, qui relate la destruction d’une ville américaine du Middle West par une attaque nucléaire, tient largement du film catastrophe ordinaire, avec tous les poncifs du genre.


Hollywood se désintéresse alors des FFM comme de leurs petits cousins, les « films-catastrophe », pour différentes raisons. D’abord économiques : le genre commence à lasser, et l’Américain moyen entend davantage se divertir que de ruminer son spleen. Ensuite idéologiques : entre le renouveau moral de Carter, ou le retour à la fierté patriotique et conquérante de Reagan, il n’est plus temps de démoraliser l’opinion. On en revient donc aux grands classiques, y compris dans le domaine de la SF et du fantastique, avec une prédilection pour le « space opera » mystique (Star wars), l’ « heroïc fantasy » et ses héros musclés (Conan le barbare) ou les films d’horreur
(Massacre à la tronçonneuse, Vendredi 13, ou Halloween)


L’âge de cristal, ( ou Logan’s run, tiré du roman du même nom, beaucoup plus violent) réalisé par Michael Anderson, se détache néanmoins du lot par sa description d’une cité sous dôme paradisiaque, où les rescapés d’une guerre atomique vivent sous la protection d’un ordinateur géant. Mais le prix à payer d’une vie de rêve est l’élimination de toute personne atteignant l’âge de trente ans. Pour faire passer la pilule, l’exécution des trentenaires est mise en scène dans une fête joyeuse appelée « carrousel », à la suite de laquelle les disparus sont censés renaître pour une nouvelle vie de plaisir. Le triomphe de l’hédonisme et du jeunisme soixante-huitard ! La pugnacité des héros de service viendra néanmoins à bout de ce totalitarisme nouvelle manière, ce qui entraîne la destruction de la Cité. Une fois de plus, les références bibliques viennent à l’esprit : les hommes ont conquis leur liberté, mais devront travailler, souffrir, veillir, et accepter l’idée de la mort …le « paradis » n’était pas fait pour eux. Quant aux héros, Logan et sa compagne Jessica, ils incarnent évidemment Adam et Eve. C’est elle qui fait découvrir à son homme les vérités que le grand ordinateur (Dieu) entend cacher à ses « protégés ».




Quelques repères pour comprendre la suite.




En gros, l’histoire du Monde vue des Etats-Unis, à partir de 1985, comprend deux dates dates majeures :


-1991 : l’URSS disparaît, et avec elle « l’Empire du Mal » dénoncé sans relâche par Ronald Reagan et les « néoconservateurs ». Les Etats-Unis vont pouvoir régner en maîtres sur un Monde façonné selon les règles libérales. Mais il y a au moins deux hic : primo, les States ont-ils les capacités de leurs prétentions ? Secundo, n’est-il pas gênant de n’avoir aucun adversaire ? « Nous allons vous faire le pire cadeau qui soit, déclara en substance un diplomate soviétique à ses homologues occidentaux : vous laisser sans véritable ennemi ! »


-11 septembre 2001 : une poignée de fanatiques musulmans, avec un budget ridicule et quelques cutters, font s’écrouler les tours jumelles du World Trade Center. Le symbole de la puissance américaine, au cœur de la « grande prostituée » des temps modernes, s’effondre devant les caméras du Monde entier. Les Etats-Unis redécouvrent avec stupéfaction qu’ils sont vulnérables, et que pas mal de gens dans le Monde les détestent. Une nouvelle vague de paranoïa et d’ultra-patriotisme déferle sur le pays, tandis qu’un net ralentissement économique se fait sentir. L’aventure afghane, puis irakienne, le désastre de l’ouragan « Katrina » en 2005 et le krach financier de 2008 achèvent de convaincre les plus naïfs que le temps de la superpuissance est révolu.


Ajoutez à tout cela les dégâts de la mondialisation, les effets pervers d’un progrès technologique incontrôlable, et il y de quoi faire tourner l’usine à cauchemar ! Comment les cinéastes auraient-ils pu ignorer un tel contexte ?




Nous allons maintenant aborder les créations cinématographiques liées à notre sujet, en les classant par thèmes.




Un nouvel ennemi : les intelligences artificielles.




Le thème de l’homme menacé par sa création, et puni d’avoir ainsi voulu se prendre pour Dieu, est assez ancien. On peut ici se référer au Golem, du rabbin praguois Loew ben Bezalel (au XVIe siècle), et bien entendu au Frankenstein de Mary Shelley (1818). Les progrès de la quatrième révolution industrielle, dans le domaine de l’informatique et des biotechnologies, vont alimenter autant d’espoirs que de craintes.


Le cinéma hollywoodien s’en est emparé assez vite, avec des œuvres telles que le Cerveau d’acier de Joseph Sargent, en 1970. Dans ce film, les ordinateurs ultra modernes mis au point par les Américains et les Soviétiques pour coordonner leurs systèmes de défense décident de travailler ensemble pour dominer la planète. Disposant du feu nucléaire, ils soumettent l’humanité à leurs désirs, mais entendent avant tout la sauver malgré elle de ses pulsions destructrices.


