RIC HOCHET
UN MONUMENT DE LA BD FRANCO-BELGE
Introduction : La bande dessinée de tous les records.
« Ric Hochet » fait partie de mes plus anciens souvenirs en matière de BD (en dehors de « Tintin », bien entendu) Je suis tombé dedans dès le premier album que nous eûmes à la maison. Il était destiné à ma sœur aînée, mais sa couverture me fascina aussitôt : un héros inquiet au premier plan, se tournant vers un personnage méphistophélique jaillissant d’un nuage vert. Les fans auront reconnu Les Compagnons du diable, qui est resté pour moi l’un des meilleurs de la série. Petit à petit, ma collection s’étoffa, et je la complétais systématiquement dès que mes revenus le permettaient, relisant de temps à autre tel ou tel album, attendant toutefois 2007 pour redécouvrir toute la série d’une seule traite.
Même si certains défauts de l’œuvre m’apparurent assez vite, je crois avoir été suffisamment mordu pour être qualifié sinon de « fan », du moins d’amateur bienveillant…au point d’avoir mis pas d’années à réaliser le côté assez pitoyable du calembour tenant lieu de nom au héros de la saga !
Car de saga on peut parler : c’est en 2007 qu’est paru le 73e opus des aventures de Ric Hochet, l’une des plus longues séries, sinon la plus longue, de l’histoire de la bande dessinée franco-belge. Né dans les pages du journal Tintin en mars 1955, celui-ci fait l’objet de son premier album en 1961. Depuis, ses aventures n’ont cessé de paraître, au rythme assez hallucinant d’un opus tous les huit mois en moyenne. Mais le plus remarquable réside dans le fait que ce sont toujours les mêmes auteurs qui président aux destinées du plus endurant des journalistes-enquêteurs.
Le dessinateur, Tibet, (également l’auteur de « Chick Bill » autre série-fleuve ayant pour cadre un Far-west parodique) alias Gilbert Gascard, est né à Marseille en 1931, et émigre en Belgique dès 1936. Il débute comme assistant-dessinateur en 1947 dans les studios bruxellois de Walt Disney, qui s’apprêtait alors à publier Mickey Magazine en Belgique. Il y fait la connaissance d’André-Paul Duchâteau, scénariste et auteur de romans policiers, né à Tournai en 1925. Ils commenceront à travailler ensemble en 1951 pour le journal Tintin. Cette année, les deux complices fêtent donc respectivement leurs 76 et 82 printemps, ce qui en fait les deux papis les plus prolifiques et les plus endurants de l’Histoire de la BD.
Cette longévité leur a permis, au fil des albums, de densifier l’univers de leur héros et de lui donner une cohérence assez rare dans le monde de la BD classique. C’est dans cet univers que je vous propose de plonger dès à présent.
Attention : la numérotation des albums a été modifiée il y a quelques années, pour des raisons assez obscures. « Cauchemar pour Ric Hochet » est ainsi passé du numéro 11 au numéro 13, se faisant ainsi précéder par « les spectres de la nuit » et « les compagnons du diable ». De la même manière, « Le trio maléfique » s’est retrouvé placé après « Alerte, extra-terrestres ! » C’est à cette nouvelle numérotation que nous nous référerons, qui n’a cependant aucun effet nuisible à la bonne compréhension de la série.
Un héros presque parfait.
Le héros idéal des Trente glorieuses
Ric Hochet, à l’instar des autres héros d’illustrés pour la jeunesse des années cinquante, présente un certain nombre de stéréotypes : éternellement jeune, figé dans une trentaine dynamique, il bénéficie de toutes les qualités possibles : intelligent, cultivé, beau gosse, courageux et sportif. C’est bien sûr un athlète complet : ski, plongée sous-marine, voiture de sport, avion, hélicoptère, boxe, natation, équitation, course à pied…il sait tout faire. Seules les armes à feu lui posent problème (quoique…mais n’anticipons pas) Et en plus, il a le sens de l’humour ! Il va de soi qu’un type pareil ne peut que tomber toutes les filles, ce dont il ne saurait abuser, car la vertu et la tempérance en toute chose ne sont pas les moindres de ses qualités. On pourrait lui appliquer sans peine cet éloge destiné à un autre héros du journal Tintin, Michel Vaillant : « Mieux qu’un héros d’aventure, un véritable ami, fort, courageux et loyal. » Il se situe donc parfaitement dans la ligne des personnages positifs et exemplaires dont le journal Tintin se voulait, à l’origine, le promoteur.
Etat civil
La date de naissance de Ric Hochet n’est pas très précise, et le lecteur passionné doit se livrer à quelques déductions. Dans « Premières armes » (n°58), compilation des aventures de jeunesse et de mini-récits consacrés à notre héros, nous apprenons que sa 1ere enquête eut lieu en 1946, alors qu’il est élève au lycée Lemoine à Paris. La première classe du lycée étant alors la 6eme, et le personnage paraissant plus proche de l’enfance que de l’adolescence, on peut supposer qu’il a à l’époque entre 10 et 12 ans, soit une année de naissance située entre 1934 et 1936. Le Ric Hochet d’aujourd’hui serait donc un sémillant septuagénaire.