C’est la même idée de départ qu’utilise James Cameron dans Terminator (1984), en beaucoup plus pessimiste. Le super ordinateur Skynet conçu aux Etats-Unis au milieu des années 1990 prend lui aussi le pouvoir, mais décide cette fois d’éradiquer purement et simplement l’espèce humaine. Il déclenche une guerre avec la Russie, et entreprend le génocide des rescapés de l’holocauste à l’aide d’une noria de robots toujours plus sophistiqués. Toutefois, en 2029, une rébellion prend forme et parvient à s’introduire au cœur du système pour le détruire. Seul moyen pour Skynet de s’en tirer : utiliser un nouveau procédé de voyage temporel pour envoyer dans le passé un tueur, chargé d’éliminer dans l’œuf celui qui sera à l’origine de la révolte, un certain John Connor. Skynet charge de cette mission un androïde de combat à forme humaine, le T-800 (Arnold Schwartzenegger), qui doit abattre Sarah Connor, la mère de John, avant même que ce dernier ne soit conçu. John, pour le contrer et se sauver lui-même, expédie l’un de ses hommes, Kyle Reese (Michael Biehn) avec pour tâche de sauver Sarah (Linda Hamilton). Le brave accomplit sa mission et y perd la vie, non sans avoir séduit la mère de son chef…et conçu avec elle ledit John Connor.


Formidable réussite cinématographique et commerciale, au point d’accéder au rang de film culte, Terminator doit beaucoup aux talents de Stan Winston, pour les effets spéciaux, et d’Arnold Schwartzenegger, plus robotique qu’un vrai robot. Le climat crépusculaire qui règne sur le film, et notamment la scène finale dans la station service mexicaine (« la tempête approche, madame… ») révèle un climat lourd de menace propre à ces années de tensions mondiales. S’il est difficile de voir en Skynet ou le T-800 une représentation du péril soviétique, le message est néanmoins assez clair : des jours difficiles nous attendent, préparons-nous à nous battre.


En 1991, avec Terminator 2 (le jugement dernier), Cameron donne enfin une suite à son premier opus, et réussit l’exploit de faire encore mieux. L’arrivée des effets spéciaux numériques font du film un événement, qu’une habile mise en scène vient parfaitement servir. Ce FFM n’en pas vraiment un, puisque cette fois le péril semble définitivement écarté grâce à l’intervention d’un autre T-800 (Schwartzy toujours) Ce dernier, reprogrammé par les rebelles en 2029, arrive en 1993 pour protéger John Connor d’un autre androïde plus sophistiqué, le T-1000 (Robert Patrick). Avec l’aide de John (censé avoir dix ans, alors qu’il a l’air d’en avoir au moins douze et ne devrait en avoir que huit ou neuf, mais passons…) et de sa mère, ils liquident (au sens propre) la vilaine machine et font en sorte d’empêcher la mise au point de Skynet.


Alors que l’URSS s’effondre, que les Etats-Unis font régner l’ordre dans le Golfe avec l’aval de l’ONU, au point de faire naître l’expression de « nouvel ordre mondial » (George Bush père), le message délivré est beaucoup plus optimiste. La fatalité n’existe pas, un monde meilleur nous attend si nous nous en montrons dignes, etc…


A la fin des années 1990, les peurs liées au bon vieux millénarisme (recyclées, à l’ère de l’informatique, par le spectre du « bug de l’an 2000 ») incitent les producteurs hollywoodiens à renouer avec les « films-catastrophe » ou apocalyptiques. Les progrès d’internet et des « mondes virtuels » créent un nouveau champ d’inspiration qui peut s’avérer juteux par ses retombées (jeux vidéos). C’est ainsi qu’en 1999 sort le premier volet de la trilogie Matrix, des frères Wachowski, qui reprend l’idée de base de Terminator. Une intelligence artificielle a vaincu et asservi l’humanité, qu’elle fait survivre en rêve tout en exploitant son potentiel énergétique. L’inévitable rébellion se met en branle, et trouve son « libérateur » en la personne de Néo (Keanu Reeves). Achevée en 2003, la saga Matrix, a priori époustouflante, finit par fatiguer le spectateur pas toujours convaincu par des combats répétitifs survitaminés, façon kung-fu sous amphétamines, ou des causeries philosophiques prétentieuses et obscures. Un gros problème de rythme, pour une œuvre qui aurait pu se passer de suite…mais les intérêts financiers ont primé sur le reste.


Les mêmes motivations ont également poussés les producteurs de Terminator à lancer un 3e opus en 2003. James Cameron ayant jeté l’éponge, c’est Jonathan Mostow qui s’y colle, avec un Schwartzy quelque peu fatigué mais grassement payé pour incarner le bon vieux T-800. Plutôt bien fait, ce troisième épisode intitulé Le soulèvement des machines est franchement sombre. Une fois de plus, Skynet envoie dans le passé un nouvel androïde encore plus balèze que les précédents, le T-X (ou plutôt la T-X, puisque c’est une créature d’apparence féminine) Ce nouveau modèle en fait voir de dures aux héros, et contribue à déclencher –d’où le titre- ce que l’on croyait avoir évité dans l’épisode précédent : frappe nucléaire, et activation-rébellion des gadgets robotisés de l’armée américaine. John Connor et sa petite amie ne peuvent que sauver leur peau et se préparer à animer la résistance.


L’effet « onze septembre » est passé par là, comme le montre ce plan assez bref des résistants du futur groupés autour de la bannière étoilée (que l’on ne voyait nulle part dans les opus 1 et 2)


Mais il existe des périls bien plus crédibles, et d’autres peurs à exploiter cinématographiquement.






Attention, ça chauffe ! Et revoilà les écolos…




Les années 1990 ont vu les instances dirigeantes de la planète commencer à vaguement prendre en compte le phénomène du réchauffement climatique par le CO2 d’origine humaine : sommet de Rio en 1992, protocole de Kyoto en 1997, etc…Si les Etats-Unis, plus gros pollueurs mondiaux par tête de pipe, refusent d’y adhérer pour des raisons économiques, certains lobbies écolos s’efforcent néanmoins d’alerter l’opinion américaine et mondiale. Quelques grands films (par le budget) viennent à leur secours, et par là même alimenter notre propos.


Le plus loufoque est certainement Waterworld, réalisé en 1995 par Kevin Reynolds, avec Kevin Kostner comme coproducteur et acteur principal. Situé dans un futur plus ou moins lointain, le film a pour cadre un monde englouti par la montée des océans. Le réchauffement climatique n’est pas clairement mis en cause, mais cela crève les yeux. L’humanité ne survit que sur des îlots artificiels, dans la crainte d’attaques de pirates, et rêvant d’un hypothétique « dryland », une terre émergée où une vie plus confortable attendrait les bienheureux qui sauraient la trouver. Si l’hypothèse de départ ne tient pas la route (une élévation du niveau des mers dépassant les deux mille mètres !), Waterworld fourmille de bonnes idées et d’allusions qu’il serait trop long d’énumérer ici. Accusé d’être une simple reprise de Mad Max en milieu aquatique, ce qui n’est pas faux, le film est pourtant infiniment supérieur à son modèle. Pour un Kevin Kostner alors au faîte de sa gloire, ce fut le début de la fin, non pas du Monde, mais de sa carrière : coûts de production énormes, catastrophes en série sur le tournage, critiques méchantes et succès public insuffisant. Il tenta de se refaire trois ans plus tard avec un autre FFM, Postman. Après une catastrophe mondiale sur laquelle on n’apprendra rien, les Etats-Unis ont régressé vers un moyen-âge mâtiné de Western. C’est en jouant les facteurs que le héros joué par Kostner vaincra les méchants miliciens et reconstruira les Etats-Unis réunifiés d’Amérique. Bel hommage au service public que ne renierait pas Olivier Besancenot, le désastre critique et commercial de Postman poussa Kevin Kostner vers la sortie des studios.


En 2004, le réchauffement climatique et ses conséquences inattendues sert de toile de fond à un méga film-catastrophe, dont l’ampleur le range sans peine dans la catégorie FFM. Le jour d’après, qui n’a rien à voir avec son homonyme télévisuel de 1983, fut réalisé par Roland Emmerich, un Allemand émigré à Hollywood qui s’était fait une réputation dans le « colossal patapouf » (l’expression est de Télérama) avec des nanars à gros budget (le calamiteux Independance Day, ou l’inutile Gozilla ) Le réchauffement des mers détraque ici le climat mondial de manière à la fois rapide et irréversible. Après une averse de grêlons géants sur Tokyo, des tornades monstrueuses sur la Californie, une vague gigantesque déferle sur New York. Dans la foulée, la température chute et une nouvelle ère glaciaire s’abat sur l’hémisphère nord. Si l’on peut chipoter sur la vraisemblance du scénario, ou regretter les inévitables poncifs du film catastrophe qu’Emmerich n’a pas manqué d’employer, il faut reconnaître que dans son genre, Le jour d’après est une réussite. Il contient par ailleurs quelques moments savoureux, tel celui où des réfugiés états-uniens se bousculent pour franchir la frontière mexicaine. La leçon de repentance est bien là, lorsque le vice-président des Etats-Unis déclare regretter les erreurs commises par son pays en matière environnementale, et remercie les pays du Sud de s’être montrés généreux avec un Nord qui a perdu toute sa puissance. Quant à la religion, elle fait une courte intrusion lorsqu’on demande au climatologue Jack Hall, le héros de l’histoire, ce qu’il convient de faire pour les populations qui n’auront pu s’enfuir à temps vers le Sud :


« S’enfermer chez soi, rester au chaud…et prier ! »






Une fin du Monde fantastique.




Mariez le genre « épouvante » avec le genre « fin du Monde », faites célébrer le tout par l’un des meilleurs des cinéastes francs-tireurs de Hollywood, et vous obtenez L’Antre de la folie (In the mouth of madness), réalisé en 1995 par John Carpenter –alias « big John », pour les fans.


John Trent (Sam Neill), enquêteur au service d’une compagnie d’assurances, est chargé par le directeur d’une maison d’édition (Charlton Heston, encore lui !) de retrouver l’auteur phare de sa boîte, le célébrissime Sutter Cane. Celui-ci, connu pour ses nombreux romans d’épouvante à succès, ne donne plus signe de vie alors qu’on attend ave impatience son dernier manuscrit qui promet de battre tous les records de vente…les droits pour l’adaptation cinématographique sont même déjà vendus ! Trent, en se rendant dans la petite ville de Nouvelle-Angleterre où s’est réfugié Cane, va découvrir avec horreur que les délires abominables de l’écrivain ne résident pas que dans son imagination malade. Possédé par des forces maléfiques venues d’un monde parallèle, Cane a rédigé une œuvre dont la seule lecture suffit à vous transformer en fou criminel. Malgré lui, Trent va ramener le manuscrit à l’éditeur, et contribuer à sa diffusion massive. En quelques semaines, le Monde va basculer dans un chaos meurtrier.