Au cours des premiers albums, on apprend que Ric Hochet a été élevé dans un orphelinat, ce qui ne semble pas l’avoir traumatisé le moins du monde. On lui connaît toutefois un oncle prénommé Ernest, paysan de son état, chez lequel il aime à se ressourcer, pendant ses congés, dans les rudes travaux des champs. Cette période quelque peu « vichyste » de la vie du héros ne semble avoir concerné que son adolescence. Dans « Alias Ric Hochet », il découvre l’existence de son père Richard (voir plus loin le chapitre « Galerie de portraits »), qu’une vie tumultueuse a contraint à abandonner son fils après la mort de sa mère. Le dernier opus de la série (n°73, « On tue au théâtre ce soir ») apporte un rebondissement à la saga familiale : la mère de Ric ne serait pas morte ! Richard en révèle davantage sur elle à son fils. Il s’agirait d’une certaine Allégra, de nationalité canadienne, évidemment très belle, dont le malheureux Richard aurait perdu la trace.
Ric Hochet commence à travailler pour le journal « la Rafale » (« le quotidien qui ne triche pas ») en tant que vendeur à la criée dès l’âge de 13 ans. Il débute aussitôt sa carrière de redresseur de tort en aidant un agent secret à confondre deux espions étrangers. Quelques années plus tard, cet employé aussi méritant que prometteur est embauché comme journaliste. La grande aventure commence !
Dès ses premières aventures publiées en album, Ric arbore quelques signes distinctifs qui ne le quitteront plus : sa veste blanche mouchetée de gris, qui sera bientôt presque invariablement accompagnée d’un pull rouge et d’un pantalon bleu ; et une voiture de sport jaune (d’abord de marque indéterminée, avant de se fixer sur Porsche), qui finit à la casse tous les deux ou trois albums en moyenne. Sa coupe de cheveux et ses chaussures varieront assez peu, la première un peu plus que les secondes, en fonction de la mode.
Ric Hochet vit seul, si l’on excepte son chat Nanar, dans un appartement parisien dont l’adresse est cette fois précisée (à partir du numéro 30, « le fantôme de l’alchimiste ») : 40, boulevard Gouvion Saint-Cyr, dans le 17e arrondissement. Contrairement à son illustre modèle Tintin et son mythique « 26 rue du Labrador », l’adresse existe bel et bien ! Mais il n’y réside aucun journaliste au nom grotesque. Inutile de préciser que l’appart en question fait l’objet de multiples intrusions malveillantes, voire d’attentats à la bombe. Dans le triangle Attila (n°45) le méchant de service va même jusqu’à utiliser une arme ultra moderne pour démolir l’immeuble entier. Ceci va contraindre notre héros à changer de domicile, dont l’adresse exacte sera cette fois tenue secrète aux lecteurs. Ric ne perd pas au change : il emménage dans un luxueux appartement avec terrasse paysagère, sur le toit d’un immeuble neuf, ayant vue sur la Tour Eiffel. Ce qui ne dissuadera pas les fâcheux de venir lui faire des misères de temps à autre.
Enquête de moralité
Ric Hochet baise-t-il ? Cette question, lancinante depuis la grande libération sexuelle de Mai 68, ne peut trouver de réponse catégorique. On lui connaît une petite amie « officielle », Nadine, mais leur liaison paraît fort chaste. Dans Le double qui tue (n°40), le couple passe ses vacances dans la même résidence, mais ne partage pas la même chambre ! Est-ce la frustration qui pousse parfois notre héros à souligner la beauté des jeunes femmes qu’il rencontre au fil de ses enquêtes, stimulant chaque fois la jalousie de sa « fiancée » ? En tout cas, il lui reste obstinément fidèle, et ne manque de succomber à d’autres charmes qu’à deux reprises. D’abord dans Les messagers du trépas (n° 43), pour une attendrissante écrivain(e) spécialisée dans les légendes anciennes ; puis dans La sorcière mal aimée (n°63), pour la ravissante sorcière du même nom, rousse flamboyante à vrai dire nettement plus excitante que la gourde Nadine !
Ce puritanisme relatif n’empêche cependant pas une légère touche d’érotisme de s’infiltrer dans la série, surtout à partir des années 1980-90 : les personnages féminins et séduisants se multiplient, et les tenues de Nadine deviennent de plus en plus suggestives. Il nous faudra quand même attendre le numéro 73 pour voir –enfin - sa poitrine au sortir d’un lit où elle a dormi…seule bien sûr.
Ric Hochet montre parfois quelques faiblesses, hormis celle propres aux héros de son acabit, comme la manie de se jeter dans les emmerdements au nom de la bonne cause et par soif d’aventures. Il ne s’agit pas ici d’énumérer les épisodes, innombrables, où Ric se fait assommer, capturer, ficeler, promis aux pires supplices ou soumis à d’ignobles chantages qui le font agir en marge de la loi : cela fait partie des lois du genre. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les « dérapages » ou les « pétages de plomb » qui nous révèlent toute l’humanité d’un individu par ailleurs trop parfait. Il faut reconnaître qu’il y en a peu, mais citons-en quatre, assez significatifs :
-Dans la Maison de la vengeance (n°41), Ric laisse pour la 1ere fois apparaître tout le dégoût que lui inspire les « victimes » de l’histoire, à vrai dire nettement antipathiques et âpres au gain. « On ne choisit pas toujours son coupable, commissaire », avoue-t-il à son ami Bourdon après avoir pris congé de ceux qui ont fait appel à lui.
-Trois albums plus loin (Ric Hochet contre Sherlock), Ric va jusqu’à cacher aux autorités l’identité du criminel qu’il poursuit, qui s’est révélé être un collègue et ami en situation difficile. Par pitié pour la famille du bonhomme, il maquille en meurtre le suicide de celui-ci, et laisse entendre que le véritable assassin court toujours. « Ce sera le bide le plus retentissant de ma carrière ! » déclare-t-il alors.
-Plus étonnant encore, dans Silence de mort (n°70), ce grand défenseur de la loi attaque un convoi pénitentaire, abat un motard de la police ( !)…tout cela pour obtenir la coopération de son vieil ennemi « Le Bourreau » ! Même si on peut raisonnablement supposer qu’il s’agit là d’une mise en scène, rien ne vient clairement nous l’assurer.
-Enfin, dans On tue au théâtre ce soir, il sort de ses gonds après que son père ait reconnu lui avoir caché l’existence de sa mère : « Tu n’es qu’un salaud ! » hurle-t-il en lui décochant un coup de poing dans la figure.
On l’aura compris, tout cela ne remet vraiment pas en cause l’exemplarité du héros : à part le dernier incident, et encore, ces épisodes soulignent au contraire le profond sens moral d’un personnage dévoué à la défense du Bien. Menant de front sa carrière de journaliste (bien plus visible que celle de son modèle Tintin) et celle de détective, il contribuera en 73 albums à envoyer moult criminels derrière les barreaux, ou plus rarement ad patres. Avec une moyenne basse de deux ou trois bandits mis hors d’état de nuire par album, on peut estimer son tableau de chasse à environ 220 personnes !
Ligne claire et clins d’œil.
Tibet et Duchâteau, honorables façonniers.
Tibet appartient résolument aux adeptes de la ligne claire chère à Hergé, revenue à la mode dans les années 1980. A partir des dix premiers albums, le trait se précise une fois pour toutes et ne variera que très peu, dans un style propre, agréable à l’œil mais que d’aucuns jugeront trop fade et peu innovant. A la relecture, la plus criante faiblesse des premiers albums réside dans les décors, pas toujours très soignés. Ils comportent même parfois de vilains raccords, comme dans Défi à Ric Hochet (n°3), où le yacht du millionnaire Valloire change plusieurs fois de forme en trois pages ! Cela s’améliore toutefois au fil du temps, même si le talent de Tibet reste avant tout concentré sur ses personnages. C’est donc fort logiquement qu’il confiera la réalisation des décors à des assistants plus doués que lui dans ce domaine. D’abord à Didier Desmit, du numéro 26 (L’ennemi à travers les siècles) au numéro 67 (le nombre maudit), puis à Francis Brichau. Tibet marche ainsi dans les pas d’Hergé, qui s’entoura lui aussi « d’assistants-décorateurs » promis à un brillant avenir, tels Edgar Pierre Jacobs ou Bob de Moor.
Préposé au scénario, André-Paul Duchâteau, par ailleurs auteur de romans policiers comme nous l’avons évoqué en préambule, se reconnaît quelques maîtres à penser : d’abord S.A. Steeman, le Simenon belge (l’assassin habite au 21), avec lequel il travailla, et bien sûr les « géants » que furent Agatha Christie et Alfred Hitchcock. Les références à ces deux derniers sont nombreuses au fil des albums, et carrément explicites, en forme d’hommage, dans Le secret d’Agatha (n°48) et Qui a peur d’Hitchcock ? (n°55)
Les aventures de Ric Hochet appartiennent donc au registre « policier », avec toutefois de fréquentes incursions du côté du fantastique ou de la science-fiction, sans toutefois basculer dans l’irrationnel. Héros positif, quoique moins terre à terre que son ami Bourdon, Ric Hochet trouve toujours une explication logique aux phénomènes paranormaux. « Spectres de la Nuit » ou « Extra-terrestres » ne sont que de vulgaires criminels tout ce qu’il y a de plus humains, guidés par des motifs des plus communs : l’argent, la jalousie, la vengeance ou la folie... Exceptions à la règle : des dons de voyance, reconnus authentiques dans certains albums (les messagers du Trépas, La sorcière mal-aimée…) L’autre grande catégorie d’aventures se situe dans le registre du « défi » lancé aux forces de l’ordre par des malfrats de plus ou moins grande envergure (voir plus loin le chapitre « les grands méchants »). Cela démarre dès le 1er album, avec l’épisode de « Signé Caméléon », pour ressurgir de manière récurrente tout au long de la série.
Les intrigues sont plus ou moins complexes, mais tiennent en général dans un canevas assez convenu, que l’on pourrait résumer, voire caricaturer en évoquant une aventure de jeunesse qui a fait sourire plus d’un fan de Ric Hochet : « Ric Hochet contre le Mauvais Œil » (dans Premières armes). Résumé :
Ric passe ses vacances à la campagne chez son oncle Ernest. Celui-ci reçoit un jour une lettre de menaces d’un mystérieux personnage appelé le « Mauvais Œil », qui réclame une forte somme d’argent sous peine de voir son bétail empoisonné. Ernest, qui se souvient de vieux récits de son grand-père, veut céder, mais Ric ne se laisse pas impressionner. Cela lui vaut d’être victime d’un « attentat » du Mauvais Œil (une sorte de guignol déguisé façon Klu Klux Klan) qui le laisse apparemment amnésique. Mais ce n’est qu’une ruse de notre héros, qui fera convoquer tous les suspects à la ferme de son oncle. Là, il surgit sous le déguisement du Mauvais Œil, provoquant la confusion du vrai coupable, en l’occurrence le facteur, aussitôt arrêté par les gendarmes venus à la rescousse.