S’inspirant de Stephen King pour le personnage de Sutter Cane, et de l’univers cauchemardesque de Lovecraft, Carpenter fait bien plus que nous offrir un excellent film d’horreur fantastique. Sa réflexion porte aussi sur l’impact des médias de masse, et du goût immodéré de ses concitoyens pour le morbide et la violence. Très pessimiste, le film s’achève sur l’arrivée de Trent dans une rue déserte et dévastée. A la radio, des messages ressemblant fort à ceux entendus dans le Zombie de Frank Romero, implorent les citoyens de se barricader chez eux et de n’ouvrir à personne. Trent s’installe dans une salle de cinéma déserte, tel Charlton Heston dans Le survivant, pour regarder l’adaptation du roman de Cane, avec les effets que l’on devine ! De jolis clins d’œil, donc, dans ce film qui fait partie des meilleurs de « big John » (à mon humble avis du moins)






Le temps des « remakes. »




Le manque d’inspiration et des considérations bassement financières (ne pas prendre de risque en continuant à exploiter un filon ayant déjà fait ses preuves) ont donné lieu, dans le genre FFM comme dans bien d’autres domaines, à de nombreux « remakes ». Ceux-ci peuvent être classés en deux catégories : les ratés, et les plus ou moins réussis.




Quelques beaux ratages…




La Planète des singes.




Avec le talentueux Tim Burton aux commandes et d’excellents effets spéciaux, on pouvait attendre beaucoup du remake de l’œuvre de Schaffner. Le résultat est désastreux. Cette nouvelle mouture de 2001 trahit aussi bien le roman de Pierre Boulle que le premier film qui en avait été tiré en 1967. L’intrigue se limite à une suite de scènes spectaculaires, avec méli-mélo spatio-temporel encore plus invraisemblable que dans les versions précédentes. Le pauvre Charlton Heston, grimé en vieux chimpanzé, s’est laissé entraîner pour une courte apparition dans cette galère sans grand intérêt, si l’on excepte le rebondissement final. Aucune réflexion ou analyse percutante, et l’on reste pantois lorsque le héros (Mark Wahlberg), déclare aux humains et aux singes en conflit :


« Autrefois [ c'est-à-dire dans son monde d’origine, à savoir le nôtre], hommes et singes vivaient en paix ! » Les gorilles, orangs-outangs, chimpanzés et autres bonobos que nous massacrons ou capturons à qui mieux-mieux apprécieront cette conception de la « paix »…celle des cimetières, des laboratoires ou des parcs zoologiques, certainement.




La machine à explorer le temps




Si l’œuvre de George Pal, en 1960, ne confinait pas au chef-d’œuvre, ce n’est pas son remake de 2002, réalisé par Simon Wells (sans doute davantage retenu pour cette tâche par son homonymie avec le génial écrivain britannique que pour son immense talent) qui va le faire oublier. Transposé de Londres à New York, mais avec le même saut temporel, notre voyageur va lui aussi tomber sur un monde transformé par une catastrophe. Pas de lutte des classes, ni de bombe atomique, mais l’explosion de la lune…on fait ce qu’on peut. Les Morlocks sont toujours affreux, mais les Eloïs sont moins bêtes et vivent en parfaits écolos dans des cabanes suspendues. Quant à Jeremy Irons dans le rôle du chef des Morlocks, il est parfaitement ridicule. Une fois de plus, il semblerait que le progrès des effets spéciaux ait été inversement proportionnel à celui de la qualité du scénario. La « philosophie » du film se résume à peu près à ceci : « ça ne sert pas à grand-chose de vouloir changer le passé…profitons du présent et préparons l’avenir. » Ben tiens, j’allais le dire !




Quelques réussites (du plus vers le moins)




L’armée des douze singes (1997)




Il ne s’agit pas à proprement parler d’un remake, mais d’une adaptation par Terry Gilliam d’un court métrage de Chris Marker, La Jetée, datant de 1967. Produit par Universal, mais réalisé par un Britannique à qui nous devions déjà le remarquable Brazil, ce film est une grande réussite.


L’action démarre en 2035. Chassés de la surface de la terre par un virus mortel qui a rendu la planète aux animaux et aux végétaux, les 10% d’humains survivants mènent une vie pénible dans des bases souterraines aussi gaies qu’un camp de concentration. Les autorités décident d’utiliser une machine temporelle afin de changer le passé (vieux fantasme décidément) en retrouvant l’origine du fameux virus. James Cole (Bruce Willis) fera partie des agents chargés de cette mission pleine de rebondissements.


Grand succès critique et commercial, L’armée des douze singes a quasiment toutes les vertus : une mise en scène originale, d’excellents acteurs (Bruce Willis, Brad Pitt, Madeleine Stowe…) et surtout une intrigue fort subtile, avec un final qui peut laisser libre cours à bien des suppositions chez le spectateur. Gilliam nous offre là un véritable chef d’œuvre.




Los Angeles 2013 (1997)




La même année, notre « big John » Carpenter sort ce qui peut être considéré à la fois comme une suite et un remake de son New York 1997, datant de 1980. La date fatidique étant arrivée, Carpenter se livre à une sorte d’auto-parodie et surtout une satire grinçante des dérives d’une certaine Amérique « morale ».


Dans le film de 1980 (censé se dérouler en 1997), la ville de New York avait été transformée en zone de relégation pour tous les criminels d’une Amérique ravagée par la violence.