Ces grosses ficelles seront à maintes reprises réutilisées, de manière plus ou moins subtile dans la plupart des albums : un ennemi mystérieux, un ou des suspects présents dès le début que le lecteur peut s’amuser à démasquer, une enquête où le héros se fait attaquer au moins une fois, et enfin un dénouement théâtral où le même héros explique toute l’histoire. Le passage du format de 62 pages à 46 par album, à partir du n°7 (Suspense à la télévision) ne facilitant pas la tâche d’un scénariste ambitieux. Néanmoins, Duchâteau a considérablement étoffé ses intrigues entre les numéros 56 (Un million sans impôts, qui fit l’objet d’un jeu concours lors de sa parution) et 65 (Panique sur le web), en lançant des histoires en deux épisodes, soit un format de 86 planches permettant un développement beaucoup plus complexe et mieux ficelé.
D’une manière générale, les enquêtes de Ric Hochet sont assez bien goupillées, et tiennent en haleine le lecteur. Mais la qualité, sur une œuvre aussi prolifique, ne peut être toujours au rendez-vous. Certains albums à tonalité fantastique notamment, particulièrement alléchants par leur entrée en matière, se révèlent plus décevants lorsque vient le moment des explications des phénomènes surnaturels. Le meilleur exemple qu’on puisse donner étant La nuit des vampires (n°34), où de fâcheuses lacunes apparaissent : l’absence de reflet du « vampire » dans l’eau des douves ? Inexpliquée. Le même « vampire » escalade un mur, telle une araignée ? Idem. La fuite du « démon » par une cheminée fermée par une grille en fer ? Cherchez vous-même ! Dans d’autres albums du même tonneau, Ric-Duchâteau s’en tire fréquemment par des pirouettes peu convaincantes, du genre : « Oh, simple tour de passe-passe…truc d’illusionniste ! » Un peu court, jeune homme ! Le lecteur attendra ainsi en vain, tout au long des Jumeaux diaboliques, de savoir par quoi les victimes ont été « contaminées ».
De toute évidence, les auteurs ont été emportés par le côté grand-guignolesque de certaines de leurs histoires, négligeant la rigueur du scénario au profit du spectaculaire des situations. D’une manière générale, ce genre d’intrigue à la « scouby-doo » repose sur une invraisemblance majeure : l’énormité des moyens et la complexité de mise en scène de leurs crimes par les coupables, hors de proportion avec le gain espéré. Quelques exceptions toutefois avec Le monstre de Noireville (n°15), à la fois tragique et fort bien mené, ou l’ennemi à travers les siècles (n°26).
Des histoires « bien de chez nous ».
Le cadre géographique des exploits de Ric Hochet est assez restreint, ce qui le distingue une fois de plus du globe-trotter créé par Hergé. Pour l’essentiel, le détective limite son champ d’action à la France (Paris et Côte d’Azur en majorité) et à la Belgique (Bruxelles surtout). Ses escapades exotiques se comptent sur les doigts d’une main ; prenons les dans l’ordre :
-n°6 : Rapt sur le France : notre héros met le pied aux Etats-Unis, mais en toute fin d’album, soit 15 planches sur 62.
-n°8 : Face au serpent : se déroule en partie aux Pays-Bas…on a fait plus dépaysant !
-n°14 : Ric Hochet contre le bourreau : le début de l’histoire nous emmène dans un mystérieux « pays de l’Est », ressemblant vaguement à la RDA (l’album date de 1971). Mais Ric s’en échappe à la page 24, en franchissant le rideau de fer avec une facilité déconcertante (et délibérée, à l’instigation de son ennemi le Bourreau)
-n°34 : La nuit des vampires : aventures gothiques en Grande-Bretagne, dont nous ne voyons pas grand-chose, presque toute l’histoire se déroulant dans un vieux château et le parc qui l’entoure.
-n°39 : le disparu de l’enfer (1982-83): le plus exotique des albums de la série. Ric Hochet doit se rendre au Varaiso, état imaginaire d’Amérique latine qui rappelle fortement le Salvador, (ou le Chili, Varaiso étant la contraction de Valparaiso) pour aider son père à lutter contre la dictature en place.
A ce tour d’horizon assez limité, on peut à la rigueur ajouter quelques vignettes du Double qui tue (n°40) ayant pour toile de fond New York et Hong Kong. L’âge faisant son œuvre, les deux vétérans vont effectuer un repli marqué vers leur patrie belge, qui apparaît en toile de fond de plus en plus fréquemment à partir du n°43. A ce titre, le n°72 (Le trésor des Marolles), véritable hommage au folklore du vieux Bruxelles, est assez significatif de ce retour aux racines.
Ce manque de goût pour l’exotisme se retrouve aussi, de manière frappante, dans les personnages qui traversent les aventures de Ric Hochet. Quelques Asiatiques, un peu plus de Sud-américains, très peu de Noirs et encore moins d’Arabes. En ces temps « politiquement corrects », où il est de bon ton de faire figurer des « minorités visibles » dans les moindres récits destinés à la jeunesse, cela peut surprendre, notamment dans les derniers albums. Paris et Bruxelles apparaissent tout aussi « blancs » en 2006 que dans les années 1960 ! Autre constat troublant, les rares « colorés » de service sont pour la plupart des crapules, tueurs à gage pour l’essentiel (Chang le Chinois dans Rapt sur le France, l’Indonésien Karta, particulièrement ridicule, dans Face au serpent, ou l’ignoble Vargas du Contrat du Siècle) et plus rarement tête pensante du crime (un seul cas en fait : l’athlète noire Jane Mathilda, dans Crime sur internet)
Les adeptes de la bien-pensance auront beau jeu de conclure : « Tibet et Duchâteau sont d’infâmes racistes ! D’ailleurs, Hergé lui-même, et patati et patata… » N’ayant pas tous éléments pour trancher cette question, et quelque peu agacé par le climat d’inquisition morale qui règne dans le prétendu pays des droits de l’homme, l’auteur de ces lignes hasardera juste quelques remarques fondées sur l’observation des albums.
En ce qui concerne les lieux, il saute aux yeux que nos auteurs sont beaucoup plus à l’aise pour faire évoluer leur héros dans un univers familier, aussi bien au niveau des décors que de l’intrigue. Les albums « exotiques » cités plus haut ne sont pas les meilleurs, loin s’en faut. Ric Hochet est aussi à sa place au Varaiso qu’un varan du Nil au Groënland : manipulé, baladé par les uns et les autres, il traverse un pays de carton pâte sans avoir la moindre prise sur les évènements. On se croirait dans les dernières et calamiteuses aventures d’Alix, une certaine rigueur dans l’intrigue en plus…Les deux escapades new-yorkaises de notre héros (n°6 et 40) révèlent aussi des décors bien peu réalistes, tant au niveau des paysages que de l’architecture. Même chose pour les personnages : de toute évidence, Tibet n’est pas doué pour dessiner les gens de couleur autrement que par la caricature. Karta ressemble à un Tino Rossi aux yeux bridés, et les quelques noirs entraperçus paraissent avoir été copiés sur Al Jolson, le Blanc grimé en noir du Chanteur de Jazz (1er film parlant de 1927). Il faut attendre le n°60 pour voir enfin une Noire qui ne semble pas jaillir d’une boîte de « banania ».
Alors, racistes, maladroits, ou les deux ? Je rappellerai simplement le grand âge des deux auteurs, qui n’ont pas subi dans leur jeunesse le conditionnement tiers-mondiste et anti-raciste des générations suivantes. Libres à eux de créer les histoires qui leur plaisent !
De Chick Bill à Kill Bill
La relecture complète de la série permet d’en saisir toutes les évolutions et les constantes. Nous avons déjà évoqué quelques-unes de ces dernières, mais on peut ici ajouter quelques éléments. D’abord, pas de basse crapulerie ou de trafics sordides (drogue, prostitution…) dans « Ric Hochet ». Les petits délinquants et les voyous de banlieue ne font pas partie de son univers. Son monde à lui, ce sont les immeubles de centre-ville, les villas cossues et les grands domaines, les notables, les familles fortunées et les grands criminels, psychopathes ou non.
Les évolutions portent essentiellement sur les progrès techniques (friand de technologie, Ric Hochet passera de la machine à écrire à l’ordinateur sans aucun problème) la mode vestimentaire et l’usage d’une certaine violence. C’est sur cette dernière que nous allons nous attarder, tant elle nous paraît emblématique de l’influence du temps sur un héros apparemment sans âge.
Conformément à la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, les aventures de Ric Hochet s’efforceront pendant longtemps de préserver les âmes sensibles. Le premier mort de la série ne survient que dans le 2e opus (Mystère à Porquerolles) : il s’agit de Carl, l’homme de main du grand méchant de service, dont on retrouve le corps après une explosion, cadavre que le lecteur ne verra pas. Par la suite, les meurtres se feront plus ou moins nombreux, mais leur violence sera longtemps traitée de manière fort elliptique : les premières vraies taches de sang n’apparaissent qu’au numéro 26. Un basculement a lieu avec La liste mortelle (n°42), réalisé en 1985, qui a pour sujet des attentats commis par un groupe d’extrême-gauche (allusion sans doute à Action Directe) : nous avons droit cette fois à un déluge d’hémoglobine, et une escalade dans les moyens employés par notre héros. Ric devra faire alliance avec la pègre pour mettre hors d’état de nuire des individus qui ne respectent plus rien et mettent la « civilisation » en danger. A partir de là, on observe une évolution en dents de scie de la violence au sein de l’épopée « hochetienne », une sorte de perte d’innocence qui se traduit de manière diffuse d’un album à l’autre.
La première histoire en deux épisodes (Un million sans impôts et l’heure du kidnapping, n° 56 et 57)) est à cet égard significative. Les protagonistes, grands bourgeois plus vicieux les uns que les autres, sont dignes d’un film de Chabrol. Le pire étant atteint avec la perversion du plus jeune membre de la tribu, complice du kidnapper et assassin. Jusque là, la série s’était toujours efforcée de présenter les enfants et les adolescents de manière plus ou moins positive. On peut l’expliquer sans peine par le fait que les aventures de Ric Hochet ne passant plus par le journal Tintin, disparu comme la plupart des grands périodiques de BD pour enfants dans le courant des années 1980, nos auteurs ne se sentent plus obligés de faire de l’éducation civique. Par ailleurs, la nécessité de rester en prise avec un lectorat bombardé d’images violentes a sans doute beaucoup influé dans cette inflexion.
Dans la série « brisons les tabous », les épisodes 64 et 65 battent des records (Le Contrat du siècle, suivi de Panique sur le Web , 2001). La violence y est omniprésente et froidement montrée : des otages abattus de sang-froid, Ric défouraillant à tout va et flinguant le tueur Vargas d’une balle en pleine tête (avec gros plan sur le front troué), insultes en tout genre (« petit con !»). Pire encore, la déchéance relative de certaines grandes figures de la série : l’inspecteur Ledru nous révèle l’existence de son fils, paparazzi minable qui le méprise et finit exécuté par Vargas ; le directeur de la « Rafale », Renaud Masson, jusque là l’archétype du patron honnête, se dévoile comme un complice de l’ignoble « Bourreau », et termine lui aussi sa carrière d’une bastos dans le crâne. Duchâteau se prendrait-il pour Tarentino ?