En 2013, la cité de Los Angeles (qu’un précédent séisme a isolée du reste du continent) s’est vue échoir le même rôle, pour y parquer les nombreux indésirables qu’une dictature militariste et puritaine veut éliminer. Manque de chance, la propre fille du président-dictateur des Etats-Unis (une saisissante préfiguration de George Bush junior) s’est réfugiée dans ce cloaque auprès d’un chef rebelle et terroriste ressemblant furieusement au « Che » Guevara. Son père serait prêt à l’y laisser, mais la greluche, manipulée par l’ennemi, a emporté avec elle la « boîte noire » commandant les satellites de défense états-uniens. Le moment est des plus mal choisis, car une armée hétéroclite venue du Tiers-Monde s’apprête à envahir la Superpuissance privée de ses gadgets.


Les autorités ont une fois de plus recours, sous la menace, aux services du baroudeur renégat Snake Plissken (Kurt Russel), qui avait déjà sauvé l’ancien président des Etats-Unis de la racaille new-yorkaise dans l’opus précédent. Le film est inégal, mais contient de savoureux moments où Carpenter brocarde à loisirs tous les travers d’une Amérique pervertie. La fin, nihiliste au possible, est particulièrement plaisante. Plissken, s’étant procuré la « boîte noire », peut décider à lui seul de l’avenir du Monde : les satellites ont en effet la capacité de mettre hors d’état de fonctionner tous les appareils électriques d’une zone plus ou moins étendue.


« Pile, l’Amérique perd…face, le Tiers-Monde perd…Bon, allez, tout le monde perd ! »


Et notre anarchiste de plonger toute la planète dans les ténèbres en déclarant, avant de s’allumer une cigarette : « Bienvenue parmi les humains ! » Voilà qui vaut toutes les conférences sur les relations nord-sud. Entre les salopards d’en haut et ceux d’en bas, Carpenter ne saurait choisir et envoie tout le monde se faire foutre.






Je suis une légende (2007)




Dernière adaptation du roman de Matheson, qu’il reprend sous son vrai titre, ce film de Francis Lawrence laisse une impression mitigée. Dans cette version, c’est un virus mutant issu d’une erreur de labo, dans le cadre d’un programme de lutte contre le cancer, qui a presque anéanti l’humanité. Les vilains mutants de service ne sont plus vraiment des vampires, ni de simples albinos, mais un mélange assez détestable des deux… de plus, les bougres cavalent comme des lapins, et grimpent aux murs aussi bien que Spiderman. Apparemment débiles et stupidement agressifs, ils peuvent faire preuve d’une sorte de ruse qui leur tient lieu d’intelligence.


Dans une ville de New York déserte où la nature reprend ses droits, Robert Neville (Will Smith) et sa chienne tentent de survivre. Scientifique militaire (comme dans la version de 1971), le héros cherche désespérément un remède au virus. Il reprendra espoir avec l’arrivée miraculeuse d’une jeune femme et d’un enfant.


Formellement parlant, cette version est de loin la meilleure : bons effets spéciaux, acteurs convaincants (y compris le brave toutou), et ambiance crépusculaire à souhait. L’histoire souffre cependant d’une nette rupture de rythme à partir de l’intervention de la femme et du gosse, et la fin de la version diffusée en salles déçoit un peu. Par contre, l’ensemble reprend beaucoup d’intérêt avec la « version alternative » disponible en DVD, avec un dénouement beaucoup plus subtil qui rend intelligibles un certain nombre de détails parsemant l’intrigue. On peut de ce fait s’interroger sur le choix de la chute la plus mauvaise pour la distribution cinéma : vieille ruse de marketing, ou orientation idéologique délibérée ? Sans déflorer le suspense pour ceux qui ne l’auraient pas vu, disons que la fin « officielle » est franchement patriotarde et sacrificielle, l’ « alternative » étant plus humaniste. Là encore, nous sommes bien loin du génial roman de Matheson, mais on notera au passage que l’intégration raciale a progressé à l’écran depuis 1971 : dans cette version, l’humanité est sauvée par un Noir et une Hispanique.




Conclusion.




Au terme de cette étude des FFM états-uniens, un certain nombre de constantes apparaissent.


La première est l’omniprésence de la religion et/ou de la finalité moralisatrice des œuvres hollywoodiennes, y compris au cours de la période dite contestataire. Cela mérite d’être comparé avec les productions d’autres pays appartenant au même genre, tels que la Grande-Bretagne, le Japon ou plus rarement la France (Le dernier combat, de Luc Besson en 1981, ou Malevil de Christian de Chalonges, en 1982) Car on pourrait penser que la logique même de la « fin du Monde » impliquerait de manière intrinsèque cette intention moralisatrice et rédemptrice chère aux prophètes de malheur façon Philippulus. Or rien de cela dans les films britanniques, japonais ou français : la catastrophe est là, les rescapés essaient de s’en sortir, mais sans pathos ni grand discours. Les auteurs laissent au spectateur se faire leur opinion sans en rajouter ou les bombarder de références subliminales. Il suffit pour cela de comparer Panique année zéro avec La mort de l’herbe de l’Anglais Cornel Wilde. De la même manière, quel fossé entre les deux premiers Mad Max, d’une froide brutalité, et le troisième volet de la série à forte participation américaine, où l’on retrouve tous les poncifs bien-pensants en vigueur : héros positif et messianique, innocents à sauver et conduire en terre promise, etc… Il est significatif également qu’en dehors de John Carpenter, les réalisateurs ne s’étant pas conformés à ces règles ne sont pas des « purs » américains : Terry Gilliam bien sûr, mais surtout l’inclassable Kubrick, qui a fait une bonne partie de sa carrière en Grande-Bretagne pour y travailler plus librement.