Fort heureusement pour les vrais fans, peu désireux de voir Tibet, l’auteur de « Chick Bill », transformer son héros vertueux en « Kill Bill », la tension retombe un peu dans les albums suivants, mais une dimension macabre fortement teintée de gros clins d’œil prédomine désormais dans la série. De toute évidence, Tibet et Duchâteau ont rejoint la cohorte des auteurs ayant choisi la dérision et l’auto-parodie comme principal moteur créatif. Quoi de plus jouissif que de manipuler et pervertir certains « classiques » ?
Clins d’œil et allusions diverses.
Les clins d’œil de « Ric Hochet » se situent à deux niveaux de lecture. Le premier, a priori le plus facile à percevoir, se manifeste par l’apparition de têtes plus ou moins connues sous des noms et dans des rôles d’importance variable (Il faut préciser que Tibet fait partie des portraitistes et caricaturistes les plus célèbres de la presse belge). En majorité, il s’agit de personnalités du show-biz, mais l’on compte aussi pas mal d’amis ou de collègues des deux auteurs, voire les deux auteurs eux-mêmes, un peu à la façon d’Hitchcok qui veillait à apparaître brièvement dans chacun de ses films. En BD, Hergé lui-même eut recours à ce genre de « joke » (comme la scène de la soirée princière du Sceptre d’Ottokar)
Le petit jeu du « devine qui vient se montrer » se manifeste clairement dans l’opus 7, Suspense à la télévision (1967). Ric y vient en aide à Lionel , jeune chanteur à succès qui ressemble à Hervé Vilar ou Richard Anthony. On y croise aussi Johnny Largo, rival du bellâtre en question, qui n’est pas sans évoquer Johnny Hallyday, et enfin Raymond Souplex (« les cinq dernières minutes »), dans son propre rôle sur la dernière vignette. Par la suite, les « guest stars » se succèdent : Laurel et Hardy (n°13, Cauchemar pour Ric Hochet), Serge Reggiani (n°15), Philippe Noiret (n°17), Bernard Blier (n°18), Gérard Depardieu (n°51), Woody Allen (n°70) pour ne citer que les plus notables. Les politiques sont plus rares, mais d’autant plus remarqués : dans leurs propres rôles, Valéry Giscard d’Estaing, Michel Poniatowski (Alerte, extra-terrestres ! , 1974) Jacques Chirac (Le triangle Attila, 1987) et enfin…Nicolas Sarkozy, alias « Markus », « ambitieux ministre de l’intérieur », peu à son avantage dans On tue au théâtre ce soir , 2006), ou président se mêlant de tout (Ici 77!, 2010)
Le deuxième niveau d’allusion, un peu plus complexe fait référence à un contexte ou des évènements spécifiques, dénotant parfois un certain « engagement » de Tibet et Duchâteau. On remarquera d’abord une référence à Howard Hugues dans le personnage du milliardaire excentrique et reclus Howie Howard (n°52, le maître de l’illusion), où à la famille d’un célèbre constructeur italien d’automobiles (La dernière impératrice, n°71) Mais nos auteurs vont bien plus loin en d’autres occasions.
Ainsi, dans Le contrat du siècle et Panique sur le web, l’un des grands méchants, complice du « Bourreau » et dénommé Barnex, veut racheter « la Rafale » pour compléter son empire médiatique aux ramifications mafieuses et barbouzardes (le type est plus moins complice de la CIA). L’allusion à des crapules de haut vol tel que Rupert Murdoch est assez évidente. Plus nette encore, la parodie d’une célèbre émission de télé-réalité livrée dans Penthouse story , où l’on apprend qu’une certaine Lulli-Lulla a eu une liaison avec Charles-Lucien (à qui font-ils donc référence, les bougres ?) Terminons par le diptyque Le nombre maudit/le collectionneur de crimes (n°67 et 68, 2002-2003), où l’un des principaux suspects n’est autre que Jean L. Dassiez, PDG de l’entreprise Vivador dont il a ruiné les petits actionnaires par sa gestion calamiteuse. L’homme est fasciné par le modèle anglo-saxon, et regrette de perdre son loft de Los Angeles payé par sa boîte…Quiconque n’aurait pas reconnu Jean-Marie Messier et l’affaire Vivendi serait bien peu informé des affaires de ce monde.
La prise de position des auteurs est franchement hostile à ces « puissants », qu’ils soient à moitié fous et manipulateurs (Howard), prêts à toutes les ignominies pour réaliser leurs ambitions (Barnex), ou tout cela à la fois (Dassiez) Il y a ici une nette rupture avec les albums du début de la série, où les hommes d’affaires étaient rarement montrés comme des bandits (voir Rémy Valloire, ami de Ric Hochet dans le n°3) Tibet et Duchâteau, qui ne sont pas des bolcheviques, se révèlent ici nostalgiques du capitalisme à la papa, du patron honnête soucieux du bien être de ses employés, bref de tout un monde broyé par l’esprit de jouissance et la dictature des marchés financiers.
Je terminerai ce petit tour des allusions par un fait curieux, qui ne m’est apparu qu’à la relecture complète de la série. Dans le n°12 (Les compagnons du diable), l’un des principaux suspects, sorte d’inquiétant illusionniste qui se fait appeler « Le diable », se nomme Marcus. Marcus, c’est aussi le nom attribué au redoutable « Ennemi à travers les siècles »(n°26), et enfin (avec un « k »), celui de l’ambitieux ministre de l’intérieur, puis Chef de l'Etat ressemblant si fort à Nicolas Sarkozy (n° 73 et 77) ! Chacun l’interprètera comme il le souhaite…
Galerie de portraits
La série « Ric Hochet » foisonne de personnages plus ou moins consistants. Nous n’évoquerons ici que les plus grandes figures, amies ou ennemies de notre héros, apparaissant dans plusieurs albums. Après leur nom en caractère gras, le titre de la série où ils apparaissent pour la première fois figure entre parenthèses. L’ordre choisi correspond à celui de leur apparition dans les aventures de Ric Hochet.
Famille et amis.
-Le commissaire Bourdon (« Signé Caméléon », in Traquenard au Havre, n°1)
Visiblement inspiré de flics à l’ancienne, façon Maigret ou Raymond Souplex (dont le « bon sang mais c’est bien sûr » a été remplacé par « bonsoir de bonsoir »), Sigismond Bourdon est un peu le contraire de Ric Hochet sur bien des points, peu imaginatif et encore moins porté sur les acrobaties. Souvent en retard d’un train sur son jeune ami, parfois ridiculisé, voire enlevé, le pauvre Bourdon semble être le faire-valoir idéal, toujours plus près d’une retraite qui n’arrive jamais. Mais avec sa moustache blanche, sa pipe, sa gourmandise et son humour, il apporte énormément d’humanité à la série. C’est un peu le papi, voire le vrai père de Ric Hochet, auquel il rend service ne serait-ce qu’en lâchant les chiens aux trousses des méchants.
-L’inspecteur Ledru. (« Signé Caméléon »…)
L’éternel second du commissaire Bourdon, personnage assez falot qui prendra de l’épaisseur au fil des albums. C’est dans La flèche de sang (n°36) que Ledru explose enfin, lâchant toute sa rancœur envers Bourdon, qu’il accuse implicitement de bloquer sa carrière, tout en récoltant une gloire facile grâce à Ric Hochet, dont l’inspecteur est visiblement jaloux. Si la tension retombe un peu par la suite, il restera un personnage tourmenté, suspecté à maintes reprises de divers forfaits…à tort. Tout le tragique de son existence ne sera révélé que dans Le Contrat du siècle (voir plus haut). Ledru n’accède à une promotion bien méritée que dans les derniers albums : d’abord lieutenant, puis capitaine en charge d’une cellule anti-terroriste.
-Bob Drumont (Mystère à Porquerolles, n°2)
Collègue journaliste de Ric Hochet, également employé à « la Rafale », dont il deviendra plus tard le rédacteur en chef. Brave rouquin, costaud et à bouille ronde, c’est l’ami fidèle par excellence.
-Nadine Bourdon (Piège pour Ric Hochet, n°5)
En apparence, la gourdasse de service. Petite-nièce du commissaire Bourdon, c’est une blondinette assez banale qui va devenir la « fiancée » du héros (voir plus haut la sexualité de Ric Hochet) D’abord cantonnée aux fonctions classiques de l’emploi, comme se faire enlever régulièrement, ou donner une vague touche sexy aux histoires, Nadine attendra le n°60 (Crime sur internet, suite de La main de la mort) pour prendre une certaine envergure. La mort supposée de Ric, à la fin de l’album précédent, va la pousser à se transformer à son tour en détective pour découvrir toute la vérité.
-Le professeur Hermelin (Rapt sur le France, n°6)
Certainement le personnage le plus truculent de la série, sorte de professeur Tournesol, la surdité et la gentillesse en moins. Petit bonhomme à barbiche blanche éternellement renfrogné (« humpf ! » est son onomatopée favorite), Hermelin est aussi génial que couard, au point de « marcher » à plusieurs reprises avec les méchants (« à mon corps défendant ! » proteste-t-il toujours), en leur fournissant de redoutables gadgets. Le pauvre Bourdon est sa tête de turc, ce qui donne lieu à de savoureux échanges entre les deux hommes.
-Richard Hochet ( Alias Ric Hochet, n°9)
Père de Ric Hochet (voir plus haut), dont il est physiquement la copie conforme, avec une moustache, des cheveux blancs et quelques rides en plus. Ancien gentleman cambrioleur fréquemment rattrapé par son passé, Richard va souvent prêter main forte à son fils, ou faire appel à lui dans la lutte contre le Mal…quand il n’est pas lui-même dans la panade ! Par son attitude fantasque, son goût immodéré de l’aventure et de la drague, il apparaît finalement moins mûr que son fils, dont il est davantage le copain ou le grand frère.
-Le commissaire Brébant (Les Messagers du trépas, n°43)
Collègue belge de Bourdon, nettement plus jeune et moins drôle que ce dernier. Apparaît dans presque toutes les aventures de Ric Hochet outre-Quiévrain.
-Lamberto Alfredi (Le crime de l’an 2000, n°50)
Réalisateur d’origine italienne, ayant l’allure de Francis Ford Coppola et le talent de Lamberto Bava. Sympa, mais très imbu de son supposé génie artistique et prêt à tout pour racoler le public. A l’instar de certains « créateurs » peu scrupuleux de son pays d’origine, Alfredi est un touche-à-tout : films de science-fiction, d’horreur (la série des « Jimmy », inspirée de « Freddy », dans Le masque de la terreur, n°54), télé-réalité (Penthouse story), « docu-fictions » racoleurs (L’homme de glace, n°69), et même le théâtre (On tue au théâtre ce soir) Rien n’échappe à son mauvais goût.
-Lambert (Crime sur internet, n°60)
Embauché à « la Rafale » après la disparition de Ric Hochet, à la fin de l’album précédent, il en est viré très vite pour travailler à « Paris Night », ignoble torchon vivant de ragots et de scoops racoleurs. Archétype du mauvais journaliste, veule et arriviste, c’est un peu l’anti-Ric Hochet. Néanmoins, les services qu’il rend à notre héros, dont il devient un peu la tête à claques, lui valent de figurer dans la rubrique « Famille et amis ».