La seconde est la rareté des « vraies » fins du Monde dans les films que nous avons abordés. La Terre ne meurt que trois fois : elle explose dans Le choc des mondes et Le secret de la planète des singes, et agonise sans espoir de rémission dans Soleil vert. A l’exception de ces deux derniers films, la vie a toujours sa chance, et l’humanité peut au moins compter sur un couple rédempteur pour lui donner un nouveau départ. Il est important de signaler que les femmes jouent ici un rôle qui va bien au-delà de leur seule fonction procréatrice. Elles sont souvent celles qui sauvent, au sens propre et au sens figuré, des hommes trop empotés, déprimés ou pusillanimes. L’ « executive woman » se retrouve aussi bien dans les personnages de Jane Hendron, de Zira, Jessica ou bien d’autres…Les Etats-Unis ne sont pas pour rien l’un des principaux foyers du féminisme.


L’explication à tout cela réside sans doute en partie dans la différence de perception du tragique entre les Américains d’une part, les Européens et les Asiatiques d’autre part. Du fait des particularités de leur Histoire, les Etats-Uniens n’ont pas développé ce fatalisme ironique propre aux autres grandes civilisations. Tout ce qui leur arrive doit avoir un sens –la volonté divine ou la Providence-, et toute catastrophe doit être considérée à la fois comme un châtiment mérité et l’occasion de reconstruire un monde meilleur. La destruction créatrice chère à l’économiste Schumpeter, en quelque sorte. Quand l’Européen pleure sur ses ruines, l’Américain se retrousse les manches et se dit : « Chouette, voilà du boulot ! »


Il est significatif également que les lieux privilégiés de « la fin du Monde » soient les deux plus grandes cités du pays, New York et Los Angeles, le plus souvent vouées à l’abandon ou à la destruction. Lieux de puissance et de richesse certes, mais aussi d’ouverture sur le monde extérieur, de cosmopolitisme et de corruption. Les vastes monuments en ruines constituent un décor de choix, mais aussi un utile rappel de la vanité humaine à vouloir défier l’éternité. Babel n’est pas loin de Babylone, et le salut des hommes réside dans les valeurs fondamentales des communautés non contaminées par les remugles de Sodome et Gomorrhe, dans la solidarité collective et le respect des commandements divins. La Bible, toujours, et bien souvent le Fusil pour en défendre les principes.


Réactionnaires, contestataires, ou tout bêtement conformistes, les FFM états-uniens reflètent donc bien leur pays et ses aspirations, ses espérances et ses craintes. Le contexte particulièrement inquiétant que traversent aujourd’hui l’Amérique et l’ensemble du monde occidental va-t-il renforcer le genre, ou au contraire l’affaiblir ? La recherche du pur divertissement, ou la censure pure et simple de sujets « inconvenants » risque de jouer contre cette catégorie. Il est significatif par exemple que l’excellente et dérangeante série télévisée Jericho, qui se rattache à notre champ d’étude, n’ait pas eu le succès escompté aux Etats-Unis, alors que Spielberg envisage de faire un remake du grandiloquent Choc des Mondes. Grand spectacle, bons sentiments, bondieuserie et patriotisme échevelé semblent être aujourd’hui les mamelles d’Hollywood. Une reprise de Soleil vert, pourtant ô combien nécessaire (et moins rasoir qu’une conférence d’Al Gore) ne semble pas à l’ordre du jour des producteurs. Ne dérangeons pas les grandes firmes, ni les adeptes de la « croissance » à tout prix…ce serait, pour le coup, la fin du Monde !






Quelques lectures intéressantes avant la fin du Monde :


-L’encyclopédie de la Science-fiction, sous la direction de Robert Holdstock, CIL, 1980.


-Le film de science-fiction, Gilles Gressard, J’ai Lu, collection « les grands genres », 1988.


-Toutes les œuvres de HG Wells citées.


-Les meilleurs récits de Amazing stories, J’ai lu, 1974.


- Les meilleurs récits de Famous fantastic mysteries, J’ai lu, 1977.


-Dans « la grande anthologie de la science-fiction », éditée par le Livre de poche :


-Histoires de fin du Monde (1974)


-Histoires de survivants.(1983)


-Les articles de Sébastien Bouché sont disponibles auprès de l’auteur de cet essai, après autorisation de l’auteur.




PS et mise à jour (janvier 2022)
Depuis la publication de cet article, en juillet 2008, de nombreux FFM américains sont venus envahir nos écrans. On peut retenir :

-Terminator Renaissance, de McG (2009), qui nous cassa les pieds il y a quelques années avec une détestable transposition de la série Drôles de Dames au cinéma. Le genre apocalyptique lui sied mieux, comme il le démontre avec cette suite intelligente du cycle des « Terminator », où l’on voit la rencontre de John Connor et de son futur père, Kyle Reese…plus jeune que lui ! Les progrès en matière d’effets spéciaux ont permis de situer entièrement l’action dans le « Monde d’Après », non sans gros clins d’œil aux opus précédents (le film est d’ailleurs dédié au défunt Stan Winston, auteur des effets spéciaux du premier volet de la saga), et pas mal de points communs avec la trilogie des Matrix  ou La Guerre des Mondes version Spielbgerg (notamment la scène du robot géant pêcheur d’humains).

-Terminator Genysis, (2015) d’Alan Taylor, est plus un "reboot" qu'une véritable suite à la série éponyme, mélangeant avec humour les deux 1ers films de la saga. Sans rentrer dans le détail d’une intrigue assez subtile, on y voit explorer d’autres possibilités de tordre la trame temporelle, et une évolution intéressante des relations entre Kyle Reese et John Connor, dont la mère reprend du service -et un sacré coup de jeune, grâce à l’interprétation de l’excellente Emilia Clarke (révélée au Monde entier par son rôle de Daenerys dans la série Game of Thrones). Schwarzy, en vieux T-800 protecteur, réussit à émouvoir et faire rire sans cabotiner, donnant à son personnage de robot une humanité attendrissante. Sur le fond, ce film reprend une conclusion optimiste proche de celle de l’opus 2 de la série.

-Terminator Dark Fate (2019) de Tim Miller, a été produit par James Cameron, finalement mécontent des autres suites réalisées à la suite de son propre film de 1991. Ce nouveau "terminator" ouvre donc un nouvelle voie temporelle qui fait dierctement suite à l'opus 2 de la série. Si les scènes de combat et de poursuites sont parfois un peu longues, le film est assez réussi, dans le genre féministe vitaminé. On y retrouve avec plaisir Linda Hamilton et ce bon vieux Schwartzy, dont les rapports restent tumultueux !

-La Planète des singes, les origines (2011), suivi de l’affrontement (2014), puis de Suprématie (2017), constituent les trois volets d’un remake complet de la fameuse saga, dont elle reprend certains éléments en « partant du début », c’est-à-dire la vie du chimpanzé César. Si les réalisations de Ruper Wyatt et Matt Reeves ne brillent pas particulièrement par leur originalité, c’est un travail de de très bonne facture, intelligent et prenant, bien supérieur au navet de Tim Burton. Cette fois, c’est un virus provenant d’un vaccin destiné à lutter contre la maladie d’Alzheimer qui est à l’origine de la catastrophe : les grands singes deviennent plus intelligents, mais les humains meurent en masse. La guerre entre « espèces supérieures » apparaît inévitable malgré la bonne volonté de quelques-uns. Les allusions bibliques foisonnent, permettant aisément aux spectateurs avertis de comparer César à Moïse : les circonstances de sa naissance, l'esclavage, l'évasion, l'anéantissement de l'armée ennemie par une avalanche qui n'épargne que le peuple élu (les singes), la traversée du désert et la mort du héros en arrivant en Terre promise...

-Prédictions, d’Alex Proyas,  (2009) se situe à la croisée des genres FFM et film apocalyptique, avec de beaux emprunts à Rencontres du troisième type et ET. John, astrophysicien déprimé depuis la mort de sa femme, découvre par hasard un papier couvert de chiffres écrits par une petite fille, cinquante ans plus tôt. L’ayant décrypté, il découvre que la gamine avait prévu une série de catastrophes qui se sont toutes réalisées depuis, les chiffres correspondant aux dates des évènements, au nombre de victimes et à leur localisation géographique (latitute/longitude), excusez du peu ! Evidemment, d’autres sont à venir, et notamment la destruction totale de la vie sur Terre par une explosion solaire. Heureusement, de gentils Aliens veillent sur nous, ou du moins sur une poignée d’heureux élus.
Nicolas Cage (John) joue bien, le film est à hauteur humaine et très correctement réalisé. Mais la cavalcade finale des gamins sur leur nouveau monde, carte postale évangélique lourdingue, est nettement en trop…

-La route de John Hillcoat (2010), d’après l’œuvre de Cormac Mac Carthy évoquée en introduction de cet article. Viggo Mortensen y incarne un père ordinaire et héroïque, essayant de survivre avec son fils dans un monde dévasté. L’adaptation est très honnête, ce qui rend le film presque aussi effroyable que le livre, le pouvoir de suggestion en moins puisque tout vous saute au visage. On s’éloigne ici des poncifs et des thèmes quasi-obligatoires du FFM américain, pour affronter l’horreur pure d’une humanité réduite à la plus abjecte barbarie. La religion n’apparaît qu’en filigrane avec le « portage du feu » évoqués par les deux héros, à savoir le refus de plonger dans le cannibalisme et maintenir une sorte d’espoir.

-Le Livre d’Eli, (sorti en France début 2010) des frères Hughes, avec Denzel Washington en héros routard et biblique. Prenez l’ambiance, en moins glauque, de l’œuvre précédente, et mettez-y une bonne dose des grands mythes westerniens à forte charge messianique. Jésus musclé, Eli doit convoyer son livre, Le Livre, à travers les grands espaces désolés d’une Amérique ravagée. Retour en force de la Bible et du Fusil !