Les grands ennemis.
-L’inspecteur Manière. (« Signé Caméléon », op.cit.)
A côté des autres « grands méchants » que Ric aura a affronter par la suite, Manière fait assez pâle figure. Il mérite toutefois de figurer dans cette galerie de portraits pour l’archétype qu’il représente, à savoir « le génie du Mal qui défie les autorités ». Sous le surnom de « Caméléon », ce policier traître à ses collègues s’est juré de ridiculiser, puis de tuer le commissaire Bourdon qui avait fait coffrer son père. Jeté en prison, il s’en évade dans le n°4 (L’ombre de Caméléon) à l’instigation d’un autre « méchant » de service qui s’en servira comme marionnette.
-Bex Turner (Défi à Ric Hochet, n° 3)
Faux détective et vrai bandit américain, ayant réussi à enlever Hermelin sur le paquebot France, au nez et à la barbe de notre héros. Finit cependant en taule…
-Le docteur Vogler. (Piège pour Ric Hochet, n° 5)
Premier ennemi de grande envergure et réellement charismatique combattu par notre héros. Vogler est une sorte de « doktor Mengele », ancien nazi prêt à toutes les abominations.
Gravement brûlé et laissé pour mort après un accident d’avion, Vogler réapparaîtra à deux reprises, dans Face au serpent et la Piste rouge. C’est son presque sosie, en la personne de son fils Jean-Pascal Vogler ( !!!), qui resurgit dans le n°69 (L’homme de glace) Le fiston ne semble pas avoir hérité des tendances criminelles de son papa, mais son goût pour les expériences médicales étranges indique une inquiétante hérédité.
-Le Bourreau, alias B. (Ric Hochet contre le bourreau, n°14)
LE grand méchant par excellence ! Originaire d’un mystérieux pays de l’Est, le Bourreau travaille pour, voire dirige de non moins ténébreuses organisations secrètes spécialisées dans les coups tordus, dont l’espionnage, la déstabilisation et le terrorisme. Si sa première apparition ne laisse pas un souvenir impérissable, il donne toute la mesure de sa puissance et de son sadisme dans Hallali pour Ric Hochet (n°28), où il pratique la chasse à l’homme tel un moderne Comte Zaroff. Hideux, obèse et paralysé des membres inférieurs, « B » est aussi monstrueux physiquement que moralement. Tibet et Duchâteau n’en feront cependant pas un usage excessif, et le feront intervenir à cinq reprises par la suite, notamment dans le dernier opus (n°73)
-Lucas Clauwitz ( La main de la mort, n°59)
Homme d’affaires véreux ayant pas mal de points communs avec Bernard Tapie, dirigeant une sorte de petit Monaco créé de toutes pièces dans une île méditerranéenne. Particulièrement retors et sans scrupules, il se fait néanmoins avoir par plus tordu que lui dans Crime sur internet.
-Morelli (BD meurtres, n°62)
Dessinateur du sympathique « Dédé le hérisson », c’est aussi un criminel machiavélique. Il est abattu par son complice Olinsky dans La sorcière mal aimée.
-Czelow Olinsky ( BD meurtres, op cit, ou Le jeu de la potence, n°61, sous le nom de Groff)
Ancien tueur et agent secret d’Europe de l’Est, reconverti dans le banditisme. Ennemi redoutable, quoique moyennement charismatique, ayant eu pour couverture le personnage de Groff, le photographe du calamiteux Lambert. C’est le commissaire Brébant qui le met hors d’état de nuire à la fin de La sorcière mal aimée.
Conclusion : et après ?
J’avoue avoir craint, en entreprenant la lecture intégrale de la collection, de finir par « caler ». Eh bien non…Ce fut au contraire un régal, à raison d’un à deux albums par jour, de redécouvrir le petit monde de « Ric Hochet ». Une série aussi longue et aux histoires aussi complexes a un avantage, malgré tous les stéréotypes évoqués plus haut : lorsqu’on arrive à la fin, on a presque oublié le début ! Autant dire que je ne me suis pas ennuyé, même en relisant les albums qui m’étaient les plus familiers. Les vieux « Ric Hochet » ont un parfum délicieusement ringard, une fragrance d’une époque révolue. Avec eux reviennent des souvenirs d’enfance, qui se consomment aussi facilement et avec autant de plaisir qu’un paquet de « Granola » à l’heure du goûter. Les plus récents, chargés de sous-entendus et de références explicites, s’adressent aux vieux fans un peu désenchantés, pour qui l’humour reste le meilleur remède contre la morosité du présent.
En tout cas, j’espère de tout cœur que les « papis de la BD » garderont la forme le plus longtemps possible : j’attends avec impatience le n°74 ! Longue vie à Ric Hochet !
(article rédigé en juillet 2007)
1 commentaire:
Bonjour,
Très jolie analyse. Grand fan de Ric Hochet, je suis même en train de monter un site second degré sur la série (que je donnerai pas car on viendrait à penser que j'ai laissé un commentaire uniquement dans cette intention).
J'ai 27 ans et je lisais vaguement Ric Hochet étant petit. C'est en grandissant que le côté ringard de la série mais immédiatement fait marrer. Et tout le paradoxe étant qu'au final, malgré un dessin franchement pas de haut niveau et des scénarios miteux, il y a un réel plaisir de lecture. En là réside le mystère.
Yann
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