-2012, de Roland Emmerich, ou une fin du Monde « politiquement correcte ». 
            Rappelons l’intrigue, assez farfelue, mais qui fit s’émouvoir des magazines sérieux comme Sciences et Vie, inquiets de voir la thèse du film susciter un vent de panique chez les braves gens. Une activité solaire anormale, stimulée par un alignement planétaire exceptionnel, fait bouillonner le magma terrestre au-delà du raisonnable. Résultats, la tectonique des plaques devient folle, les continents plongent : c’est la fin du Monde tel que nous le connaissons. Prévenus à l’avance –et croyant pour une fois sans discuter les prévisions des experts- les Grands de ce Monde (en gros ceux du G 20) décident de préparer en grand secret des « Arches » capables d’abriter quelques milliers d’individus et d’animaux. L’Américain ordinaire Jackson Curtis (John Cusack) pourra-t-il sauver sa petite famille ?
            Disons-le, on passe un bon moment entre les pattes expertes du réalisateur du Jour d’Après : action bien rythmée, grand spectacle, humour, et gros poncifs que l’on aime à retrouver pour en rire ou faire des paris entre amis : chiche que le couple divorcé va se ressouder dans l’adversité ? Que le petit chien va s’en sortir ? Que le méchant milliardaire russe va y passer ?
            Mais le plus intéressant est à chercher plus loin. D’abord, les emprunts faits au Choc des Mondes de Rudolph Maté  tels que la question de la sélection des « heureux élus »  (qui mérite de survivre ? L’argent fait-il la valeur des hommes, etc ?), le compte à rebours fatal, ou le plan final, avec coucher (ou lever ?) de soleil sur le Monde nouveau. Ensuite, les nombreux aspects politiquement corrects qui parsèment le film :
-Les deux scientifiques qui annoncent la catastrophe, sont des « gens de couleur » : un Noir et un Indien.
-Le président des Etats-Unis (Danny Glover) est noir aussi. Personnage quasi-christique, il refuse d’embarquer dans l’Arche et choisit de rester à son poste jusqu’au bout, auprès de son peuple condamné.
-Les Arches du Salut étant construites dans l’Himalaya, nous n’échappons pas aux moines tibétains et à leurs leçons de sagesse…mais aucune contestation de l’occupation chinoise : faut pas faire fuir les clients !
-La destruction de Saint Pierre de Rome nous est abondamment montrée. Celle de la Mecque, filmée et prévue au montage, a finalement été coupée pour ne pas choquer les foules musulmanes.
-Le seul continent à échapper à peu près à la catastrophe est l’Afrique, « berceau de l’Humanité »…
            Par contre, le prestige états-unien en prend un coup : c’est son Arche qui hésite le plus longtemps à ouvrir ses portes à des rescapés supplémentaires, au nom d’impératifs certes pratiques mais égoïstes. L’énorme vague qui vient engloutir Washington emporte avec elle le porte-avions géant Kennedy, symbole de l’hyperpuissance militaire américaine, et c’est ce dernier qui écrase la Maison Blanche. Quant à la monnaie utilisée pour payer son billet d’entrée dans l’Arche, c’est l’euro et non le dollar !
Plus qu’un FFM, 2012 est un « kolossal » sanglot de l’Homme blanc américain versé sur sa puissance perdue, dans un Monde chaotique dont la maîtrise lui échappe de plus en plus.

-Le dernier pub avant la fin du Monde (2013): ou comment fait rire avec un cataclysme. Edgar Wright signe là le 3e volet d'une trilogie comique réunissant une belle brochette d'acteurs britanniques derrière le duo principal constitué par les excellents Simon Pegg et Nick Frost.
Cela commence de manière loufoque, avec une tournée des bars organisée par l'ado attardé faisant office de chef de bande d'un groupe d'anciens potes de lycée. Mais en revenant dans la petite ville de province qui les a vus grandir, les joyeux drilles finissent par se rendre compte que la paisible bourgade est passée sous le contrôle d'extra-terrestres. La baston qui s'ensuit aboutira à l'effondrement de notre civilisation. Moins réussi à mon sens dans le rythme et l'inventivité que les deux films précédents du même auteur ( Shaun of the dead - excellente parodie de films de zombies- et Hot fuzz - géniale caricature de thrillers américains), cette comédie contient néanmoins de très bonnes idées. La "fin du Monde" est ici causée non par la méchanceté des "envahisseurs-missionnaires", mais par la bêtise humaine.
-Oblivion (2013) de Joseph Kosinski, se situe sur une Terre totalement bouleversée par une tentative d'invasion extraterrestre. Les ressources naturelles sont épuisées, et l'humanité placée en hibernation se prépare à s'installer dans l'espace. Quelques techniciens, sous la direction d'une station orbitale appelée le "Tet" (à cause de sa forme tétraédrique) restent sur la planète pour superviser l'action des drones protégeant les machines chargées de collecter les dernières ressources en eau. Logés dans de magnifiques installations flottant dans l'air, ils doivent toutefois combattre les quelques vilains aliens,surnommés les "chacals", qui rôdent encore à la surface de notre Monde. Mais il y a anguille sous roche, et Jack Harper (Tom Cruise, en pleine forme), finit par découvrir l'horrible vérité. Un film magnifique, tant au niveau de l'histoire que des images, de la musique, du jeu des acteurs...ou comment faire de la fin du Monde un superbe spectacle !
-Les survivants (Z for Zachariah, 2015) de Craig Zobel, est une sorte de remake du Monde, la chair et le diable. Une jeune femme (Margot Robbie), survivante d'une catastrophe nucléaire, se voit rejointe dans son refuge par un scientifique noir (Chiwetel Ejiofor, excellent comme d'habitude), puis un  jeune mineur blanc (Chris Pine, beau gosse inquiétant). Amateurs d'action s'abstenir, mais le drame qui se noue est fort bien mis en scène. Réaliste et poignant pour quiconque garde encore une once de sensibilité. 
-Don't look up (Déni cosmique), 2021, d'Adam Mac Kay, relève de la parodie du Choc des Mondes, avec un petit côté "Simpson" dans le délire et la causticité envers les institutions et les médias américains. L'intrigue de base est simple : deux astronomes (Joués par Jennifer Lawrence et Léonardo Di Caprio ) repèrent l'approche d'une comète "tueuse de planète" qui va percuter la Terre dans les six mois. Mais alerter le monde et les autorités ne va pas être facile. Très drôle et très sombre à la fois, aussi bien réalisé que bien joué. La fin (passé une partie du générique en images) est particulièrement jouissive.





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